Intervention de Olivia Gregoire

Séance en hémicycle du samedi 7 novembre 2020 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Article 55

Olivia Gregoire, secrétaire d'état chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable :

Le sujet étant d'importance, permettez-moi de prendre le temps d'une réponse. Ces amendements concernent la performance extra-financière des entreprises, qu'on appelle parfois impact score ou scoring.

Comme l'a indiqué la rapporteure spéciale suppléante, la proposition que vous faites est déjà satisfaite par la rédaction actuelle de l'article 55, très précise, en vertu de laquelle la transition écologique et la résilience de l'organisation socio-économique constituent deux des trois finalités du PIA, l'autre étant le potentiel de croissance. Ensuite, il est prévu que « les décisions d'investissement sont prises en considération d'un retour sur investissement, financier ou non » – je reviendrai sur ce point, abordé à l'amendement no 2299 .

S'agissant de l'amont, chaque projet étant différent, il nous paraît plus pertinent que le cahier des charges détaille les conditions préalables et les impacts attendus, plutôt que d'en faire état de manière générale dans la doctrine du PIA.

Quant à l'aval, le Gouvernement est défavorable aux amendements parce que cette manière d'envisager les contraintes légitimes imposées aux entreprises ne me semble pas la bonne. Comme toutes les autres démarches de scoring, l'impact score est un outil très utile pour comptabiliser et valoriser concrètement l'action des entreprises en matière d'impact environnemental et social des activités des entreprises. J'ai eu plusieurs échanges avec ses concepteurs, que j'ai félicités et encouragés.

Par ailleurs, je suis fermement convaincue que cet outil lisible est une force autant qu'une faiblesse. L'impact score est un très bon outil pour donner à voir au grand public les impacts des stratégies de responsabilité sociale des entreprises mais il ne rend pas justice à la complexité et à la diversité de celles-ci. Ma conviction profonde est qu'on ne peut pas prendre le risque de choisir en amont un outil comme l'impact score et de décréter unilatéralement, au nom de la France, une série de critères qui n'auraient pas été partagés entre les entreprises concernées, et entre elles et les partenaires sociaux et l'administration. On prendrait là le risque d'imposer des indicateurs non pertinents, voire inopérants, ce qui serait l'inverse de l'objectif.

Avec tout le respect que j'ai pour ces approches et pour l'Assemblée, je vous demanderai, de grâce, de regarder le débat qui arrive, non pas en 2022, non pas en 2023, mais au premier trimestre 2021, en Europe, avec la révision de la directive sur l'information extra-financière, dite « NFRD ». Notre pays ne peut pas inventer de façon unilatérale des indicateurs sans avoir envisagé le sujet plus large de la comptabilité extra-financière – certains dans cette assemblée maîtrisent bien cette question. Ce sujet sera donc débattu au début de l'année prochaine – je ne vous renvoie pas à des débats qui auraient lieu on ne sait quand – et doit faire l'objet d'un travail sérieux et approfondi avec l'ensemble des États membres.

Cet impact score me paraît trop court. Le sujet de la performance extra-financière est un combat qui me tient à coeur, vous le savez, et je sais que nombreux sont les députés intéressés. L'outil de l'impact score, s'il est intéressant, n'est pas assez profond sur le plan analytique et n'est pas assez partagé avec les acteurs européens pour pouvoir voler et être légitime au niveau de la puissance européenne. L'enjeu est celui d'une nouvelle comptabilité pour l'Europe, pas uniquement d'un nouvel outil pour la France.

J'espère avoir montré clairement que ce n'est pas un rejet dogmatique a priori mais que je considère ce sujet comme trop important pour ne pas être porté au niveau européen dès le premier trimestre 2021, c'est-à-dire demain.

En conséquence, je vous demanderai de bien vouloir retirer les amendements nos 2298 et 2297 .

S'agissant de l'amendement no 2299 , je vous propose une modification qui pourrait satisfaire votre demande et qui n'est pas anodine : au lieu de parler de critères ESG – c'est-à-dire environnementaux, sociaux et de gouvernance, sans entrer plus avant dans les détails – , je vous suggère, à la fin de l'alinéa 9 de l'article 55, de substituer au mot « non » le mot « extrafinancier » afin d'inscrire dans la loi ce que je considère comme une requête comme légitime.

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