Intervention de Sébastien Lecornu

Séance en hémicycle du mercredi 4 novembre 2020 à 21h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Mission outre-mer (état b)

Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer :

Je n'ai pas grand-chose à changer aux propos du rapporteur spécial.

Le problème de la continuité territoriale renvoie à la répartition des tâches et des responsabilités entre l'État et les collectivités territoriales. Dire cela n'est pas une manière de botter en touche. Le débat n'est pas juridique, mais financier : les collectivités, qui sont les autorités organisatrices des transports – c'est même encore plus vrai pour les collectivités du Pacifique – , ont-elles la solidité suffisante pour proposer une offre de transport permettant d'assurer la continuité territoriale ?

Philippe Dunoyer, député de la province des îles de Nouvelle-Calédonie, dont le président Jean-Christophe Lagarde se faisait tout à l'heure le porte-parole, a formalisé sur ce point des demandes importantes. Nous pourrions parler également de la Polynésie française, dont la surface est comparable à celle de l'Europe : les enjeux de continuité territoriale entre les îles et les atolls y sont donc centraux.

Mais en l'état actuel du droit, la continuité territoriale pour les zones subissant la double insularité ne relève pas des compétences de l'État. Cette position est constante, tous gouvernements confondus, depuis de nombreuses années ; mes prédécesseurs pourront le confirmer. Cela étant, les députés, qui votent la loi, peuvent aussi la modifier ; je suis donc favorable à l'idée de travailler sur le sujet. En effet, si par exemple la liaison entre Pointe-à-Pitre et Paris fait l'objet de dispositifs opérationnels, la question se pose pour l'habitant de Marie-Galante qui doit rejoindre l'aéroport international de Pointe-à-Pitre.

La question, cependant, ne concerne pas uniquement les parlementaires, mais doit faire l'objet d'un dialogue opérationnel avec les collectivités, dans lequel les ressources seraient prises en compte. Bien souvent, en effet, les petites collectivités concernées ont levé un impôt, voire institué un versement transport. Dans ces conditions, elles peuvent difficilement se tourner vers l'État lorsqu'elles ne parviennent pas à assumer le financement de leur service public – qui coûte cher, il est vrai. L'État a en effet transféré cette compétence il y a bien longtemps.

Mes propos ne visent pas à provoquer ou à monter les uns contre les autres. Simplement, le noeud est là et il va falloir résoudre le problème une bonne fois pour toutes, sinon, on se renvoie la balle de projet de loi de finances en projet de loi de finances et on n'avance pas.

Cela pose également la question de la tarification : après tout, on peut habiter dans un lieu excentré par choix. Or, puisque le député Serva s'adressait à ses collègues de l'Hexagone, je rappelle que le prix du transport n'est pas le même partout en France : plus un territoire est rural, plus les distances sont longues et moins les voyageurs sont nombreux – ayant présidé un département rural, je peux en témoigner. La tarification n'est donc pas la même. Votre proposition soulève donc des questions qui recoupent celle de l'organisation des transports. Peut-être la loi d'orientation des mobilités a-t-elle constitué, en la matière, une occasion manquée. Je sais que les initiatives qui avaient été prises dans ce cadre n'ont pas abouti, pour des raisons de gros sous – c'est aussi simple que cela – et de financement du service.

À l'issue de cette longue réponse, j'émets un avis défavorable à l'amendement, puisque vous le maintenez – cette posture limite d'ailleurs la discussion, monsieur Ratenon. Je tiens à vous le demander : ne laissez pas entendre qu'il y aurait d'un côté des élus conscients de la misère, de la pauvreté et des difficultés sociales qui sévissent dans les territoires de la République, et de l'autre des députés – à tout hasard, ceux de la majorité – ou des membres du Gouvernement qui les ignoreraient.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.