Intervention de Olivier Dussopt

Séance en hémicycle du lundi 19 octobre 2020 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Après l'article 22

Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics :

C'est amendement, je le sais, suscite le débat. Je m'efforcerai d'en expliquer la genèse.

Lorsque, l'année passée, vous avez adopté la loi de finances pour 2020, nous avions prévu un schéma de compensation de la suppression de la taxe d'habitation. Nous avions prévu d'affecter aux communes la taxe foncière sur les propriétés bâties des départements, et avions pris acte du fait que cette taxe, qui représente environ 15 milliards d'euros en 2020, serait compensée aux départements par le versement d'une fraction de TVA, équivalant à 15 milliards d'euros, majorés d'un montant de 250 millions d'euros. Cet ajout se justifiait ainsi : depuis trois ans – et même plus, il faut rendre à César ce qui est à César – et à l'exception de l'année 2020, sur laquelle je reviendrai, le Parlement vote chaque année en PLFR – projet de loi de finances rectificative – un fonds de stabilité de 115 à 130 millions d'euros. Ce fonds a vocation à aider les départements à faire face à l'augmentation de certaines dépenses – notamment sociales.

Le Premier ministre et moi-même avions validé le principe selon lequel ce fonds de stabilité de 115 millions d'euros serait porté, de manière forfaitaire, à 250 millions d'euros. Les départements percevraient ainsi, en 2021, l'équivalent des recettes de TFPB des départements en 2020, soit 15 milliards d'euros, majorés de 250 millions d'euros. La loi de finances pour 2020 prévoyait également que les départements percevraient en 2022 la somme de 15,25 milliards d'euros, actualisée à concurrence de l'évolution des recettes de TVA observée entre 2020 et 2021.

Seulement, nous n'avions évidemment pas prévu la crise actuelle : du fait de la récession de 10 % du PIB que nous connaîtrons en 2020 et de la perspective d'un rebond de 8 % l'année prochaine, les recettes perçues par l'État au titre de la TVA augmenteront mécaniquement de 10 % entre 2020 et 2021. La compensation versée aux départements passerait ainsi de 15,25 milliards d'euros à 16,3 ou 16,4 milliards d'euros. J'entends bien qu'une telle évolution puisse être perçue comme bénéfique pour les départements, mais chacun conviendra que si nous nous étions certes engagés à ce que la compensation du transfert de la TFPB soit dynamique, une hausse de 10 % plutôt que de 2,8 % – comme c'est le cas en moyenne pour les recettes de TVA – , crée malgré tout un effet d'aubaine.

Certains départements, je le sais, estiment qu'ils seront confrontés à une hausse des dépenses sociales, notamment au titre du RSA, et qu'il faudrait donc leur laisser percevoir ce milliard d'euros supplémentaire en 2022. D'abord, nous espérons – et je crois que chacun partage ce sentiment – , que, d'ici à 2022, la reprise permettra d'amortir cet effort de dépenses. Surtout, je considère que si un emballement des dépenses au titre du RSA survenait, nous aurions à en connaître dès 2021 et non en 2022.

Jacqueline Gourault et moi-même avons proposé la semaine dernière aux départements d'actualiser le mode de calcul de la compensation, en conservant la base de 15,25 milliards d'euros pour 2021, mais en décidant que, pour 2022, cette somme augmenterait en fonction de l'évolution des recettes de TVA au cours de l'année 2021. Le calcul de la compensation s'appuierait ainsi sur une base contemporaine à son versement, ce qui éviterait l'effet d'aubaine d'environ 10 % que j'évoquais précédemment.

Nous ne voulons pas en rester là. Nous vous proposons d'adopter – soit en amendant la première ou la deuxième partie du présent projet de loi de finances, soit par le biais du quatrième PLFR pour 2020 – le schéma suivant, que nous avons soumis aux départements : il s'agit de prévoir, grâce à un amendement défendu par Jean-René Cazeneuve, un prélèvement sur recettes de l'État de 60 millions d'euros, qui abondera le fonds national de péréquation des DMTO – droits de mutation à titre onéreux – créé par les départements l'année dernière. L'abondement de ce fonds répond à une demande des départements et la stagnation, voire la baisse, des DMTO contrarie cette dynamique. L'État se propose de pallier cette difficulté.

Nous discutons également avec les départements pour régler, dans le cadre du PLFSS – projet de loi de financement de la sécurité sociale – , la question de la surcotisation de la CNRACL – caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales – , qui s'élève à 40 millions d'euros. Nous nous sommes ainsi engagés à ce qu'au cours de l'examen du quatrième PLFR, le Gouvernement introduise une disposition permettant de reconduire en 2020 le fonds de stabilité de 115 millions d'euros prévu pour 2017, 2018 et 2019, mais pas pour 2020.

Par ailleurs, le débat sur la compensation de la suppression de la taxe d'habitation n'exclut évidemment pas la nécessaire poursuite des discussions avec les départements sur la prise en charge des dépenses sociales, notamment des minima sociaux.

Nous vous proposons donc un paquet global, qui comprend plusieurs engagements : entretenir la dynamique du fonds de péréquation des DMTO, traiter la question de la surcotisation de la CNRACL, reconduire en 2020 du fonds de stabilité de 115 millions d'euros et surtout tenir la promesse consistant à verser aux départements 15,25 milliards d'euros de TVA en 2021 en lieu et place des 15 milliards d'euros de TFPB, tout en conservant le principe d'une recette dynamique pour 2022. Cette dynamique devra simplement être fondée sur l'évolution de TVA constatée entre 2021 et 2022, afin d'éviter l'effet d'aubaine lié à la crise, que personne n'avait vue venir – ni les départements, ni l'État. Il n'est pas question d'accuser qui que ce soit de vouloir profiter de cet effet d'aubaine : nous faisons un simple constat, qui engage les finances publiques.

Tel est le sens de cet amendement.

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