Intervention de Éric Woerth

Séance en hémicycle du lundi 26 octobre 2020 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Plan de relance

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, président et rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Chaque jour qui passe, le virus progresse et la réalité de l'exercice budgétaire trépasse. Aujourd'hui, sans doute faut-il parler davantage d'urgence que de relance, mais nous parlons de la mission « Plan de relance ». Avec plus de 36 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 22 milliards d'euros en crédits de paiement – CP – , c'est, en ordre d'importance, la cinquième mission du budget pour 2021. S'il faut relativiser la portée de l'effort que représentent ces crédits – des plans de relance ont été adoptés à peu près dans tous les pays – , ces sommes sont évidemment gigantesques.

Ce plan de relance est aussi un outil de communication : le chiffre rond de 100 milliards d'euros marque les esprits. Il est constitué d'un mélange d'argent neuf, de recyclage de crédits précédemment votés, à l'image des 3 milliards d'euros de reste à payer, votés en 2020, portés dans les crédits de paiement par la mission « Plan de relance ». Citons encore les 10 milliards de CP déjà votés dans le troisième projet de loi de finances rectificative – PLFR3 – , qui sont déployés ou redéployés dans les différentes missions du budget pour 2021, au titre du plan de relance.

La mission « Plan de relance » ne représente « que » 57 % des autorisations d'engagement consacrées à la relance elle-même, ouverte en 2021, compte tenu des positionnements dans les crédits budgétaires traditionnels comme dans le PIA. Les 43 % restants se dispersent entre d'autres lignes budgétaires.

Sur le fond, les dépenses éligibles à la mission « Plan de relance » devraient, à mon avis, répondre aux questions suivantes : ces mesures permettent-elles d'accélérer la transition écologique et numérique de notre nation ? Permettent-elles d'augmenter durablement le niveau de croissance potentielle du pays ? S'agit-il de dépenses de relance ou d'un alibi pour réaliser des dépenses de rattrapage ?

À la lumière de ces questions, plusieurs mesures n'ont aucune raison de se trouver dans un plan de relance pour sauver la France. Plusieurs mesures n'ont aucun lien avec la relance, notamment les commandes publiques visant à combler un besoin ancien en matériels dans quelques ministères : les 30 000 caméras-piéton pour les forces de police ; les 2 000 tasers ou les 4 000 housses tactiques modulaires pour la protection des forces de l'ordre.

D'autres mesures sont des dépenses de fonctionnement, sans lien avec un quelconque objectif de compétitivité ou de transition, telles que le renforcement des moyens alloués à l'hébergement et à l'aide au retour des demandeurs d'asile. Et je doute sincèrement que les crédits affectés aux jardins partagés, à la plantation de haies ou encore au soutien à l'accueil des animaux abandonnés et en fin de vie, soient de la relance.

Quel est l'impact de ces mesures sur l'accélération de la transition écologique et sur l'amélioration de la croissance potentielle de notre pays ? Il est évidemment nul. Il ne s'agit pas de remettre en cause la légitimité de ces dépenses, mais nous devons nous demander si la relance ne devient pas parfois un alibi à la dépense.

Autre réserve : au lieu de clarifier le débat, cette mission « Plan de relance » apporte beaucoup de complexité en raison d'un important saupoudrage, et d'une illisibilité des crédits entre cette mission, les autres missions de ce projet de loi de finances et les PLFR adoptés au printemps dernier.

C'est ainsi que l'on ne compte pas moins de vingt-six mesures différentes pour les jeunes dans la mission de relance, pour un montant de 3,4 milliards d'euros – sachant que 1 milliard a déjà été voté au printemps et que des mesures se trouvent dans la mission « Travail et emploi ».

Quant à la consommation des crédits, elle est très incertaine. Les modalités de sélection des projets ne vont pas garantir une répartition équitable de la ressource publique. Il va falloir décaisser vite et bien – c'est d'ailleurs la nature même de l'exercice. Pourtant, j'ai quelques doutes quand nous votons les autorisations d'engagement qui devraient être intégralement consommées sur deux ans, alors que le Gouvernement se dit capable d'en consommer les deux tiers dès 2021. N'est-ce pas irréaliste ? En outre, certains crédits me semblent sous-estimés, comme les 900 millions d'euros qui doivent permettre la transformation de prêts en quasi-fonds propres. Cela me semble vraiment très peu.

J'ai donc beaucoup d'inquiétudes sur la capacité à réellement relancer l'activité, au travers de cette mission. Le tout est très foisonnant. Quoi qu'il en soit, la relance est nécessaire. Je terminerai comme j'ai commencé : il me semble assez anachronique de parler de relance quand un couvre-feu s'applique à quasiment tout le territoire et que l'on annonce chaque jour de nouvelles mesures de soutien.

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