Intervention de Perrine Goulet

Séance en hémicycle du mardi 20 octobre 2020 à 21h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPerrine Goulet :

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 est particulier à plus d'un titre. Il comporte une concrétisation, un chiffrage, une ambition et des promesses. Ces promesses sont le fruit de longues attentes et la conséquence d'une crise de notre système de santé, crise dont nous connaissons les tenants et les aboutissants mais dont on a trop longtemps minimisé les effets.

Si notre système de santé connaît des difficultés structurelles, il peut compter sur l'abnégation sans faille et l'engagement de l'ensemble des personnels soignants. À l'heure où nous entamons nos débats sur le texte qui, chaque année, les concerne directement, je tiens, au nom de mon groupe, à leur rendre l'hommage qu'ils méritent.

Notre assemblée va, dans les jours à venir, examiner un budget de la sécurité sociale inédit à bien des égards. Il est évident que nous ne pourrons pas pallier trente ans de carences de notre système de santé : le manque criant de médecins ; des services hospitaliers qui ferment ; une médecine à deux vitesses, avec des malades des villes et des malades des champs. Toutefois, il engage une dynamique de dépenses certes coûteuse mais absolument nécessaire, ne serait-ce que pour reconnaître la qualité des ressources humaines qui en constituent le pilier.

Ainsi ce projet de budget, par son ampleur et par la prise de conscience qu'il traduit, est-il exceptionnel à plus d'un titre. Vous avez, monsieur le ministre, tiré les enseignements de cette crise en convoquant le Ségur de la santé, retranscrit les lignes budgétaires de ce projet de loi de financement. Même si preuve d'argent n'est pas preuve d'amour, il convient de donner aux femmes et aux hommes qui soignent la nation, les moyens d'agir et une reconnaissance accrue.

Concrètement, ce texte met en oeuvre des politiques publiques maintes fois souhaitées et maintes fois repoussées. Je pense évidemment aux progressions salariales pour les infirmiers et les personnels des EHPAD. Rappelons qu'il est question de près de 2 200 euros de salaire en plus chaque année. Il s'agit d'un signal fort dont notre groupe ne peut que se réjouir.

Nous espérons également que les discussions en cours sur la revalorisation des salaires des personnels oeuvrant dans les établissements du secteur privé pourront aboutir rapidement à un accord équivalent à celui du public et se verront traduites dans les tarifs les liant à l'assurance maladie. En effet, bien que souvent critiquées, les structures privées opèrent un maillage territorial essentiel. Les cliniques ont également joué un rôle crucial, au plus fort de la crise du printemps dernier, en déprogrammant leurs opérations, en mobilisant leurs services de réanimation quand c'était nécessaire et en permettant à leur personnel de venir en renfort dans les hôpitaux publics ; il convient de le garder en tête.

Nous l'avons dit, les indicateurs de dépenses de ce budget sont en hausse. Cela représente une augmentation de 2,5 % de l'ONDAM à périmètre constant, à laquelle il faut ajouter les engagements du Ségur et l'effet covid, soit une hausse globale de l'ONDAM de 11,7 milliards d'euros.

Cet indicateur est précieux puisqu'il permet de dégager une tendance. Pour autant, le suivi de l'ONDAM doit pouvoir être optimisé, notamment au moment où vous annoncez sa rénovation. Lors de l'examen du texte en commission, notre groupe a fait savoir qu'il serait particulièrement vigilant sur ce point. Si nous disposons de l'annexe 7, spécifiquement dédiée à son analyse, il nous semble qu'il faut aller plus loin dans le détail de ce suivi, à l'image du dispositif mis en oeuvre dans le cadre des projets de loi de finances et des rapports annuels de performances. Il s'agit non seulement de la transparence des comptes de la sécurité sociale, mais aussi de l'information des parlementaires et de tous les Français. Cet éclairage sur l'utilisation du budget de la sécurité sociale est nécessaire pour en faire un réel outil de gouvernance. Il s'agit pour nous de pouvoir mesurer pleinement la diffusion sur le terrain des mesures que nous votons chaque année pour des milliards d'euros.

Cela m'amène assez naturellement à la question de la démocratie sanitaire. La crise du printemps dernier a démontré que le dialogue entre les élus et les agences régionales de santé pouvait se dérouler parfaitement mais qu'elle pouvait aussi être très difficile, voire inexistante. Il apparaît dès lors fondamental que les échanges entre ces deux entités s'institutionnalisent et se normalisent. La situation sanitaire actuelle nous montre chaque jour l'importance de la remontée d'informations et de la concertation en amont de la prise de décision.

Il est donc essentiel de donner un second souffle, une nouvelle impulsion à la démocratie sanitaire. Il faut que les élus nationaux comme locaux puissent participer pleinement au déploiement de la politique publique de la santé. Dans cette perspective, notre groupe présentera plusieurs amendements pour que la démocratie sanitaire ne soit pas qu'un concept mais une réalité quotidienne.

Ce texte concrétise également une mesure d'envergure : la reprise de la dette des établissements de santé à hauteur de 13 milliards d'euros, qui doit donner les moyens à nos établissements d'investir à nouveau et d'assainir leur situation financière. À ce titre, nous souhaitons que l'attribution des financements soit la plus juste et la plus équilibrée possible, qu'ils ne profitent pas qu'aux grosses structures les plus déficitaires, au détriment d'établissements à la gestion plus saine et plus responsable, donc moins endettés ; cet argent doit être attribué à ceux qui en ont le plus besoin plutôt qu'aux moins-disants, nous comptons sur vous pour qu'il en soit ainsi, monsieur le ministre.

Ce PLFSS permet également d'avancer sur la reconnaissance des métiers de l'aide à domicile. Nous nous réjouissons que le Gouvernement et les départements soient parvenus à un accord permettant le financement d'une prime pour ces personnels. Si cette mesure est bien inscrite dans le texte, beaucoup d'entre nous se sont inquiétés de ne pas voir apparaître un dispositif plus pérenne pour permettre une véritable montée en charge de ce secteur. Il semble que le Gouvernement ait entendu cet appel puisqu'il proposera, par voie d'amendement, une mesure concrète et substantielle, cela a été annoncé tout à l'heure ; c'est une très bonne nouvelle.

Si cet engagement a de quoi nous réjouir, nous souhaitons évoquer avec vous la situation de celles et ceux qui ont oeuvré pendant la crise de la covid-19, non seulement dans le champ de l'autonomie et du handicap, mais aussi aux côtés des enfants sous protection, dans les foyers de l'enfance et les différentes structures de l'aide sociale à l'enfance. Nous ne devons pas oublier ces éducateurs, ces familles d'accueil et tous les personnels qui ont accompagné les enfants sous protection.

La reconnaissance des médecins libéraux est l'un des autres sujets sur lequel nous souhaitons insister. Le report des négociations de la convention libérale ne semble pas à la hauteur de l'engagement des médecins libéraux, qui furent souvent en première ligne durant la crise sanitaire. Il serait nécessaire de faire aboutir ces négociations avant mars 2023, d'une part pour reconnaître l'engagement et le travail des médecins de ville, d'autre part pour donner une attractivité nouvelle au métier.

La question du sport santé nous préoccupe également. On le sait, la sédentarité de nos sociétés entraîne des affections coûteuses pour la sécurité sociale. La comorbidité associée au covid-19 illustre les maux de notre mode de vie : hypertension, obésité, diabète, autant de facteurs que nous pourrions éliminer si nous investissions plus dans le sport santé, si la population prenait conscience du problème et si les pouvoirs publics étaient plus incitatifs. Il serait pertinent de transformer nos schémas de pensée en la matière.

Notre groupe ne saurait ne pas évoquer enfin la politique familiale. Le Gouvernement propose cette année une mesure très forte qui consiste à doubler la durée du congé paternité et à le rendre pour partie obligatoire. Il s'agit d'une avancée historique, qui répond aux attentes de nos concitoyens et contribuera au renforcement de l'égalité entre les femmes et les hommes dans notre société.

Pour renforcer encore la politique familiale, notre groupe, comme chaque année depuis le début de la législature, proposera un amendement visant à rendre effectif le versement de la prime de naissance et à dispenser de son remboursement en cas de décès de l'enfant. Depuis le PLFSS de l'an dernier, il semble que ces idées aient fait leur chemin, puisque notre Assemblée les a adoptées par le biais de plusieurs propositions de loi. Afin d'éviter de conditionner l'entrée en vigueur de ces mesures de justice sociale à l'aboutissement de la navette parlementaire, il nous semble opportun de les inscrire dès à présent de manière définitive dans la législation.

C'est pour la même raison que nous proposions de permettre aux sages-femmes de pratiquer des IVG instrumentales. J'emploie le passé car les méandres de la recevabilité des amendements – tantôt recevables en commission, tantôt irrecevables en séance – ne nous permettront pas d'aborder le sujet par amendement. Aussi, monsieur le ministre, nous vous demandons d'avancer ensemble par un autre biais qu'un amendement parlementaire.

Pour finir, nous tenons à saluer la prolongation d'une année du dispositif TODE – travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi – , au vu des conséquences économiques de la crise sanitaire pour les agriculteurs. La prolongation de cette transition doit nous permettre d'évoluer vers un dispositif viable et pérenne.

Voilà, en quelques minutes, l'état des lieux et les perspectives dressés par notre groupe sur le PLFSS pour 2021. Ne nous y trompons pas : le projet de loi de financement de la sécurité sociale est prometteur et ambitieux, et le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés aborde son examen dans un état d'esprit constructif. Il proposera de l'enrichir et de le densifier à travers plusieurs amendements auxquels je vous demande par avance de donner un avis favorable.

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