Intervention de Alain Bruneel

Séance en hémicycle du mardi 20 octobre 2020 à 21h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Bruneel :

Devant l'urgence sanitaire, disais-je, nous devons dès aujourd'hui engager un grand plan d'emploi et de formation pour les métiers de la santé, permettant de financer le recrutement de 100 000 personnels à l'hôpital et de 200 000 personnels dans le secteur médico-social. C'est pourquoi nous avons proposé d'adopter une loi de programmation pour l'hôpital public et les EHPAD, qui nous permettrait de planifier les besoins pour les prochaines années.

Par ailleurs, l'organisation des dépenses liées au covid-19 et aux revalorisations salariales n'empêche pas un plan d'économie de 4 milliards d'euros sur les dépenses d'assurance maladie, dont 800 millions d'euros sur les dépenses de fonctionnement de l'hôpital public, afin d'entrer dans les clous de l'ONDAM. Ce que vous donnez d'un côté, vous le reprenez de l'autre.

Dans le même registre, la reprise de 13 milliards d'euros de dette hospitalière pour favoriser les investissements est subordonnée à des engagements d'économie sur les dépenses courantes des hôpitaux, contrôlées par les agences régionales de santé. Derrière une bonne mesure, vous recyclez la logique de pilotage comptable des soins, qui est l'une des causes du malaise hospitalier.

Nous sommes absolument opposés à la création d'un forfait de passage aux urgences de 18 euros, à la charge des patients qui ne se font pas hospitaliser. Ce n'est pas à eux de payer l'engorgement des urgences hospitalières ; ce n'est pas à eux de payer de payer l'insuffisance du nombre de médecins de villes disponible.

Enfin, s'agissant de la création de la branche autonomie, nos craintes se confirment : les financements ne sont pas au rendez-vous pour faire face à l'enjeu de la perte d'autonomie ; l'ambition doit être renforcée pour améliorer les prestations sociales pour les personnes dépendantes ou handicapées, et permettre de réduire le reste à charge qui pèse sur les familles en matière d'hébergement.

Nous devons aussi aller beaucoup plus loin pour revaloriser les conditions de travail des métiers du secteur médico-social et de l'aide à domicile. Malgré les occasions manquées, nous notons quelques mesures positives, comme l'allongement du congé paternité ou la réduction de la place de la tarification à l'activité dans le financement des hôpitaux. Les prestations sociales sont aussi préservées dans le projet de budget pour 2021, après trois années de désindexation.

Désormais, avec la crise sanitaire, se pose la question du financement de la protection sociale pour faire face aux défis à venir : qui paiera la facture ?

Le déficit de la sécurité sociale atteindra 44 milliards d'euros en 2020 puis 27 milliards en 2021. Cette dégradation des comptes s'explique autant par l'augmentation des dépenses de santé que par une chute des recettes liée à la baisse de l'emploi et au recours à l'activité partielle.

Il est urgent de trouver de nouvelles ressources pour financer les besoins sanitaires et sociaux qui croîtront, à la faveur de la crise sanitaire et du choc économique. En commission des affaires sociales, nous avons mis des propositions sur la table, par exemple la révision des exonérations de cotisations sociales injustifiées. Nous devrions au moins exiger que les 68 milliards d'euros de l'enveloppe des aides publiques aux entreprises soient subordonnés à des critères d'emplois et de relocalisations ainsi qu'à des engagements écologiques. Mais toutes nos propositions ont été refusées, au motif qu'il ne faudrait pas augmenter les impôts.

Pourtant, dans le même temps, vous vous privez de ressources pérennes en affectant 18 milliards d'euros de CSG et de CRDS – contribution au remboursement de la dette sociale – au remboursement d'une dette sociale qui résulte des choix du Gouvernement pour gérer la crise sanitaire et économique. Avec ce transfert de dette à la CADES, on se prive chaque année de l'équivalent d'un Ségur de la santé. Plutôt que de faire supporter par l'État la dette liée au covid-19, vous préférez jouer la montre, en laissant le déficit de la sécurité sociale se creuser sans proposer de ressource pérenne. Il y a fort à parier que vous reviendrez bientôt devant nous pour exiger de nouvelles mesures d'économie sur la protection sociale et les assurés.

Dans ces circonstances, le groupe GDR craint que le budget de la sécurité sociale pour 2021 ne soit qu'une parenthèse avant le retour à l'austérité.

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