Intervention de Thomas Gassilloud

Séance en hémicycle du vendredi 30 octobre 2020 à 21h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Défense ; anciens combattants mémoire et liens avec la nation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThomas Gassilloud :

Pour que l'effort de défense demandé à la nation soit le plus possible compris de tous, il est de notre devoir à chacun d'en expliquer les raisons à nos concitoyens. Premièrement, à l'échelle internationale nous sommes entrés dans une ère de grande instabilité, d'érosion du respect du droit international et d'un usage souvent déraisonné de la force. Deuxièmement, la crise sanitaire nous montre que la surprise stratégique existe encore ; lorsqu'elle foudroie, il vaut mieux avoir investi, bien en amont, pour être prêt. Troisièmement, enfin, l'actualité nous rappelle l'impérieuse nécessité de la lutte contre le terrorisme ; ce combat se mène aussi bien sur notre sol que parfois très loin de nos frontières. Afin que la France soit prête à faire face à tous les scénarios, et parce que nous voulons la paix, le groupe Agir ensemble votera avec conviction en faveur des crédits de ces deux missions.

Cela étant dit, l'ADN de notre groupe est d'être une composante vigilante de la majorité. Plus globalement, au-delà notre groupe, nous Français, savons ce qu'il en coûte de se laisser aller à ce que général Beaufre appelait, dans le drame de 1940, les poisons de la victoire, ces fausses certitudes doctrinales qui ont précipité l'armée française dans la plus grande défaite de son histoire. Mon devoir, notre devoir, est donc de partager nos inquiétudes et nos propositions.

Tout d'abord, si la prise de conscience de la possibilité d'un affrontement de haute intensité est désormais un fait, sa déclinaison opérationnelle dans le budget 2021 ne nous semble pas encore suffisamment marquée. En effet, ces vingt dernières années, nos armées, sous forte contrainte budgétaire, se sont organisées davantage pour faire face à une moyenne de projection – une moyenne d'engagement – plutôt qu'à un pic, passant peu à peu d'une logique de stock à une logique de flux.

La PEGP – politique d'emploi et de gestion des parcs – en est un exemple : en régime nominal, la mutualisation du parc de véhicules permet certes de fonctionner, mais quand on demande à un régiment le nombre de compagnies qu'il peut effectivement équiper, la réponse peut inquiéter. Or la dissuasion, qui est un trésor national, ne couvre pas tous les scénarios. Sans attendre la clause de revoyure de la LPM, il nous aurait paru souhaitable, à enveloppe financière constante, de gagner davantage en masse dès 2021, par exemple au travers d'une plus forte augmentation du stock de munitions – notamment celles que nous ne savons plus produire en France – , des équipements de mobilité de base ou des réserves opérationnelles.

Enfin, comment ne pas dire un mot de la situation au Sahel. Après sept années d'engagement, depuis le démarrage de l'opération Serval, nous constatons que, malgré nos grands succès tactiques – que nous devons à la redoutable efficacité de nos forces – , la situation n'évolue pas favorablement sur place.

Nous constatons également un bilan humain lourd, trop lourd, et un coût financier important pour la nation. En 2020, les surcoûts des opérations devraient atteindre un record, avec 1,6 milliard d'euros, soit 500 millions de plus que prévu. Dans ce contexte, comment ne pas être interpellé par la libération récente de 200 jihadistes au Mali ? Partageons-nous encore une stratégie cohérente avec nos partenaires maliens ? Si oui, quelle stratégie ? La question ne me semble pas de rester ou de partir mais, sans doute, de rester autrement, dans une stratégie de transition commune et exigeante, pensée avec nos partenaires, et ce dans un format moins lourd afin que les forces françaises puissent prioriser l'aide vers les pays qui améliorent leur gouvernance. Il s'agit de réassurer, bien entendu, l'action internationale et de poursuivre certaines actions ponctuelles, notamment avec l'opération Sabre.

Voilà, madame la ministre, ma vision et celle du groupe Agir ensemble sur le budget 2021 de nos armées, en faveur duquel nous voterons avec conviction.

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