Intervention de Jean-Michel Clément

Séance en hémicycle du lundi 2 novembre 2020 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Santé ; solidarité insertion et égalité des chances

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

Depuis le confinement généralisé, au printemps dernier, la crise sanitaire aurait engendré 1 million de pauvres supplémentaires.

Les dépenses de RSA – revenu de solidarité active – sont en hausse de 10 % , les demandes de 20 %. Le groupe Libertés et territoires s'inquiète particulièrement pour les salariés précaires concernés par l'emploi de courte durée, dont beaucoup se sont retrouvés sans emploi, et souvent sans revenu, en quelques semaines.

Les banques alimentaires constatent une hausse de la demande de l'ordre de 20 % à 25 %. Les associations, notamment le Secours catholique, nous alertent. Elles voient affluer des personnes qui ne venaient pas avant la crise sanitaire, dont de nombreux jeunes.

Alors que notre pays est à nouveau confiné, empêcher l'explosion de la pauvreté doit être notre priorité. Une fois entré dans le cercle vicieux de l'extrême précarité, il est bien difficile, voire impossible de s'en sortir.

La stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, lancée en septembre 2018, voit ses crédits augmenter, avec une enveloppe de 200 millions d'euros pour 2021. C'est une bonne nouvelle. Néanmoins, cette stratégie doit être adaptée à la crise actuelle et toucher les plus fragiles, y compris les invisibles, ceux qui n'ont pas été concernés jusqu'à présent par les mesures d'aide ou l'ont peu été.

En effet, les principales dispositions adoptées depuis le début de la crise et dans le cadre du plan de relance sont tournées vers l'insertion et l'emploi.

Ces mesures sont bien sûr nécessaires, mais elles ne doivent pas conduire à oublier les plus précaires, notamment ceux qui sont durablement éloignés du marché du travail.

,Madame la secrétaire d'État, monsieur le ministre, pourquoi ne pas envisager une revalorisation des prestations et minima sociaux ? Pourquoi ne pas ouvrir le RSA aux jeunes de 18 à 25 ans, comme il vous est demandé de le faire ? Si l'aide de 150 euros pour les bénéficiaires du RSA et de l'ASS – allocation de solidarité spécifique – ainsi que pour les étudiants boursiers et les non-étudiants touchant les APL – aides personnalisées au logement – est la bienvenue, elle ne sera versée qu'une seule fois, alors que la crise va durer et que les perspectives d'emploi ne vont pas s'améliorer.

Or, depuis janvier 2019 et la suppression de l'aide à la recherche du premier emploi, il n'existe plus aucune aide pour les jeunes qui entrent sur le marché du travail – une aide sans contrepartie, afin d'éviter le basculement tristement précoce et parfois irréversible dans la pauvreté.

Notre groupe, Libertés et territoires, s'inquiète surtout du non-recours aux droits, qui risque de s'aggraver avec la crise. En effet, les restrictions de déplacements dégradent l'accueil physique des personnes ou entraînent un allongement des démarches. De plus, le projet d'un revenu universel d'activité – censé lutter contre ce non-recours – est suspendu.

Notre groupe salue néanmoins les orientations positives en faveur de l'emploi des personnes en situation de handicap que comporte la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », grâce notamment à l'effort de 15 millions d'euros pour l'emploi accompagné.

Nous notons aussi des avancées, avec la mise en place de la stratégie de prévention et de protection de l'enfance, dont la démarche, fondée sur la contractualisation entre l'État et les départements, est encouragée.

Les crédits du programme « Égalité entre les femmes et les hommes » sont également en hausse. Nous rappelons que la lutte contre les violences faites aux femmes est une priorité – le premier confinement l'a dramatiquement rappelé, la vigilance doit être renforcée dans le cadre du second.

S'agissant à présent de la mission « Santé », notre groupe se félicite des moyens accordés à l'agence de santé de Wallis et Futuna, qu'il s'agisse de l'augmentation de 4 millions d'euros de sa subvention ou de la dotation de 45 millions d'euros au titre du plan d'investissement. Comme Jeanine Dubié, j'ai forcément une pensée émue pour notre ami Sylvain Brial, particulièrement mobilisé sur cette question depuis de nombreuses années.

Je veux néanmoins rappeler le désaccord de notre groupe avec la réforme de l'AME initiée l'an dernier. Le durcissement des conditions d'accès, la mise en place d'un délai de carence de trois mois pour les étrangers en situation irrégulière ne se comprennent ni d'un point de vue sanitaire, ni d'un point de vue humanitaire, ni même d'un point de vue financier : retarder une prise en charge médicale ne peut aboutir qu'à en augmenter le coût en cas d'aggravation de la pathologie.

Par ailleurs, accueillir dignement les personnes en situation irrégulière comme les demandeurs d'asile est un impératif moral et un devoir éthique.

Restreindre l'accès à l'AME et à la protection universelle maladie – PUMA – n'était pas une bonne décision à l'époque et l'est encore moins aujourd'hui, alors que nous traversons une crise sanitaire sans précédent. À cet égard, le dernier rapport de Médecins du Monde sur l'accès aux droits et aux soins doit nous inquiéter quant à l'état de santé et à l'accès aux soins des plus précaires, et notamment des personnes migrantes.

En dépit de ce désaccord persistant, notre groupe aborde favorablement les missions « Santé » et « Solidarité, insertion et égalité des chances », tout en invitant le Gouvernement à renforcer le volet social de son plan de relance et à améliorer sa stratégie pour lutter contre la pauvreté.

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