Intervention de Pieyre-Alexandre Anglade

Séance en hémicycle du lundi 19 octobre 2020 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Article 31 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPieyre-Alexandre Anglade :

Ce débat représente une sorte de rituel entre les formations politiques : certaines, comme le groupe de La République en marche, défendent bec et ongles notre contribution financière à l'Union européenne ; d'autres estiment que la France dilapide l'argent dans un projet européen qu'elles dénoncent.

Année après année, les orateurs de ces dernières montent à la tribune nous tenir des discours en apparence d'une grande fermeté et d'une grande dureté, critiquant la participation de la France au budget européen, et exigeant que nous ne payions pas plus que ce que nous recevons. Et cela, dans le meilleur des cas.

Quand ces injonctions viennent de la droite extrême de cet hémicycle, nous y sommes habitués. Lorsqu'elles viennent d'une partie des bancs de la gauche, de la gauche radicale, nous y sommes aussi habitués, tout en nous demandant où est passé le sens de la solidarité, valeur fondatrice de l'Union européenne à laquelle nous pourrions les penser sensibles.

Cette année, la crise liée au covid-19 rebat quelque peu les cartes, mettant en lumière les paradoxes, les contradictions et les incohérences de celles et ceux qui dénoncent cette Europe et qui n'en veulent pas. Dès les premiers instants de la crise, ils se sont mis à pourfendre l'Europe non pas parce qu'elle s'immiscerait dans nos politiques nationales – de santé, notamment – , mais parce qu'elle n'aurait pas assez agi pour nous protéger dans la crise et face au virus.

Ces comportements traduisent évidemment une forme de mauvaise foi, mais aussi une forme d'indécence quand on sait l'énergie qu'ils ont déployée au fil des ans pour défaire le projet européen et en limiter les compétences au maximum.

Le covid-19 rebat donc les cartes, et c'est très bien. Tant mieux si ceux qui demandaient la fin du projet européen, ou tout du moins son édulcoration, en sont venus à réclamer – avec leurs mots, il faut en convenir – que l'Europe fasse plus et plus vite. Tant mieux si l'on s'attend désormais à ce que l'Europe agisse, si on la critique lorsqu'elle ne le fait pas ou bien trop tard.

Cela étant, rien ne nous interdit – et une discussion budgétaire est le bon moment pour le faire – de débattre pour savoir si, face au covid-19, l'Europe a été à la hauteur.

Nous pouvons distinguer deux temps dans l'action européenne.

Le premier a été celui des hésitations, liées à l'absence de compétences en matière de santé et de gestion des frontières, qui a laissé un goût amer à nombre de citoyens européens, notamment aux habitants de bassins frontaliers.

Dans un second temps, l'Europe a été nettement plus à la hauteur des enjeux, elle a pu exprimer le meilleur de ce qu'elle peut faire : une solidarité transfrontalière quand les hôpitaux allemands ou luxembourgeois ont accueilli et soigné nos malades ; la réponse économique sans précédent qui a permis de mobiliser des moyens financiers imposants. La réponse franco-allemande et le plan de relance européen en sont la plus la plus belle illustration.

Attardons-nous un instant sur ce plan de relance européen, intimement lié à notre débat. Ce n'est pas un simple plan de relance, mais une initiative refondatrice et historique pour l'Europe.

Elle est historique car, par son ampleur, elle permet d'éloigner le risque d'implosion que cette crise a fait peser sur l'Union européenne. Nous parlons tout de même de 750 milliards d'euros qui s'ajoutent aux 540 milliards d'euros de prêts que les Européens ont déjà débloqués.

Elle est historique par son mode de financement : pour la première fois depuis sa création, l'Union européenne va émettre une dette commune. D'un point de vue financier, c'est évidemment la solution la plus efficace. D'un point de vue politique, on met la solidarité au coeur de la construction européenne : en liant ainsi leur destin pour les décennies à venir, les Européens envoient un message extrêmement fort aux autres puissances de la planète.

Enfin, elle est historique parce qu'elle signe le retour du couple franco-allemand sur le devant de la scène européenne. Il faut le dire car c'est à l'honneur de la France : ce plan de relance – vous le savez mieux que quiconque, monsieur le secrétaire d'État – , trouve sa source dans la volonté inlassable du Président de la République de faire advenir une Europe plus unie, plus solidaire et plus souveraine. D'autres décisions suivront mais le signal est clair : les Européens font bloc face au virus, et ils continueront à être solidaires au cours des années à venir.

Si je m'attarde un peu sur ce plan, ce n'est pas seulement pour en souligner le caractère historique. Je veux aussi dénoncer certaines approximations ou plutôt certaines intoxications que l'on entend très régulièrement dans le débat politique dans notre pays.

Certains disent que cet emprunt de 750 milliards d'euros est une bonne et belle chose, mais qu'il devra être remboursé par les citoyens français et les entreprises de notre pays. C'est un mensonge.

Non, les Français n'auront pas à payer une facture ou un impôt caché afin de rembourser le plan de relance européen.

Non, ce plan de relance européen ne permet pas à l'Europe de prescrire une liste de réformes en contrepartie d'un versement de 40 milliards d'euros.

Non, ce plan de relance n'ampute pas la PAC. La France s'est battue à Bruxelles pour que nos agriculteurs aient des revenus garantis durant les sept prochaines années. Rappelons qu'au début de la négociation budgétaire, il y a plus de deux ans, il était prévu une baisse de 15 milliards d'euros de la PAC.

Il faut le redire clairement dans cet hémicycle : le budget européen n'a pas été sacrifié d'un euro pour le plan de relance. Ce dernier sera remboursé collectivement, pas avant 2027, sur une durée de trente ans, grâce à de nouvelles ressources propres.

Sur ce dernier point, le Parlement européen, dans toute sa diversité politique, a montré une voie que nous devons suivre. Au-delà du plan de relance, le budget de l'Union européenne sera vraiment à la hauteur de nos exigences vis-à-vis de l'Europe le jour où celle-ci bénéficiera de véritables ressources propres par le biais d'une taxation des services financiers, d'une contribution du secteur du numérique ou d'une taxe carbone aux frontières. Il faut faire payer ceux qui ne paient pas et qui profitent de l'Europe.

C'est à la faveur d'une alliance entre les contributions nationales et les ressources propres de l'Union européenne que nous participons pleinement à la réalisation d'une Europe puissance et que nous affirmons plus encore notre ambition pour l'avenir.

Alors que certains ici doutent ouvertement de la pertinence de cette contribution nationale au budget européen, rappelons qu'elle finit toujours par bénéficier à nos concitoyens. Nous devons cette sincérité et cette vérité à nos agriculteurs, à nos pêcheurs, à notre jeunesse, à nos entreprises et à nos chercheurs, mais aussi aux personnes les plus éloignées de l'emploi et les plus précaires auxquelles l'Union européenne vient en aide.

Pour toutes ces raisons, le groupe de La République en marche votera pour le prélèvement sur recettes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.