Intervention de Joël Aviragnet

Séance en hémicycle du mardi 27 octobre 2020 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Aviragnet :

Nous avons examiné en séance publique, la semaine dernière, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Il s'agit d'un texte singulier en raison du contexte sanitaire. Présenté comme exceptionnel, avec un ONDAM – objectif national des dépenses d'assurance maladie – plus élevé qu'il ne l'avait jamais été depuis sa création, ce PLFSS est aussi, en réalité, très décevant, dans la mesure où il n'apporte qu'une réponse de court terme aux problèmes engendrés par la crise sanitaire.

En effet, si le Gouvernement s'est targué à de multiples reprises d'une augmentation exceptionnelle de l'ONDAM à hauteur de 11 milliards d'euros pour 2020, il apparaît que les dépenses prévues sont dirigées pour l'essentiel vers des réponses d'urgence à la crise sanitaire et ne concernent pas les problèmes de fond de notre système de santé, alors que chacun sait que c'est à cause des problèmes structurels, du manque de personnel, de lits et de matériel que nous nous dirigeons vers un reconfinement.

Ainsi, en parallèle à l'annonce d'un ONDAM ambitieux pour 2021, il est demandé aux hôpitaux de faire des économies à hauteur de 805 millions d'euros, ce qui s'annonce déjà comme un scandale sanitaire : faut-il vous rappeler que les hôpitaux sont débordés, victimes d'un manque criant de moyens matériels, humains et financiers ? Alors qu'ils souffrent, vous les contraignez à continuer de fermer des lits et des services. Ils ne sont déjà plus en capacité d'accueillir et de soigner la population dans les meilleures conditions possibles, ils sont confrontés à un afflux de patients toujours plus important, et rien n'est prévu dans ce PLFSS pour y remédier de façon pérenne.

Ce que le groupe Socialistes et apparentés demande depuis quatre PLFSS, ce sont des mesures sur le long terme, une réponse à la crise structurelle de l'hôpital et des solutions à l'ensemble des difficultés auxquelles notre système de santé est confronté. Il est temps d'ouvrir les yeux et d'apporter des solutions à la souffrance de nos soignants, débordés dans des établissements sous-équipés et en sous-effectif, oeuvrant dans des territoires médicalement désertés et dans des conditions de travail qui ne font que se dégrader.

L'hôpital public se meurt et vous ne lui venez pas en aide. Au contraire, vous aggravez sa situation, notamment en proposant la mise en place d'un forfait de 18 euros pour le passage aux urgences, alors même que la crise sanitaire remplit ces dernières sans discontinuer. Cette privatisation progressive des urgences est une horreur absolue – une erreur, voulais-je dire, mais c'est sans doute aussi une horreur… – qui va entraîner de nombreux renoncements aux soins. Si nous soutenons le nécessaire processus de sortie de la T2A – la tarification à l'activité – , celui-ci ne doit pas conduire à davantage de libéralisme dans les services publics.

Enfin, le PLFSS pour 2021 est un acte manqué car il ne prévoit pas de financement durable pour la cinquième branche de la sécurité sociale, dédiée à la lutte contre la perte d'autonomie et la dépendance.

Malgré le manque de soutien aux hôpitaux publics, aux EHPAD et aux services d'aide à domicile, quelques mesures de ce texte doivent néanmoins être saluées, comme l'allongement du congé paternité, l'octroi de primes et la revalorisation des salaires pour les soignants, et la mise en place d'une prime, d'un montant cependant modeste, pour les services d'aide à domicile.

Toutefois, à côté de ces quelques avancées, de nombreux professionnels des secteurs médical, médico-social et social ont été les oubliés du Ségur de la santé ; je pense en particulier aux travailleurs sociaux, moniteurs et éducateurs des maisons d'enfants à caractère social, qui ont pourtant été à la hauteur de leur mission durant la crise.

Pour toutes ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés votera contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale, un texte qui ne répond pas aux besoins de l'hôpital, un texte qui ne prend pas suffisamment en compte la souffrance des soignants, un texte qui ne garantit pas l'égalité d'accueil et de soins pour tous, un texte, enfin, qui se limite à quelques mesures de court terme, certes louables mais ne préparant absolument pas notre pays aux prochaines crises sanitaires ni à la deuxième vague de l'épidémie de covid-19, toute proche.

Souvenez-vous de ces mots d'Émile de Girardin : « Gouverner c'est prévoir ; et ne rien prévoir, c'est courir à sa perte. »

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.