Intervention de Joël Aviragnet

Séance en hémicycle du mardi 20 octobre 2020 à 21h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Aviragnet :

Nous abordons cette année l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale dans un contexte de crise sanitaire d'une ampleur mondiale. À ce jour, notre pays compte 33 623 décès dus à l'épidémie de covid-19. Aussi, je tiens à exprimer ma solidarité à toutes les familles victimes de ce virus, ainsi qu'aux soignants qui lui font face tous les jours.

Le coronavirus a endeuillé notre pays et l'humanité tout entière ; mais il a également révélé au grand jour les défaillances de notre système de santé. La mauvaise gestion de la pénurie des masques, dès mars 2020, conjuguée aux errements de stratégie en matière de tests, a clairement aggravé la situation sanitaire, et par conséquent dégradé les comptes sociaux de notre pays – sujet qui nous occupe aujourd'hui.

Je l'ai dit, le contexte dans lequel nous examinons ce PLFSS n'est pas anodin. Nous sommes face à l'une des pires crises sanitaires de notre histoire et les comptes sociaux qui nous sont présentés aujourd'hui en portent tous les stigmates. Pour 2020, le déficit de la sécurité sociale atteint 46,1 milliards d'euros ; pour 2021, il devrait s'établir à 26,4 milliards. Mais les incertitudes sont telles qu'il nous est impossible de savoir si nous serons en mesure de réduire ce déficit ou si celui-ci sera aggravé. En effet, dans vos projections, vous tablez sur un rebond de l'économie française après une récession due au confinement, mais avec le couvre-feu décidé par le Président de la République la semaine dernière, l'ensemble de votre texte est soudainement devenu très hypothétique.

Nous ne savons pas quelles seront les conséquences économiques du couvre-feu : nous ignorons sa durée complète, son impact sur l'emploi et sur les chiffres du chômage, et enfin son effet sur les recettes de la sécurité sociale. Nous sommes donc invités à nous prononcer à l'aveugle sur la situation des comptes sociaux. Je ne vous en fais pas le procès, mais pour l'information claire du Parlement, un PLFSS rectificatif sera nécessaire une fois le couvre-feu terminé.

Monsieur le ministre des solidarités et de la santé – absent ! – , vous défendez un texte qui présente la plus forte hausse de l'ONDAM des trente dernières années, mais aucun député sur ces bancs ne peut réellement s'en féliciter puisque cette hausse du budget de l'assurance maladie vise à répondre ponctuellement à la crise sanitaire. Chacun sait aussi qu'elle n'est pas destinée à de nouveaux recrutements à l'hôpital ni à de nouvelles ouvertures de lits. C'est pourtant le manque de lits et de personnel qui vous conduit à instaurer le couvre-feu et de nouvelles mesures restrictives de nos libertés – un non-sens absolu.

La réponse à la crise nécessite des efforts financiers, cela va de soi ; cependant, si nous voulons nous doter d'un système hospitalier capable d'affronter les crises sanitaires à venir, il faudrait changer de politique en matière de santé : mettre fin à l'austérité budgétaire réservée à nos hôpitaux et investir dans la société du soin – la société du care.

Ce PLFSS ne va pas répondre durablement aux problèmes de la sécurité sociale, et encore moins des hôpitaux. Néanmoins je salue la traduction dans ce texte des mesures du Ségur de la santé. Les soignants ont été en première ligne face au virus, et les hausses de salaires et les primes sont attendues de longue date ; aussi, je voterai pour ces mesures. J'approuve également volontiers le progrès que constituera l'allongement du congé de paternité et d'accueil de l'enfant, prévu dans le projet de loi.

Mais ce texte n'est pas à la hauteur des enjeux. Alors qu'on fait face à une crise sanitaire d'une violence inouïe, nous continuons à fermer des lits dans les hôpitaux. En outre, vous proposez la création d'un forfait aux urgences pour tous, là où de nombreux Français étaient exonérés de ticket modérateur – je pense bien sûr aux femmes enceintes et aux personnes souffrant d'affections de longue durée.

La loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie a permis de créer la cinquième branche de la sécurité sociale, qui doit permettre un meilleur accompagnement de la perte d'autonomie. Mais comment ne pas s'inquiéter de l'absence d'un financement pérenne de cette branche ? De nouvelles recettes sont nécessaires : les besoins des EHPAD comme des services d'aide à domicile sont immenses, et l'urgence est là.

Pour conclure, je rappelle que, si la dette de la sécurité sociale est en hausse à cause de la crise sanitaire, nous n'oublions pas que vous avez largement affaibli notre système de protection sociale depuis trois ans. En votant des exonérations de cotisations non compensées, en faisant supporter par la sécurité sociale les mesures décidées lors de la crise des gilets jaunes ou, aujourd'hui, en faisant peser sur les comptes sociaux la réponse à la crise sanitaire, vous avez fragilisé notre protection sociale durablement.

Monsieur le ministre des solidarités et de la santé – toujours absent ! – , si, comme moi, vous êtes attaché à la sécurité sociale, refusez que l'État se serve dans ses caisses à chaque fois qu'une situation de crise se présente ; sans quoi nous condamnons notre sécurité sociale à des décennies d'austérité mortifère. La sécurité sociale, c'est notre trésor national, ne la sacrifions pas sur l'autel d'un capitalisme devenu malade !

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