Intervention de Michel Larive

Séance en hémicycle du vendredi 6 novembre 2020 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Larive :

Les grands oubliés de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2021 sont les artistes-auteurs. Or la crise sanitaire traversée par notre pays agit comme un révélateur et un accélérateur des difficultés rencontrées par nos créatrices et nos créateurs. La fermeture des lieux de diffusion et de création a entraîné une dégradation sans précédent de leur situation économique.

Rappelons que cette situation de précarité grandissante – évaluée et documentée dans le rapport qu'a remis Bruno Racine rue de Valois en janvier 2020 – n'est pas nouvelle. La majorité des quelque 270 000 artistes-auteurs que compte la France vit en dessous du seuil de pauvreté, ce qui fait que nombre d'entre eux doivent conjuguer leur travail artistique avec un métier alimentaire. Tous sont confrontés aux aléas de revenus incertains.

Cette situation alarmante s'explique par deux raisons principales : les artistes-auteurs ne sont pas considérés et traités comme une catégorie professionnelle à part entière par le ministère de la culture ; ils sont dépendants financièrement d'un système de production et de diffusion marchand.

Il y a donc urgence à élaborer des politiques publiques spécifiquement tournées vers une amélioration du statut des artistes-auteurs de notre pays. Les créatrices et les créateurs exigent de nous des mesures fortes, rapides et adaptées à leurs revendications. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé, la semaine dernière, une proposition de loi visant à la création d'un centre national des artistes-auteurs.

Je souhaite utiliser le temps de parole qui m'est aujourd'hui imparti à cette tribune pour détailler le dispositif prévu par mon texte. Ce centre gérerait un observatoire chargé du suivi statistique et qualitatif des différents métiers des artistes-auteurs, qui permettrait aux pouvoirs publics de mieux les connaître dans leur globalité et leurs particularités professionnelles.

Le centre assurerait la publication d'un travail informatif regroupant toutes les règles relatives aux artistes-auteurs, mais aussi les opportunités les concertant, notamment les appels d'offres et les prix. Le but serait de créer un outil de référence nationale à destination des artistes-auteurs et de leurs partenaires économiques, ainsi que de l'administration publique.

Le centre serait aussi un lieu de médiation pour dénouer les litiges entre les artistes-auteurs et les acteurs de l'aval – diffuseurs, éditeurs, producteurs. Il administrerait un pôle de négociations collectives, afin d'organiser le dialogue social entre les représentants des organisations professionnelles d'artistes-auteurs et ceux des circuits de diffusion. Des accords collectifs pourraient ainsi être adoptés et rendus obligatoires par Mme la ministre de la culture.

Ma proposition prévoit également un dispositif de lutte contre les inégalités parmi les artistes-auteurs, en prenant en compte le sexe, la géographie et les origines sociales des créatrices et des créateurs.

Les aides aux artistes comporteraient deux types de dispositifs, à commencer par un fonds de soutien à la création artistique, qui ne serait pas organisé en silos comme à présent, mais de manière globale, en prenant en compte l'ensemble de la population professionnelle des artistes-auteurs. Ma volonté est d'augmenter considérablement la part des aides à la création dans les aides déployées par le ministère de la culture.

Le centre permettrait aussi de mettre en place un fonds d'aide d'urgence aux artistes-auteurs, afin d'endiguer les effets – qui se feront sentir pendant plusieurs années – de la crise sanitaire. Nous pourrions créer ici le guichet unique que les artistes-auteurs appellent de leurs voeux pour maintenir leur activité économique et survivre.

Chers collègues, il ne saurait y avoir de diffusion artistique sans artistes-auteurs pour lui donner un sens. Notre responsabilité de décideurs politiques nous oblige à répondre au cri d'alerte de celles et ceux qui créent et participent amplement à l'émancipation de chacune et chacun par la culture. La création d'un centre national des artistes-auteurs constitue la première étape indispensable à une meilleure considération de nos créatrices et créateurs.

J'appelle l'ensemble de la représentation nationale à se pencher sur ma proposition de loi et à voter en faveur de l'amendement que je défendrai un peu plus tard, permettant d'ouvrir la ligne budgétaire nécessaire à la mise en oeuvre de ce dispositif.

J'appelle également le Gouvernement à se saisir de mes propositions qui émanent d'un travail collaboratif avec bon nombre de professionnels de la création. D'où qu'elles viennent, les initiatives en faveur de nos artistes-auteurs sont d'une absolue nécessité.

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