Intervention de Karine Lebon

Séance en hémicycle du vendredi 6 novembre 2020 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaKarine Lebon :

L'année 2021 aurait dû être une année charnière pour la culture : portés à 3,2 milliards d'euros, les crédits de cette mission atteignent enfin leur niveau de 2010. Ce rattrapage, que nous saluons, arrive cependant au moment même où le monde culturel est plus que durement frappé par la crise sanitaire, ce qui n'est pas sans conséquences sur l'appréciation que nous aurions pu faire de l'augmentation, à périmètre constant, de 4,6 % des crédits.

Qu'il s'agisse du confinement, de la distanciation physique ou du couvre-feu, toutes les mesures sanitaires pour lutter contre la covid-19 ont eu des répercussions immédiates sur tous les secteurs et acteurs culturels, au point que l'écosystème de la culture s'en trouve entièrement bouleversé.

Chaque fois, de manière très volontariste et quelles que soient les contraintes, les opérateurs culturels se sont adaptés et ont innové pour maintenir le lien entre les publics, les artistes et les oeuvres, dans des conditions aussi optimales que possible. Mais force est de constater que l'interruption imposée par ce nouveau confinement risque d'être insurmontable pour nombre de secteurs déjà fragilisés.

Ce budget ne peut pas être examiné en tant que tel. C'est en ayant bien à l'esprit les mesures transversales, le volet culturel du plan de relance et aussi votre amendement créant d'ultimes mesures exceptionnelles pour un montant de 115 millions d'euros, que je ferai quelques observations.

La première est évidente : il faudra aller plus loin, aussi bien en termes de moyens que de durée d'application des dispositifs, tant la diminution du chiffre d'affaires du secteur culturel, déjà estimée à plus de 22 milliards d'euros, va encore s'aggraver.

Pour le spectacle vivant, grande victime de cette crise sanitaire, les mesures d'urgence devront sans doute être maintenues durant toute l'année prochaine. La création artistique est très durement touchée par la fermeture des salles de spectacle et d'expositions, l'annulation des manifestations et l'application de jauges réduites. Pour de très nombreux secteurs et artistes, il s'agit désormais d'une question de survie.

Tout porte à croire que l'année blanche dans l'intermittence devra être prorogée au-delà du mois d'août 2021, afin d'éviter que les artistes et les techniciens du spectacle ne soient confrontés, au sortir de cette crise, à une précarité encore plus redoutable.

À cet égard, je vous remercie, madame la ministre, d'entendre une demande récurrente et désormais urgente des professionnels du spectacle de La Réunion : ils souhaitent la réouverture sur place d'une antenne Pôle emploi spectacle.

Ma deuxième remarque porte sur la répartition des crédits affectés au secteur du patrimoine et de l'architecture, qui enregistre aussi des pertes économiques considérables – moins 30 %. Alors que vous avez déclaré être la ministre des artistes et des territoires, ni le plan de relance ni les crédits – pourtant en augmentation – inscrits au projet de loi de finances en faveur de ce programme, ne contribuent au nécessaire rééquilibrage entre Paris et les régions, entre les patrimoines urbains et les patrimoines ruraux.

Le pass culture, qui occupe encore une place centrale dans le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », présenterait donc moins de fragilité que vous ne le craignez, madame la ministre. Cependant, cette évolution favorable n'est sans doute pas telle que nous puissions faire l'économie d'une refonte d'un dispositif qui n'atteint toujours pas son public cible, qui demeure sous-utilisé et trop méconnu.

À l'inverse, les Micro-Folies – ces musées numériques permettant de rapprocher les collections et grandes représentations des lieux de vie et des citoyens – ont rapidement rencontré leur public. La multiplicité des possibilités et des expériences ne peut qu'encourager à accélérer la couverture de tout le territoire national. La promesse d'en créer 1 000 d'ici à 2022 est-elle toujours d'actualité ?

Mon dernier point concerne les outre-mer. Tout d'abord, je déplore l'abandon de tous les projets en faveur de la promotion et la diffusion des cultures des outre-mer – le dernier en date étant probablement la Cité des outre-mer – , mais aussi celui des outils existants, que symbolise la fermeture de France Ô. Résultat : nous ne voyons toujours pas la meilleure visibilité des outre-mer.

Quant à la presse ultramarine, elle a toujours été étonnamment exclue des aides prévues pour la presse nationale et régionale. Après France-Antilles, deux journaux réunionnais se trouvent en grande difficulté : Le Quotidien de La Réunion où une menace de licenciement plane sur 40 % du personnel ; Le Journal de l'île de La Réunion qui, hier, a de nouveau été placé en redressement judiciaire.

Sur les 450 millions d'euros de crédits que la mission « Médias, livre et industries culturelles » a inscrits au titre des aides à la presse, 2 millions d'euros reviendront aux outre-mer. Nous saluons ce timide début, tout en souhaitant qu'il puisse contribuer à contrecarrer tout scénario qui serait catastrophique pour le pluralisme de l'information et la démocratie.

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne s'opposera pas à votre budget et s'abstiendra.

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