Intervention de Bénédicte Taurine

Séance en hémicycle du vendredi 6 novembre 2020 à 21h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Cohésion des territoires

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBénédicte Taurine :

Selon l'étude sur l'état de la pauvreté en France publiée à la rentrée par le Secours populaire, un Français sur trois dit avoir vu ses revenus baisser depuis le début du confinement. En juin, l'Unédic estimait que d'ici la fin de l'année, 900 000 emplois auront été détruits ; la situation sanitaire actuelle laisse supposer que ce chiffre doit être revu à la hausse. Par ailleurs, plus de 1 million de personnes vivent sous le seuil de pauvreté dans notre pays et 8 millions sollicitent l'aide alimentaire. Ce quotidien difficile s'accompagne de lourdes inquiétudes pour l'avenir des enfants.

Dans le contexte actuel, où la majorité de la population subit une crise à la fois sanitaire, sociale et économique, le Gouvernement n'est pas à la hauteur des enjeux, en particulier en ce qui concerne les populations les plus fragilisées. Ainsi, 0,8 % seulement des crédits de votre plan de relance sont destinés aux personnes les plus précaires.

L'amélioration des conditions de vie des plus fragiles suppose des mesures fortes, notamment dans le domaine du logement, secteur clé de la lutte contre la pauvreté. Se loger dignement est primordial pour l'ensemble de la population, plus particulièrement pour les catégories les plus fragiles.

Les mesures proposées ne vont pas dans ce sens. Ainsi, vous reportez à 2021 le calcul des APL en temps réel, ce qui vous permet d'économiser 2 milliards d'euros. Depuis 2017, les recettes des organismes HLM sont lourdement ponctionnées : 800 millions en 2018, 900 millions en 2019, 1,3 milliard en 2020. S'agissant d'Action logement, l'État avait déjà l'an dernier ponctionné 500 millions d'euros, venus abonder le budget 2020. Pour abonder le budget 2021, il était déjà prévu de puiser 1 milliard d'euros dans sa trésorerie, auquel il faut ajouter aujourd'hui 300 000 euros, montant de l'aide compensatoire promise il y a deux ans et qui ne lui sera finalement pas versée, soit 1,3 milliard d'économies réalisées sur le dos de cet acteur majeur du logement social. N'oublions pas non plus l'augmentation de la TVA, passée de 5,5 % à 10 %, soit un surcoût de 700 millions d'euros en 2018 et de 850 millions d'euros en 2019.

Ces mesures assèchent donc les ressources financières des organismes HLM, ce qui a entraîné l'effondrement de la construction de logements sociaux. Pour faire face à cet appauvrissement programmé, ces organismes ont été obligés, selon l'étude financière de la Banque des territoires publiée en septembre, de rogner sur l'entretien des immeubles, réduisant les dépenses de grosses réparations de 7 %. Ils ont surtout dû réduire leur production de logements neufs, qui ne devrait pas dépasser le nombre de 100 000 agréments cette année, contre 120 000 en 2016, alors que plus de 2 millions de ménages attendent de se voir attribuer un logement HLM. En quatre ans, ce sont plus de 170 000 logements qui ne sont pas sortis de terre. La Caisse des dépôts et consignations elle-même prévoit que d'ici à 2035, la construction de logements sociaux baissera de 60 000 par an. Le choc de l'offre évoqué par Emmanuel Macron se traduit par davantage d'investissements privés, et surtout par la précarisation des locataires et par l'abandon du logement social.

La chancelière allemande Angela Merkel a annoncé l'année dernière un plan massif de 5,7 milliards d'euros sur trois ans pour construire des logements abordables. Au Royaume-Uni, Theresa May a mis sur la table 2 milliards de livres par an pour relancer le logement social. Votre politique s'avère finalement moins sociale que celle des conservateurs britanniques et des démocrates-chrétiens allemands.

Je ne peux pas terminer mon propos sans aborder la question de l'insuffisance des moyens consacrés à la rénovation thermique et de leur répartition inégalitaire. Le secteur du bâtiment est le premier consommateur d'énergie finale. Pour remédier à cela, il faudrait rénover un million de logements par an pour les mettre aux normes « bâtiment basse consommation ». Les locataires modestes du privé sont les plus touchés : 28 % d'entre eux vivent dans des logements classés F ou G. Cette précarité énergétique concerne de plus en plus de Français : 53 % d'entre eux ont réduit leur consommation de chauffage afin de limiter le montant de leur facture.

Il n'y a pas de cohésion des territoires sans mesures fortes. Considérant que le compte n'y est pas, le groupe La France insoumise n'est pas favorable à votre projet.

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