Intervention de Sébastien Lecornu

Séance en hémicycle du mercredi 4 novembre 2020 à 21h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Outre-mer

Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer :

Certains d'entre vous avant moi ont dit leur plaisir de monter pour la première fois à cette tribune ; je suis heureux d'y monter pour la première fois en tant que ministre des outre-mer, comme de défendre ce budget, dont les crédits augmentent sensiblement. Je tiens à m'excuser : en dix minutes, je ne pourrai évidemment pas non plus répondre à l'ensemble des questions qui m'ont été posées ; nous reviendrons sur les autres pendant la discussion des articles.

Avant d'entrer dans les détails, un mot concernant la crise sanitaire : les territoires ultramarins ont été ou sont particulièrement touchés par cette crise du covid-19. Si on constate une amélioration significative des indicateurs en Guadeloupe, après des semaines compliquées, une relative stabilité à La Réunion, en Guyane encore à Mayotte, la situation s'avère plus tendue en Martinique, où le confinement a été décidé, et en Polynésie française, qui connaît une augmentation inquiétante des cas. Les préfets ou haut-commissaires prennent dans chaque territoire des mesures adaptées pour endiguer l'épidémie. Une nouvelle fois, je vous assure que l'État est aux côtés des différents territoires d'outre-mer pour affronter cette crise sanitaire, économique et sociale.

La mission « Outre-mer » ne constitue, on l'a dit, qu'une petite partie du budget de l'État consacré à ces territoires. Je vais m'efforcer d'exposer l'esprit et la transversalité de ce dernier. En effet, les crédits alloués à l'outre-mer s'étendent sur 31 missions et 94 programmes ; au total, ils atteignent 19,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 19,2 milliards d'euros en crédits de paiement. Aux parlementaires qui ont avancé que cela pouvait manquer d'ambition, je rappelle qu'en 2012, les mêmes crédits s'établissaient à 13,7 milliards d'euros, et à 16,6 milliards en 2017. Me voilà devant vous ce soir avec un budget qui tutoie les 20 milliards d'euros : je pense qu'il faut savoir le reconnaître.

Les crédits de quatre des 31 missions concernées dépassent le milliard d'euros : « Outre-mer », « Relations avec les collectivités territoriales », « Écologie, développement et mobilité durables » et « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Deux missions consacrent des dépenses de personnel importantes à l'outre-mer : 4,7 milliards d'euros sont alloués au paiement des traitements des agents de l'éducation nationale, et les dépenses de personnel des forces de sécurité intérieures se montent à un peu plus de 1 milliard d'euros.

Au sein des missions, ce projet de loi de finances comprend plusieurs bonnes nouvelles. La première concerne la mission « Relations avec les collectivités territoriales », dont j'avais la responsabilité précédemment : le rattrapage de la DACOM – dotation d'aménagement des communes et circonscriptions territoriales d'outre-mer – se poursuit, conformément à l'engagement pris l'an dernier par le Président de la République dans le cadre du grand débat national. Ce mouvement s'accélérera l'an prochain : lors de la révision de la DACOM, nous vous proposerons de légiférer pour quatre ans. Dès l'an prochain, le volume de péréquation en direction des collectivités territoriales augmentera donc de près de 17 millions d'euros.

Dans la mission « Enseignement scolaire », ensuite, 42 millions d'euros des programmes dédiés à l'enseignement et 37 millions d'euros du programme 230, « Vie de l'élève », sont fléchés vers Mayotte et la Guyane – là encore, il s'agissait d'un engagement du chef de l'État.

Il serait évidemment inenvisageable cette année d'aborder l'examen de la mission « Outre-mer » sans évoquer le plan de relance. J'ai entendu dire que les budgets concernés, au fond, se ressemblaient ; ils se distinguent par l'exception notable de l'enveloppe de 1,5 milliard d'euros fléchée vers les territoires d'outre-mer. Il s'agit d'un socle, c'est-à-dire que le montant final ne pourra être que supérieur. Ces crédits permettront de procéder à des engagements importants pour les territoires. Plusieurs chiffres en offrent une représentation précise et concrète. Pour accélérer la construction et la rénovation des réseaux d'eau et d'assainissement, 50 millions d'euros sont ainsi prévus, et des amendements ont été déposés en ce sens ; en la matière, il faut aussi rappeler la responsabilité des collectivités territoriales, eu égard à leurs compétences ; nous y reviendrons, monsieur Ratenon, pour rétablir quelques vérités.

Le plan séisme Antilles est doté de 50 millions d'euros, en plus des crédits déjà engagés. Pour la transformation de l'agriculture et l'équipement des abattoirs, 80 millions d'euros sont alloués, ce qui n'enlève rien, monsieur Naillet, aux efforts que le Président de la République déploie pour défendre les budgets et les crédits du POSEI. Des moyens très importants sont consacrés aussi à l'emploi et à la formation, de l'ordre de 500 millions d'euros. Enfin, des sous-enveloppes ont été définies pour financer certaines mesures, notamment en matière de défense de la biodiversité ou d'infrastructures routières, plus particulièrement en Guyane ou à La Réunion.

Cela n'a pas été suffisamment dit ce soir, mais il faut ajouter à ces crédits la dotation de 1 milliard d'euros, qui sera versée directement par l'Union européenne aux différents départements et régions d'outre-mer – DROM – , dans le cadre du plan de relance européen, REACT-EU, pour une consommation d'ici à 2023. Là encore, la consommation des crédits sera un objectif clé.

Comme le président Lagarde, Mme Maina Sage ou M. Moetai Brotherson l'ont évoqué, l'un des enjeux concernant les collectivités d'outre-mer sera de les connecter au plan de relance, dans les domaines correspondant aux compétences transférées, que l'État n'exerce plus, quoi qu'on en dise. Les compétences sanitaires en offrent un exemple ; il nous faut trouver une coordination adaptée avec les différents pays. Le récent déplacement à Paris du président polynésien Édouard Fritch et ma propre visite en Nouvelle-Calédonie ont été l'occasion pour moi de revenir sur ces sujets de coordination. Notre rôle est d'aider les collectivités, de les accompagner, par le biais de nos opérateurs, comme l'AFD, qui contribue notamment au déploiement de la mission « Investissements d'avenir » ; elles sont bien sûr éligibles aux financements proposés, par le soutien financier à la trésorerie des gouvernements locaux, avec les deux prêts consentis, nous y reviendrons, et par des investissements entrant dans le champ des compétences de l'État, singulièrement des compétences régaliennes.

La mission que je vous présente ce soir comprend deux programmes ; elle connaît une augmentation de 6 % en autorisations d'engagement et de 2,5 % en crédits de paiement. Le véritable enjeu ne relève pas tant des sommes inscrites, présentées et votées, que de celles effectivement appelées à la consommation – je crois qu'il faut tout de suite nous accorder là-dessus et ne pas nous jeter réciproquement la responsabilité.

Dans le programme 138, « Emploi outre-mer », les autorisations d'engagement augmentent de 107 millions d'euros et les crédits de paiement de 93 millions d'euros. En raison de la situation sanitaire, économique et sociale, ce programme est très observé en ce moment. Dans le cadre de la loi pour le développement économique des outre-mer – LODEOM – , nous apportons un soutien aux entreprises par le biais de l'augmentation à plus de 6,6 % de la compensation des exonérations de charges patronales. Le député Stéphane Claireaux, que je salue, a défendu, lors de l'examen du PLFSS, un amendement, adopté par votre assemblée, visant à étendre ce régime de compétitivité renforcée au secteur de l'audiovisuel, conformément à une demande assez ancienne. S'agissant de l'aide à l'insertion, une troisième compagnie du RSMA – régiment du service militaire adapté – s'implante à Bourail.

Le programme 123, « Conditions de vie outre-mer », est le plus regardé, en particulier concernant l'exécution des crédits de paiement. Les autorisations d'engagement qui y sont inscrites augmentent de 55 millions d'euros, avec trois principales priorités. La première est le logement, dont il sera largement question lors de l'examen des amendements. Les crédits concernés augmentent de 8,7 %, soit 224 millions d'euros, dont 18 millions d'euros d'autorisations d'engagement sont spécifiquement dédiés aux établissements publics fonciers de Guyane et de Mayotte.

La deuxième priorité est l'éducation, avec, notamment, la réfection du lycée d'État de Wallis-et-Futuna ou la rénovation d'établissements du premier degré à Mayotte.

Troisième volet important : le soutien aux collectivités locales. Le fonds exceptionnel d'investissement est stable, tandis que la DSID – dotation de soutien à l'investissement des départements – augmente évidemment dans le cadre du plan de relance, les DROM y étant tous éligibles, bien entendu. La DETR – dotation d'équipement des territoires ruraux – est stable également, avec un peu plus de 1 milliard d'euros, dont 35 millions sont fléchés directement vers l'outre-mer : 22 millions d'euros pour les DROM et 13 millions d'euros pour les COM – puisque les communes des collectivités du Pacifique sont éligibles aux financements de la DETR. Enfin, les contrats de convergence et de transformation ont été signés, et continuent bien entendu d'être déployés.

Le Gouvernement vous proposera, sur la présente mission, deux amendements. Nous ne sommes pas peu fiers du premier, car il est le résultat d'un travail collectif et consensuel de l'ensemble des groupes politiques de l'Assemblée nationale et du Sénat : il vise à permettre la création juridique et financière des fameux contrats pour les collectivités territoriales, dits Patient-Cazeneuve, du nom des deux parlementaires qui ont établi le rapport qui les définit. Ce rapport est un véritable plan de redressement des finances locales dans les collectivités d'outre-mer. Entre la carotte et le bâton, ils ont choisi de ne pas avoir recours au bâton, mais uniquement à l'incitation au redressement structurel.

L'autre amendement, important et attendu, concerne la vie quotidienne, puisqu'il a trait à la continuité territoriale. C'est d'ailleurs à la suite d'un rapport de la délégation aux outre-mer, que vous présidez, monsieur le rapporteur spécial Olivier Serva, qu'une réflexion sur le sujet a été engagée en janvier. Une deuxième réunion de travail, à laquelle vous avez tous participé, a été organisée en septembre. Plusieurs mesures ont été annoncées à cette occasion, comme l'augmentation du montant du bon ACT – aide à la continuité territoriale – dans les collectivités d'outre-mer, qui permettra une prise en charge d'environ 40 % du prix du billet comme dans les DROM, ou encore l'ouverture du passeport pour la mobilité des études à des formations non diplômantes.

La majorité des propositions n'est pas de nature législative, sauf celle – nous y reviendrons – concernant l'élargissement du bénéfice de l'aide à la continuité territoriale obsèques. Un amendement déposé par M. Serva, très impliqué sur le sujet, permettra de répondre aux attentes qui se sont exprimées. Cette aide sera désormais ouverte aux frères et aux soeurs des défunts et couvrira les déplacements liés à la fin de vie. Le coût total de ces mesures est estimé à 3 millions d'euros.

Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, pour moi non plus, il n'est pas très facile de parler des trois océans, de tous ces sujets et de 20 milliards d'euros en dix minutes, mais, vous l'avez compris, notre engagement est total pour améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens en outre-mer et pour définir un avenir stratégique pour chacun de ces territoires, avec l'adaptation que la République leur doit.

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