Intervention de George Pau-Langevin

Séance en hémicycle du mercredi 4 novembre 2020 à 21h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorge Pau-Langevin, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

L'examen des crédits de la mission « Outre-mer » se heurte à une difficulté récurrente : ses deux programmes ne reflètent pas l'intégralité des actions menées dans les outre-mer. C'est d'ailleurs tout le sens de la mission du ministre des outre-mer que de plaider la cause de ces territoires dans chacun des départements ministériels, d'expliquer les particularités qui justifient que les règles du droit commun y soient adaptées, de mobiliser les crédits sur des enveloppes qu'il ne contrôle pas.

En commission des lois, nous avons tous souligné l'augmentation des autorisations d'engagement dans le PLF. Nous avons également salué la hausse des crédits de paiement, en redoutant toutefois que la sous-consommation constatée au cours de l'exercice précédent se perpétue. Nous ne pouvons admettre simplement l'argument du déficit d'ingénierie et de capacité à gérer les projets ; les outre-mer comptent eux aussi des professionnels talentueux et des collectivités impliquées. Nous devons donc faire en sorte que les crédits votés par le Parlement soient effectivement utilisés sur place, sinon notre utilité est tout à fait contestable. Je ne sais si cela passe par un rapport ou par une étude particulière, mais le fait est qu'il serait bon d'approfondir les raisons de cette sous-consommation, afin de proposer des remèdes.

Nous nous réjouissons de l'effort fait sur la LBU, mais nous savons aussi qu'il y a des sous-consommations. Les procédures sont souvent très exigeantes pour lancer un chantier. Peut-être devrions-nous nous poser la question de ces procédures et voir s'il n'est pas possible d'alléger certaines choses pour permettre de mieux consommer ces crédits.

Par ailleurs, je note que les crédits relatifs au service militaire adapté – SMA – et à l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité, LADOM, sont reconduits, et c'est une excellente chose car ce sont deux structures qui mènent un travail extrêmement utile pour les jeunes des outre-mer.

Des ajustements en matière de personnel sont nécessaires, notamment pour LADOM, mais cette structure, que j'ai bien connue et qui revêt un très grand intérêt pour les jeunes, peut fonctionner en l'état.

La limite de ce budget, qui offre peu de latitude, tient dans le caractère automatique des dépenses liées à l'exonération des cotisations patronales à destination de la sécurité sociale, sur lesquelles le ministre des outre-mer n'a évidemment pas la main. On pourrait souhaiter, en revanche, que le Gouvernement investisse davantage dans l'humain en outre-mer. Du fait de la crise sanitaire et du recours au chômage partiel, le budget de la mission « Outre-mer » enregistrera mécaniquement des économies puisque les exonérations de charges n'auront pas à être compensées. Il serait bon de pouvoir flécher les sommes libérées vers les territoires concernés pour soutenir leur activité et absorber les chocs violents des confinements successifs, plutôt que de rembourser la dette de l'État à l'égard de la sécurité sociale : l'intention est louable, mais si l'État creuse aujourd'hui la dette pour soutenir l'activité et la vie de la métropole, pourquoi ne le ferait-il pas également en outre-mer ?

Le budget consacré à l'action sociale et culturelle a connu une diminution significative l'année dernière et stagne cette année, ce qui empêchera des opérations importantes de démarrer, telles la Cité des outre-mer, dont Mme Girardin nous avait annoncé qu'elle se tiendrait désormais sous une autre forme. Pour le moment, nous ne savons pas comment cette opération se déroulera. Les crédits inscrits n'ont pas été utilisés et la situation reste floue. Pour construire la citoyenneté et le sentiment d'appartenance à la nation, les aspects économiques et sociaux sont importants, mais les aspects symboliques et culturels le sont aussi. Donner aux outre-mer leur place dans la conscience commune et dans l'imaginaire collectif est indispensable. La France est plurielle et les outre-mer font partie de l'ensemble national. Il faut le montrer au moyen de la culture.

Nous devons aussi nous poser la question de la différenciation territoriale. La révision constitutionnelle annoncée par le Président de la République est de toute évidence compromise. Il serait bon de relancer ce dossier pour faire évoluer les choses sur le sujet de la distanciation dans les outre-mer.

La commission des lois a émis un avis favorable sur les crédits de la mission « Outre-mer ». À titre personnel, parce que ce budget se borne, pour une large part, à reconduire les précédents et parce qu'il ne suscite de ma part ni enthousiasme, ni objection majeure, je m'abstiendrai.

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