Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du mardi 20 octobre 2020 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

Quand la France, sixième puissance mondiale, abrite 10 millions de pauvres, soit 25 % de plus qu'il y a dix ans, et que 500 milliards sont entre les mains de 100 familles, j'ai tendance à faire mienne cette phrase de Gandhi : « Les systèmes économiques qui négligent les facteurs moraux et sentimentaux sont comme des statues de cire : ils ont l'air d'être vivants et pourtant il leur manque la vie de l'être en chair et en os. » Quand nous rappelons ces terribles chiffres,. Camilles ils semblent ici aussi désincarnés ; et vous de nous répondre, ad nauseam, profits, investissements, compétitivité, emploi.

Voici pourtant trente ans qu'on soulage les entreprises de la pression fiscale, et même sociale, avec les allégements Balladur, les allégements Fillon et le CICE de MM. Macron et Hollande, que vous avez pérennisé. Depuis que le marché mondial est devenu le souk des multinationales, je constate, comme par l'effet de vases communicants, l'augmentation de la pauvreté et de la précarité, la dégradation de notre environnement et des services publics, la perte de sens d'un horizon qui s'obscurcit. Voilà donc ce qu'est une saine économie selon vous ?

Depuis 1971, on nous parle de crise chaque année. Mais de crise en crise, ne saisissez-vous donc pas qu'il s'agit d'un défaut du système, qui dans son emballement entraîne tout le monde dans la tourmente, du salarié au petit entrepreneur ? La crise sanitaire n'est-elle pas le révélateur de cette folie ? Même Adam Smith, économiste libéral de référence s'il en est, doit se retourner dans sa tombe en voyant un tel chaos, lui qui demandait déjà la régulation des banques et de la finance, lui qui s'opposait aux monopoles, empêchant le prétendu libre marché. Vous devriez a minima revenir à vos sources et les ajuster au contexte.

Pourtant, malgré ces évidences, vous remettez – permettez-moi l'expression – 10 balles dans la machine. Cet économiste, également moraliste des Lumières, dirait que cela relève du mensonge à soi-même, à propos de ceux qui ont le pouvoir et l'argent – ou vice versa.

En l'occurrence, les 10 balles dans la machine, ce sont les 10 milliards de nouveaux cadeaux aux entreprises, c'est-à-dire la suppression des impôts de production inscrite dans le budget. « Compétitivité mondiale oblige », répétez-vous en boucle. Nous constatons surtout qu'elle est synonyme de nouvelles formes d'esclavage et de précarité, plus que d'investissements. « Investissements », dites-vous malgré tout. Mais nous n'en voyons pas la trace, d'après les rapports de vos propres officines.

Compétitivité et investissements sont les mots magiques de vos vaines justifications à toutes nos interventions : là pour rejeter nos amendements relatifs à l'impôt sur la fortune et à la suppression de la flat tax ou du crédit d'impôt recherche ; ici pour repousser aux calendes grecques la suppression des niches favorables aux secteurs polluants des transports ou de l'agriculture ; là encore pour refuser la taxation des transactions financières, des GAFAM – Google Amazon Facebook Apple Microsoft – et autres goinfres du CAC40. Cela représente des centaines de milliards, qui pourraient revenir dans les caisses de l'État sans déstabiliser l'économie réelle, sauf à frapper quelques profiteurs de crise. Autant de milliards en moins pour des services et des métiers immédiatement indispensables pour chacun et pour tous, indispensables pour faire société aujourd'hui et demain. Je pense bien sûr à la santé, à l'éducation, à la recherche, à la sécurité et à l'écologie, dont vous augmentez timidement les budgets eu égard aux réelles nécessités.

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