Intervention de Christophe Euzet

Séance en hémicycle du samedi 24 octobre 2020 à 9h00
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Euzet :

En commission, jeudi, on faisait remarquer que nous travaillions dans l'urgence. C'est vrai. Il y a urgence, et nous avons pu constater que ce n'est pas seulement chez nous : toute l'Europe est concernée, le continent américain également. La crise est mondiale. C'est inconfortable pour tout le monde.

Rien de ce que nous faisons ici ne nous est réellement agréable, mais j'ai la conviction profonde qu'il nous faut le faire, en responsabilité, comme cela a été dit à plusieurs reprises. J'entends avec attention, sérieux et gravité les critiques de l'opposition. Elles sont nécessaires, et même indispensable, car elles permettent de voir, par effet miroir, ce que fait la majorité. J'entends les discours, parfois exagérément alarmants, qui évoquent la fin de la démocratie et le risque pour l'État de droit, mais le groupe Agir ensemble et moi-même refusons de hurler avec les loups. Il nous faut regarder les choses avec lucidité et le plus d'objectivité possible.

Objectivement, en responsabilité, avec gravité, ne pas réagir à la hauteur du problème reviendrait à ne pas assumer la responsabilité sanitaire qui incombe aux responsables politiques que nous sommes. En faire trop porterait une atteinte excessive à notre liberté et à nos droits fondamentaux, au-delà de ce que la population de notre pays est prête à accepter. Entre ces deux termes se trouve, comme cela a déjà été dit, le seuil étroit et fragile de l'acceptabilité sociale, économique et sanitaire des mesures qui seront prises. Or, comme chacun dans cet hémicycle en conviendra en responsabilité et avec gravité, l'exercice est compliqué.

Je ne reviendrai pas sur les chiffres, qui sont connus de tous, qui ont été rappelés et qui sont alarmants. Je ne reviendrai pas davantage sur le détail du texte : il prolonge l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 16 février, c'est-à-dire de trois mois, il prévoit une nouvelle période transitoire modifiée de sortie de l'état d'urgence sanitaire pour permettre un retour à la normale que chacun dans cet hémicycle appelle de ses voeux, il prolonge la mise en oeuvre des systèmes d'information et de conservation de données, et, en toute logique, il habilite le Gouvernement à prendre des mesures par voie d'ordonnances en cas de besoin, notamment, comme vient de le rappeler pertinemment M. le ministre, pour prolonger l'exercice de certains droits.

Il nous faut, en d'autres termes, faire face à un nouvel écueil, à une deuxième vague, devant laquelle chacun joue son rôle : l'exécutif pour la prise de décision rapide, la société civile, qui nous regarde faire avec beaucoup d'implication, les médias dans leur rôle, et nous, ici, parlementaires, représentants de la nation, chargés de porter un jugement sur la méthode, sur la forme et sur le fond.

Sur la méthode, être trop dogmatiques nous enverrait à un procès où il nous serait reproché de ne pas écouter ou de ne pas comprendre la difficulté du problème. La méthode est donc nécessairement empirique, car nous faisons face à l'inconnu.

Sur le fond, notre réunion est évidemment inconfortable, car il s'agit de porter des atteintes dures à nos libertés fondamentales, à nos droits fondamentaux, à notre liberté de circuler, d'entreprendre et de nous réunir. C'est un sacrifice important, qui pose la question, comme cela a été dit, de l'acceptabilité sociale, économique et sanitaire des mesures prises.

Il nous revient donc, en tant que parlementaires et pour jouer notre rôle, de porter une appréciation, en État de droit, sur la forme de ce qui est fait. Les décisions sont-elles fondées ? Elles sont prises après avis du Conseil scientifique et du Conseil d'État, qui considèrent tous deux qu'elles sont exigées par les circonstances. Quant à nous, nous sommes consultés pour la cinquième fois en quelques mois, ce qui témoigne pleinement du rôle que nous sommes appelés à jouer au long cours.

Ces mesures sont proportionnées et strictement nécessaires, avec des habilitations limitées dans le temps, limitées en termes de domaines et localisées au maximum, les préfets se voyant donner le pouvoir de prendre des mesures adaptées. Elles sont contrôlées – les dispositions législatives par le Conseil constitutionnel et les dispositions réglementaires par le Conseil d'État. Nous-mêmes serons attentifs, comme cela a été dit en commission, à ce que les consultations préalables obligatoires soient respectées. Elles sont appelées, enfin, à déboucher sur un régime juridique qui devra se clarifier dans les semaines qui viennent, avec une mission appelée par la présidente de la commission des lois et un projet de loi qui arrivera un peu plus tard. Nous sommes donc impliqués, attentifs, responsables et vigilants, et nous voterons pour ce projet de loi.

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