Intervention de Jean-Louis Bricout

Séance en hémicycle du vendredi 6 novembre 2020 à 21h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Cohésion des territoires

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bricout :

Nous sommes réunis pour examiner la mission « Cohésion des territoires », au sein de laquelle la politique du logement occupe une large part. Avant d'aborder certains détails budgétaires, voyons ce qu'il en est de votre vision stratégique sur ce sujet.

Depuis des années, notre pays subit un phénomène de concentration des populations et une métropolisation à outrance. C'est là le creuset de tous les maux de notre société : crise du logement, crise du transport, crise sécuritaire, et aujourd'hui, avec le covid, crise sanitaire dans les zones surpeuplées.

Plutôt que de vous attacher à déconcentrer les activités et donc les populations, vous avez fait un autre choix : celui d'un choc de l'offre.

Vous accompagnez finalement ce phénomène de concentration, dans une recherche sans fin de solutions pour construire plus, plus haut, plus concentré, en vous efforçant de libérer le moindre espace foncier. C'est une erreur stratégique car ce dont notre pays a besoin, c'est d'un choc de demande sur les territoires. Vos crédits sont donc globalement mal utilisés et ne résolvent en rien les maux rappelés au début de mon intervention.

S'agissant de vos propositions budgétaires, entre les nombreuses lois de finances rectificatives de l'année, la mission « Plan de relance » et la présente mission « Cohésion des territoires », il est difficile d'avoir un aperçu exhaustif des crédits mobilisés en 2020 et de les comparer avec les moyens du PLF pour 2021.

La construction de logements stagne dans notre pays depuis 2017, et nous pensons que rien dans ce budget ne permettra d'inverser la tendance. Alors que le budget de 2015 avait permis une progression régulière en la matière, les chiffres s'effondrent depuis votre arrivée au pouvoir. Oui, les chiffres sont têtus : les résultats sont absents, votre politique du logement est un échec.

C'était pourtant prévisible, à l'examen des mesures qui ont été prises par le Gouvernement et la majorité – elles ont été rappelées par mes collègues : suppression de l'APL accession, réduction du PTZ et du dispositif Pinel, relèvement de certains taux de TVA, y compris dans le logement social, et réduction de loyer de solidarité, qui a eu pour effet mécanique de réduire les fonds de roulement des bailleurs sociaux. Pire encore, l'incertitude liée aux fusions d'organismes de logement social – voulues par la loi ELAN – bloque l'investissement.

Après les bailleurs sociaux, vous décidez de vous en prendre à un autre acteur central de la création de logements, le fameux Action logement, anciennement appelé 1 % logement. Ainsi, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit un prélèvement de 1 milliard d'euros sur le fonds de roulement d'Action logement, qui s'ajoute à la réduction de ses ressources de 52 millions d'euros prévue dans le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020, et au prélèvement de 500 millions d'euros déjà intervenu en loi de finances initiale. Comment voulez-vous créer un choc d'offre en affaiblissant tous les acteurs de la construction et de l'offre de logement ? C'est absurde. Il suffit d'observer les chiffres catastrophiques de 2020 en matière de délivrance de permis de construire, pour comprendre que, compte tenu de l'allongement de la période électorale municipale et de l'épidémie de covid-19, une crise du secteur du bâtiment va se greffer à la crise du logement.

Quant aux aides personnelles au logement, elles baissent au fur et à mesure que la pauvreté augmente. Alors que le logement est la base du progrès social, quelles promesses d'avenir offrez-vous au million de nos concitoyens venus grossir les rangs des 6,5 millions de Français qui étaient déjà confrontés à la pauvreté ? Si seulement un tiers de ce million de personnes devenait éligible aux APL, cela entraînerait une dépense supplémentaire d'un milliard d'euros qu'il faudrait intégrer. Où sont ces crédits ?

Concernant la rénovation énergétique des logements et ses enjeux essentiels sur les plans écologique, social et économique, la communication autour de MaPrimeRénov' est impressionnante, mais les moyens alloués – 2 milliards d'euros en 2021-2022 – nous permettent tout juste de revenir au niveau des aides publiques au parc privé de 2017. Même le président Sarkozy avait fait mieux en 2009-2010, avec le crédit d'impôt transition énergétique – CITE – et ses 2,5 milliards d'euros. Où sont les moyens budgétaires à la hauteur de l'ambition d'une neutralité carbone en 2050 ?

Pourtant, nous vous avons proposé la prime pour le climat, qui vise à lever tous les freins au déclenchement de travaux énergétiques : elle pourrait permettre d'accompagner les publics depuis l'audit du logement jusqu'à la réalisation des travaux, dans une approche de rénovation globale et performante du logement, et de financer les travaux grâce à une subvention forfaitaire d'abord, synonyme de simplicité, et le reste à charge étant financé par une avance remboursable jusqu'à la mutation du bien, vente ou succession. Avec ce dispositif, il n'y a à s'occuper de rien, et rien à débourser pour l'occupant ou le bailleur ; toutes les cases sont cochées pour s'engager vers la réussite, mais vous n'en avez rien à faire.

Le groupe Socialistes et apparentés ne peut donc que rejeter votre politique du logement, si tant est qu'elle existe…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.