Intervention de Guy Bricout

Séance en hémicycle du vendredi 6 novembre 2020 à 21h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Cohésion des territoires

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Bricout :

La cohésion des territoires requiert sans doute une attention plus particulière encore cette année, alors que nous traversons la deuxième vague d'une crise sanitaire sans précédent. Certains territoires ont su s'adapter et trouver des solutions dès la première vague, palliant ainsi dans bien des cas les absences de l'État ; d'autres connaissent des disparités – numériques, d'accès aux soins, de desserte – qui sont apparues encore plus criantes avec la crise. Tous les territoires ne sont pas logés à la même enseigne, comme le leur a durement rappelé la crise.

Une inégalité en entraînant une autre, combien d'élèves a-t-on par exemple vu peiner pour suivre les cours à distance faute d'accès à internet ? Il n'est pas imaginable qu'en 2020, la France prenne le risque d'une fracture éducative par manque de réseau.

Malgré tout, nous savons que les territoires vont encore se mobiliser pour répondre au mieux, et avec les moyens du bord, aux attentes de nos concitoyens dans les prochains mois de crise. C'est bien au prisme de cette année si singulière que nous devons examiner les crédits de la mission « Cohésion des territoires ». Avec des crédits légèrement en hausse et plus d'un tiers des aides du plan de relance destinées aux territoires, on peut espérer des progrès. Un certain nombre de mesures nous confortent dans cet espoir : la reconduction des dotations de soutien à l'investissement local – la DSIL, dotation de soutien à l'investissement local, la DETR, dotation d'équipement des territoires ruraux, la DSID, dotation de soutien à l'investissement des départements, et la DPV, dotation politique de la ville – , la stabilisation de la DGF – dotation globale de fonctionnement – , la prorogation des ZRR – zones de revitalisation rurale – pendant deux ans, le programme Habiter mieux, et l'objectif visant à créer une maison France Services par canton d'ici à 2022. Ayant installé deux maisons de services au public dans le département du Nord lorsque j'en étais vice-président, je peux témoigner de leur précieux apport mais je déplore qu'elles soient la conséquence du départ de nombreux organismes et d'administrations des territoires ruraux. Ajoutons à cette liste l'accent mis sur le soutien à l'hébergement d'urgence.

Néanmoins, madame la ministre déléguée, toutes ces mesures sont ternies par plusieurs facteurs. Pour commencer, trop d'incertitudes subsistent dans l'esprit de nombreux acteurs, en ces temps de crise, pour leur permettre d'investir demain. En effet, plusieurs dispositifs dépendent du plan de relance dont la mise en oeuvre ne dépassera pas 2022. En outre, certaines mesures ne seront efficaces que moyennant des modifications de fond. Je pense par exemple au coup d'accélérateur que vous souhaitez donner à la rénovation énergétique des logements sans pour autant avancer d'un iota sur la question des simplifications réglementaires, que demandent pourtant les acteurs du bâtiment.

Autre sujet d'inquiétude : la territorialisation du plan de relance. Nombreux sont les élus qui ont le sentiment que vous leur coupez les ailes sur le plan financier, avec la baisse de 10 milliards des impôts de production. Cette mesure est certes nécessaire mais sa compensation n'est pas à la hauteur, contrairement à ce que vous affirmez.

Parallèlement se pose la question de la différenciation, puisque tous les territoires n'auront pas la même capacité à présenter rapidement des projets bouclés ou presque, le risque étant que ceux qui disposent des moyens techniques les plus importants se trouvent privilégiés.

J'en viens au fonctionnement de l'Agence de cohésion des territoires qui, selon un récent rapport sénatorial, semble devoir être amélioré, notamment en matière d'ingénierie sur mesure, afin de faire naître des projets en adéquation avec les besoins des territoires. Le groupe UDI et indépendants a toujours été un fervent défenseur de cette agence. Nous saluons donc le renforcement de ses moyens mais nous serons attentifs aux suites apportées aux préconisations des sénateurs.

D'autre part, je voudrais être certain que la sélection des villes du nouveau programme Petites villes de demain » se fera selon des critères plus pertinents que ceux qui furent utilisés pour l'opération Action coeur de ville, qui laissait de côté les villes de 10 000 à 20 000 habitants dont le commerce de centre-ville était en souffrance. De plus, les parlementaires ne sont pas associés au choix des villes.

En ce qui concerne les 622 millions d'euros octroyés au numérique afin d'atteindre l'objectif du très haut débit pour tous d'ici à 2022, nous restons prudents après les retards accumulés, même si nous avons très envie d'y croire.

J'évoquerai enfin les APL, dont les crédits ont fortement diminué depuis 2017 aux dépens des bailleurs sociaux. La contemporanéité attendue depuis 2019 sera effective à compter du 1er janvier 2021. C'est un pas en avant mais il survient un peu tard car, avec la crise, les économies escomptées seront réduites à peau de chagrin. En outre, pour alimenter ces APL, vous n'hésitez pas à ponctionner 1 milliard sur le budget d'Action logement, pourtant un acteur majeur du logement social. Cherchez l'erreur ! Vous portez un grave coup au bâtiment, aux bailleurs sociaux et à tous ceux qui veulent accéder à la propriété ou aménager leur logement.

La cohésion de nos territoires a plus que jamais besoin de stabilité et d'une politique sur le long terme, madame la ministre déléguée, ainsi que d'une véritable décentralisation. La verrons-nous un jour ?

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