Intervention de Jean-Paul Mattei

Séance en hémicycle du lundi 9 novembre 2020 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Gestion des finances publiques ; transformation et fonction publiques ; crédits non répartis ; régimes sociaux et de retraite ; gestion du patrimoine immobilier de l'État ; pensions ; remboursements et dégrèvements

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Mattei, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Parallèlement aux nombreuses mesures que comporte le plan de relance en matière d'immobilier public, le projet de loi de finances pour 2021 inscrit au compte d'affectation spéciale – CAS – « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » 370 millions d'euros en recettes et 275 millions en crédits de paiement. Le solde du CAS serait ainsi relevé de 95 millions d'euros en 2021.

Cependant, l'exercice 2020 reste incertain. La troisième loi de finances rectificative avait revu à la baisse la prévision de recettes initiale, ramenée de 380 à 320 millions d'euros, soit une diminution de 60 millions d'euros, et la quatrième loi de finances rectificative précise que le produit des cessions immobilières 2020 est inférieur de 40 millions d'euros aux prévisions de la loi de finances initiale.

Quoi qu'il en soit, la baisse des crédits de paiement est sensible – elle est de 38,48 % – et s'inscrit dans une tendance pluriannuelle, due à l'attrition des recettes provenant des cessions, encore aggravée par la crise sanitaire et le confinement.

À l'évidence, le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » souffre de dynamiques contraires s'agissant respectivement de ses ressources et de ses emplois. Il ne représente en effet que 4,6 % des dépenses en crédits de paiement de la politique immobilière de l'État, ce qui le marginalise.

Dans ce contexte, je me réjouis que soit paru – certes tardivement – à la fin de l'année 2019 le décret d'application de la réforme de la décote « Duflot », que l'Assemblée nationale a adoptée en loi de finances 2019 sur ma proposition. Cela permettra de préserver le produit de la cession au bénéfice de l'État lorsque la collectivité concernée dispose de réserves foncières conséquentes. S'il est encore trop tôt pour en évaluer les résultats, on peut espérer que certains effets pervers liés à la spéculation immobilière se faisant au détriment du patrimoine de l'État cesseront.

Il conviendra également de conforter le CAS en augmentant les ressources pérennes. La part des redevances dans les recettes reste trop modeste, c'est pourquoi je souhaite que la direction de l'immobilier de l'État et les directions ministérielles poursuivent l'expérimentation de modes de valorisation alternatifs à la cession.

La mise en bail emphytéotique de quatre-vingt-dix-neuf ans d'un hôtel particulier rue de Grenelle, mis sur le marché en 2020, devrait préfigurer l'expérimentation d'autres baux emphytéotiques sur des durées plus courtes, de l'ordre de soixante-dix ans, si le marché se révèle intéressé par cette formule.

Le marché sera également testé sur le projet d'un loyer capitalisé ou annualisé, ainsi que sur des clauses d'intéressement de l'État en cas de cession de la commercialité du bien par le preneur pour un autre bien. Je salue ces initiatives.

Venons-en aux crédits du plan de relance consacrés à l'immobilier public.

Si l'on peut saluer un effort inédit de 4 milliards d'euros en faveur de la rénovation thermique – 300 millions d'euros dans les lycées et 3,7 milliards d'euros pour les bâtiments de l'État et les collectivités – , il n'en demeure pas moins que la problématique de l'entretien et de la performance énergétique des bâtiments doit être intégrée le plus en amont possible dans la gestion du parc immobilier de l'État.

À cet égard, il est regrettable que la quatrième loi de finances rectificative supprime 32,1 millions d'euros de crédits de paiement destinés à l'entretien des bâtiments en raison des retards qui ont affecté le programme 743. Ces crédits gagneraient être reportés sur l'entretien futur des bâtiments.

Alors que le premier appel à projets s'est terminé le 9 octobre, je m'interroge sur le bon usage des fonds engagés en urgence pour des projets qui n'avaient pas été retenus dans le passé, faute de financements.

En effet, si un bâtiment peut s'amortir sur des dizaines d'années – voire des centaines d'années si l'on prend, par exemple, le cas du Louvre – , il faut veiller à ce que les projets retenus dans ce premier appel à projets et financés par de la dette publique s'inscrivent bien dans une logique à long terme et soient structurants pour la collectivité.

Le filtre retenu – l'impact énergétique des travaux envisagés et la capacité à les réaliser rapidement pour que les crédits puissent être engagés au 31 décembre 2021 – mériterait d'être confronté à l'aune des économies budgétaires que ces travaux apporteront au patrimoine immobilier public. Ces économies devraient être intégrées dans la future gestion de ces bâtiments comme autant de ressources désormais pérennes qu'il ne serait plus nécessaire de dégager.

Le Gouvernement a dédié un appel à projets séparé pour la rénovation des bâtiments d'enseignement supérieur et de recherche, ce qui est cohérent car ceux-ci représentent un tiers de la valeur de l'immobilier de l'État et ils affichent des performances énergétiques médiocres.

Ajoutons que des arbitrages seront nécessaires entre les projets de plus de 5 millions d'euros, dont la sélection s'effectuera au niveau de la direction de l'immobilier de l'État afin d'éviter que telle région ou tel ministère n'apparaisse comme privilégié au détriment des autres. À ce stade, nous n'avons guère d'indications sur la façon dont le Gouvernement procédera.

Nonobstant ces réserves et interrogations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

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