Intervention de Nicolas Dupont-Aignan

Séance en hémicycle du mercredi 21 octobre 2020 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Dupont-Aignan :

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 contient toutes les contradictions qui expliquent l'échec du Gouvernement face à la crise sanitaire, économique et sociale créée par le covid-19. Vous prétendez, grâce à votre projet, prendre les mesures d'urgence nécessaires, mais les mots ne sont pas suivis de décisions durables et cohérentes qui permettraient vraiment de remettre debout notre système de santé.

Bien entendu, je soutiens les mesures prévues pour augmenter la rémunération des soignants et investir dans les hôpitaux, car toute amélioration est bonne à prendre pour celles et ceux qui se dévouent, nous le savons, pour notre bien commun. En revanche, je ne pourrai pas voter votre projet dans sa globalité, car ces mesures sont insuffisantes et incomplètes. Seule la Bérézina du covid vous a obligés à consentir un effort financier, et la deuxième vague montre que cette prise de conscience est bien trop superficielle.

Nous savons tous que l'hôpital manque cruellement de personnel soignant. La hausse salariale prévue ne suffira pas à faire revenir les professionnels épuisés par votre système. Les 6 milliards d'euros d'investissement que vous proposez peuvent apparaître comme une somme importante, mais ils demeurent insuffisants compte tenu des besoins et des retards accumulés, lesquels ne datent d'ailleurs pas du présent quinquennat. La comparaison avec la hausse de 5 milliards d'euros de la contribution de la France au budget européen pour l'année 2021, qui a été votée en quelques heures, suffit d'ailleurs à relativiser cet effort budgétaire. Autrement dit, l'effort de la nation pour l'investissement dans l'hôpital est à peine supérieur au racket de la bureaucratie européenne.

La France bénéficie de taux d'emprunt négatifs historiques. C'est donc le moment ou jamais d'investir dans des dépenses utiles, mais aussi de reprendre l'intégralité de la dette hospitalière, plutôt que de s'en tenir aux 13 milliards d'euros prévus dans le projet de loi. Avec cette demi-mesure, vous laissez nos hôpitaux étouffer sous le poids de dettes exorbitantes, alors que l'État peut les libérer pour un coût final bien moindre pour le contribuable.

Faute de mettre les moyens pour attirer à nouveau des personnels soignants et d'investir, vous ne créez pas de lits de réanimation pour mettre notre pays au niveau de l'Allemagne ; c'est là que réside d'ailleurs le problème central de la crise. Réalisez-vous que la France est complètement paralysée, pour un coût économique et social de plusieurs centaines de milliards d'euros, car la marge entre une période normale et une période de reprise épidémique n'est que de quelques centaines de lits de réanimation ? Le faible nombre de lits de réanimation est semblable à une digue sous-dimensionnée, dont la hauteur serait à peine suffisante pour contenir une crue moyenne. Or un système hospitalier, à l'instar d'une digue, doit être paré pour des crises exceptionnelles, ce que vous refusez de faire, et ce toujours pour des raisons comptables.

Dans la plupart des départements de France, des établissements de santé ont été fermés, alors qu'ils pourraient tout à fait accueillir à nouveau des patients atteints du covid-19, ce qui permettrait de maintenir le reste des activités hospitalières. Depuis le début de la crise, vous avez systématiquement refusé de rouvrir ces établissements – je pense notamment au Val-de-Grâce, à Paris, qui serait parfaitement adapté. Pire encore, les agences régionales de santé continuent de vouloir fermer des services, voire des hôpitaux. Dans mon département de l'Essonne, vous fermez des services des hôpitaux de Juvisy-sur-Orge, d'Orsay, de Longjumeau, sans tirer aucune leçon de la crise. Selon Mediapart, plus de 100 lits – dont certains d'EHPAD – ont été fermés au CHU de Nantes, alors que nous sommes en pleine crise sanitaire et malgré un résultat excédentaire de 3,8 millions d'euros en 2019. Enfin, Le Canard enchaîné de ce matin nous apprend que les capacités de réanimation disponibles en Île-de-France pour les patients atteints du covid-19 auraient diminué de 30 % par rapport à mars dernier – même si, dans un autre journal, le ministre des solidarités et de la santé annonce bien évidemment le contraire.

Vous me direz, à juste titre, que l'argent magique n'existe pas ; j'ai répondu sur ce point. Mais depuis plusieurs années, des voix s'élèvent pour vous alerter sur l'ampleur considérable de la fraude sociale. Plusieurs parlementaires et la Cour des comptes ont produit des rapports accablants. La Cour des comptes s'est déclarée incapable de chiffrer précisément l'ensemble des détournements, mais elle a reconnu que, pour la seule branche famille, la fraude s'élève à 2,3 milliards d'euros, soit 3,2 % des prestations. En extrapolant ce taux à l'ensemble des branches de la sécurité sociale, la fraude sociale attendrait 16 milliards d'euros par an. Il s'agit d'ailleurs de l'ordre de grandeur estimé par le magistrat Charles Prats, ainsi que par notre collègue Pascal Brindeau dans son rapport d'enquête parlementaire.

La commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales a ainsi prouvé que les différents régimes sociaux comptaient, au total, entre 2,4 à 3 millions d'assurés fantômes et 5 millions d'assurés de plus que le nombre de résidents en France. Quant à l'AGIRC-ARRCO – l'Association générale des institutions de retraite complémentaire des cadres et l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés – , elle a procédé à un contrôle de 1 000 assurés résidant en Algérie et a découvert des fraudes chez 40 % d'entre eux. Face à de tels chiffres, comment accepter que vous ne preniez aucune mesure contre la fraude sociale, ne serait-ce qu'un plan d'action pour évaluer enfin son ampleur ?

La France est l'un des pays qui dépense le plus en faveur de son système social, en particulier de la santé. Nous disposons de personnels soignants admirables, qui font preuve d'un dévouement et d'un professionnalisme reconnus de tous. Pourtant, notre système est débordé, saturé, incapable de prendre en charge des milliers de personnes âgées, qui sont tout simplement écartées de la réanimation faute de lits disponibles.

En un mot, comment peut-on dépenser autant d'argent en faveur d'un système, laisser tant de fuites d'eau, tant de milliards gaspillés, tant de fausses cartes vitales…

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