Intervention de Belkhir Belhaddad

Séance en hémicycle du lundi 9 novembre 2020 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Gestion des finances publiques ; transformation et fonction publiques ; crédits non répartis ; régimes sociaux et de retraite ; gestion du patrimoine immobilier de l'État ; pensions ; remboursements et dégrèvements

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBelkhir Belhaddad, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales :

Il y a quelques mois, qui paraissent un siècle, notre attention était tournée vers la question des retraites. Les crises nous en ont détournés. Elles ont pourtant une incidence massive sur notre système de retraite, dont elles dégradent les équilibres financiers. Surtout, elles renforcent les inégalités en cette période si difficile pour nos concitoyens – des inégalités que nos prédécesseurs ont glissées sous le tapis dans les périodes fastes et qui nous éclatent au visage en temps de crise. C'est sous le double angle de la soutenabilité économique et sociale que j'ai étudié les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions » du projet de loi de finances pour 2021.

Le premier constat est celui de la dégradation des comptes. Les dernières projections du COR – Conseil d'orientation des retraites – nous informent que le déficit de notre système de retraite passera de 1,9 milliard d'euros en 2019 à 25,4 milliards d'euros en 2020, en raison de la très forte dégradation du produit intérieur brut. Pire, l'Institut Montaigne nous alerte sur un besoin de financement de près de 30 milliards d'euros à l'horizon 2030, soit une dégradation de 20 % au regard des prévisions d'avant-crise. Dès lors, j'ai proposé à mes collègues de la commission des affaires sociales d'approuver la contribution de l'État aux régimes spéciaux déficitaires à hauteur de 6,2 milliards d'euros et d'accepter de consacrer 42,5 milliards d'euros aux pensions civiles et militaires de l'État. Je le fais en conscience et avec la conviction que nous ne pourrons pas longtemps faire l'impasse sur la réforme globale dont notre système a besoin.

D'autres urgences priment – ce n'est pas contredire mon propos précédent que de l'affirmer. Je fais référence au combat contre les inégalités – un combat de tous les instants, encore plus nécessaire en période de crise ; un combat qui me conduit à m'investir aux côtés des associations dans les quartiers populaires ; un combat qui m'anime contre toutes les formes de discrimination ; un combat encore plus central quand la population est confinée et que la pauvreté s'accroît, révélant encore plus les failles de notre société et les défaillances de notre système de protection sociale. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé d'axer mon rapport sur les inégalités entre les femmes et les hommes au moment de la retraite. Combien de temps pourrons-nous tolérer que la pension perçue par une femme soit en moyenne inférieure de 40 % à celle d'un homme ? Combien de temps accepterons-nous de tels écarts de salaires dans le déroulement des carrières, avec l'effet boomerang qu'il induit pendant la retraite ? Enfin, combien de temps admettrons-nous que les critères de pénibilité excluent les métiers du soin et des services à la personne, majoritairement occupés par des femmes et sur lesquels repose la cohésion de notre société ?

À ces questions, je réponds : gardons le meilleur de notre projet de réforme systémique, mais allons plus loin, faisons mieux et travaillons sans tarder aux mesures qui permettront de mieux réduire ces inégalités. Gardons la majoration de 5 % par enfant dès le premier enfant, puis de 2 % par enfant pour les familles de plus de trois enfants. Conservons le principe du maintien du niveau de vie du conjoint survivant en lui garantissant 70 % des revenus antérieurs du couple grâce au versement de la pension de réversion, et maintenons d'autres mesures qui ont fait l'objet de propositions dans le texte définitif. Allons plus loin pour favoriser l'égalité des retraites entre les femmes et les hommes : réformons sans tarder le congé parental pour favoriser une meilleure répartition des tâches domestiques et familiales ; travaillons au partage des droits à retraite au sein du couple lors du divorce, en fonction du nombre d'enfants élevés durant le mariage ; ouvrons de façon mesurée la réversion aux couples pacsés ; réformons les critères de pénibilité pour les adapter aux particularités des métiers féminins comme l'aide à la personne ou le soin ; augmentons la rémunération des enseignants, qui sont surtout des enseignantes dans le premier degré et qui sont parmi les moins bien payés au sein de la fonction publique du fait de la faiblesse de leurs primes.

Voilà, chers collègues, les grandes réflexions que je souhaitais partager à l'occasion de ce débat sur le PLF pour 2021. Dans l'immédiat, je vous invite à voter en faveur des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions », car ils financent les retraites de plusieurs millions de nos concitoyens. Pour autant, je souhaite que mon appel trouve un écho au sein de notre assemblée, mais aussi auprès du Gouvernement et des partenaires sociaux. Si la crise que nous traversons incite à la prudence, les lendemains difficiles auxquels nous pouvons nous attendre exigeront de notre part beaucoup de détermination et de courage politique.

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