Intervention de Stéphane Baudu

Séance en hémicycle du vendredi 30 octobre 2020 à 21h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Défense ; anciens combattants mémoire et liens avec la nation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Baudu, suppléant M Philippe Michel-Kleisbauer, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées :

Je voudrais tout d'abord saluer à distance Philippe Michel-Kleisbauer, rapporteur pour avis, potentiel cas contact d'une personne positive au covid-19. Il s'est mis à l'isolement ce midi et nous regarde à distance.

« Ces Français, que nous fûmes contraints de jeter dans la bataille, ont des droits sur nous. Ils veulent qu'aucune de nos pensées ne se détourne d'eux, qu'aucun de nos actes ne leur soit étranger. Nous leur devons tout, sans aucune réserve. » Ainsi s'exprimait Georges Clemenceau, président du Conseil et ministre de la guerre, ici même, le 20 novembre 1917, devant la Chambre des députés.

De la première génération du feu, dont la nation a commémoré l'engagement pendant la première guerre mondiale, aux soldats qui combattent aujourd'hui le terrorisme djihadiste au Levant et au Sahel ou qui le préviennent en sentinelles dans nos rues, des pupilles de la nation aux veuves de guerre, des militaires blessés ou tués aux victimes des attentats terroristes – on en compte malheureusement de nouvelles depuis hier – , c'est à l'ensemble du monde combattant que le droit à reconnaissance et à réparation s'adresse.

La mise en oeuvre de ce droit fait l'objet des propos du rapporteur pour avis que je présente ici devant vous.

La mission interministérielle « Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation » constitue un trait d'union entre la société civile et le monde combattant, ainsi qu'entre les générations. Les actions contenues dans la mission visent à témoigner de la reconnaissance de la nation à l'égard du monde des anciens combattants et à susciter l'adhésion de la population française aux enjeux de la défense nationale. En confortant l'esprit patriotique, cette mission contribue non seulement au bon fonctionnement des armées, mais aussi à la capacité de résilience de la nation face aux crises traversées.

La mission s'articule autour de trois programmes complémentaires. Les crédits du programme 167, « Liens entre la nation et son armée », augmentent, afin de renforcer les actions à destination de la jeunesse et de la politique mémorielle.

Dans la continuité des exercices antérieurs, le programme 169, « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant », voit également ses crédits confortés, afin de consolider les droits des ressortissants du CPMIVG – code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre – , tout en renforçant l'équité entre les différentes générations du feu. Enfin, le programme 158, « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale », poursuit sa mise en oeuvre, heureusement sans débat, ni de forme ni de fond.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre délégué auprès de la ministre des armées Florence Parly, et le rapporteur pour avis poursuivent depuis 2017 une politique constante de maintien et d'extension des droits en faveur des ressortissants du monde combattant, en décidant et en appliquant des mesures demandées depuis longtemps mais restées jusqu'alors sans réponse : harmonisation des conditions d'octroi de la pension de réversion au conjoint survivant, avant et après 1962 ; extension du bénéfice de la carte du combattant aux anciens militaires pouvant justifier de quatre mois de présence en Afrique, entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964 – mesure qui touche près de 50 000 anciens militaires ; hausse de la pension de celles qui ont renoncé à une grande partie de leur carrière professionnelle pour prendre soin de leur conjoint lourdement blessé pour la France.

Cette année, les grandes avancées sont la convocation de la convention tripartite – État, Parlement, associations – de revalorisation du point de pension militaire d'invalidité – PMI – , et l'extension du nombre de conjoints survivants de grands invalides de guerre pouvant bénéficier d'une majoration de pension de réversion. Ainsi, une veuve de grand invalide de guerre pourra bénéficier d'un supplément de pension militaire d'invalidité : si son conjoint décédé avait bénéficié, sur cette pension, de 6 000 points, ce nombre passera à 10 000.

Dans la seconde partie de son rapport pour avis, le député Philippe Michel-Kleisbauer a souhaité consacrer une place importante aux tirailleurs sénégalais dans la politique de mémoire de la France, abordant cette année le massacre de Thiaroye, véritable vide mémoriel qu'il convient de résorber soixante-seize ans après les faits. Ceux-ci, d'une cruauté sans pareille, se sont déroulés au petit matin du 1er décembre 1944 : des dizaines de tirailleurs sénégalais, démobilisés et présentés comme des mutins ou des déserteurs, ont été exécutés alors qu'ils venaient réclamer leur solde et leur prime de captivité. Ce n'est pas un fait militaire, car nul gradé, d'aujourd'hui comme d'hier, n'accepterait que l'on tue ses propres hommes, ses propres guerriers, qui se sont battus pour la France et ont été captifs pour elle. Ce massacre est le fait d'hommes qui ne voulaient pas voir qu'une France sortant de l'Occupation ne serait plus jamais la même, qu'une France juste et résistante s'élèverait désormais contre toute forme d'oppression.

Le massacre de Thiaroye est un symbole en devenir ; c'est la raison pour laquelle le rapporteur pour avis a ouvert cette année les portes des auditions aux associations de descendants de tirailleurs sénégalais et aux historiens, de sorte que la représentation nationale puisse regarder en face notre histoire – toute notre histoire – et en tirer des leçons, afin que jamais elle ne se répète ; de sorte, aussi, que la vérité trouve enfin une terre à fertiliser : la France.

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