Intervention de Nathalie Bassire

Séance en hémicycle du mercredi 4 novembre 2020 à 21h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Bassire :

Je suis honorée de remplacer ce soir notre collègue David Lorion, qui n'a pu être présent pour s'exprimer au nom du groupe LR.

L'analyse de la mission « Outre-mer » est toujours un moment fort pour les députés, mais elle est aussi très frustrante, car ce budget ne représente que 10 % de la totalité des crédits dont bénéficient réellement les outre-mer. En effet, leur budget global, tous ministères confondus, est de 26 milliards d'euros répartis sur 90 programmes budgétaires et 30 missions. Si les chiffres sont clairs, le réflexe « outre-mer » des autres ministères l'est hélas un peu moins.

Que dire de ce budget sinon qu'il n'est pas en baisse, mais que les légères hausses ne permettront pas de rattraper le retard structurel de développement que connaissent les outre-mer. À Mayotte, le PIB par habitant est de 9 000 euros ; à La Réunion, il est de 21 000 euros. Les territoires ultramarins accusent un immense retard par rapport aux régions hexagonales qui affichent en moyenne un PIB par habitant de 35 000 euros. À cela s'ajoutent malheureusement l'illettrisme, le manque de formation et la pauvreté, qui touche une trop grande partie de la population. Le chômage, quant à lui, représente 24,3 % à La Réunion et 35 % à Mayotte, contre 8 % dans l'Hexagone.

Le ministère des outre-mer va gérer cette année 2,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,43 milliards en crédits de paiement, ce qui constitue une légère augmentation budgétaire, de l'ordre, respectivement, de 6 % et de 2 %.

Les années passent et les ministres changent, de sorte que la responsabilité ne vous incombe pas totalement, monsieur le ministre, eu égard à votre récente nomination. Mais le Gouvernement doit être ambitieux envers nos territoires, dont le potentiel n'est pas exploité.

Comment s'explique cette légère augmentation ? Les crédits alloués à la compensation des exonérations de charges sociales et patronales ont augmenté de 6,6 % ; c'est la principale dépense de l'État en outre-mer. Elle est liée à l'exonération de charges pour les entreprises bénéficiant d'un statut de « compétitivité renforcée », demandé l'an dernier. De nouveaux secteurs ont été intégrés à ce dispositif, notamment la presse et l'audiovisuel, mais beaucoup sont restés sur le carreau, comme le BTP – bâtiment et travaux publics – , ce qui pose question quant aux promesses de relance du secteur par le carnet de commandes.

Certes, les crédits alloués à la construction de logements sociaux n'ont pas diminué, mais, réparties sur chaque territoire, les sommes sont bien insuffisantes pour répondre à la demande en logements sociaux, d'autant que les autorisations d'engagement sont supérieures aux crédits de paiement, ce qui laisse supposer que nous ne consommerons pas les sommes engagées, comme on le constate depuis plusieurs années. La sous-consommation représentait 49 millions d'euros en 2019 et 162 millions d'euros en 2018. Nous faisons tous des efforts pour consommer ces engagements, mais l'instruction des dossiers est longue et complexe ; il serait bon de s'interroger sur ce point avec plus de rigueur et de précision.

Les crédits budgétaires issus des mesures fiscales supprimées comme la TVA NPR – taxe sur la valeur ajoutée non perçue récupérable – sont réinjectées. Une partie du programme qui était destiné au financement des entreprises reste stable par rapport à la prévision. Cela permet de financer diverses mesures comme le prêt de développement outre-mer, le soutien du micro-crédit et l'aide au fret. Ces sommes sont certes utiles, mais elles ne constituent pas des investissements supplémentaires. Elles ont été ponctionnées dans la défiscalisation outre-mer et réinjectées dans le budget de la mission « Outre-mer » : il s'agit bien d'une équation à somme nulle pour les entreprises.

Les crédits de LADOM ne baissent pas, mais ne permettent pas d'assurer une vraie continuité territoriale telle qu'elle est actuellement garantie par la région Réunion, ce qui confirme une grande injustice de traitement, en la matière, entre les différents territoires d'outre-mer et la Corse.

Les crédits destinés au SMA ont permis l'ouverture d'une base de formation en Nouvelle-Calédonie ; vous venez justement de l'inaugurer, monsieur le ministre, et nous sommes fiers de cette réussite outre-mer qui a inspiré des parcours nationaux. Cependant, ces dispositifs sont loin de permettre de donner à chaque jeune une solution, comme le slogan gouvernemental aime à le dire. Les aides que vous promettez aux jeunes et à leurs employeurs ne valent que si les entreprises ont de l'activité et survivent à la crise actuelle.

Pour terminer, monsieur le ministre, le plan de relance, même s'il ne fait pas partie de leur budget, devrait être adapté aux outre-mer et leur assurer qu'ils recevront une juste part, c'est-à-dire, à mon sens, 2,3 milliards d'euros correspondant aux 2,3 millions d'ultramarins que nous sommes. Encore faudrait-il que ces milliards que vous nous promettez soient réellement accessibles à nos entreprises, qui sont à 95 % des TPE et PME, dont de récentes études ont démontré la faiblesse en matière de compétences et d'organisation administrative.

Faisons en sorte que nous consommions des produits locaux, que nos entreprises, nos industries, nos commerçants et nos artisans continuent à vivre après la crise, plutôt que de leur demander de répondre à des appels à projets synonymes de paperasserie et de tracasseries administratives.

Le budget de la mission « Outre-mer » n'est, une fois de plus, aucunement ambitieux, malgré une légère augmentation que j'ai évoquée. Pour cette raison, le groupe Les Républicains s'abstiendra.

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