Intervention de Richard Ferrand

Séance en hémicycle du mardi 10 novembre 2020 à 15h00
Éloge funèbre de françois andré

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRichard Ferrand, président :

Le 11 février dernier, nous perdions un collègue exemplaire. François André, qui a lutté jusqu'au bout contre un mal implacable, finissait par succomber dans la nuit, à seulement cinquante-deux ans. Quelle infinie tristesse ! Lui, pourtant, n'était pas un homme triste, mais un citoyen libre dont chacun ici appréciait l'humour et cette sorte de malice, bien à lui, avec laquelle il savait exprimer ses convictions aussi bien que son amitié.

Enfant de la Bretagne, de toute la Bretagne, il est né à Pontivy, dans le Morbihan, mais c'est à Rennes qu'il a grandi et c'est dans ce département de l'Ille-et-Vilaine qu'il a conquis les suffrages de ses concitoyens. Dès l'âge de dix-neuf ans, il s'engage en politique. Après les manifestations étudiantes de 1986, il rejoint le Parti socialiste où il milite à sa manière, avec sérieux, constance et dévouement. Le jeune homme, déjà, est remarqué pour son sens de l'écoute, sa bienveillance, sa capacité de travail aussi. Edmond Hervé décide de lui donner sa chance. En 2001, François André est élu conseiller municipal de Rennes et, tout de suite, c'est lui qui est choisi comme adjoint au maire chargé des sports. Réélu en 2008, il devient adjoint aux finances, faisant à ce poste l'apprentissage de ces dossiers complexes que l'on épluche avec concentration, tôt le matin, tard le soir, pour trouver des solutions au service de la collectivité.

Car François André était un humaniste en même temps qu'un réaliste. Homme de gauche, social-démocrate dans l'âme, il voulait faire reculer l'injustice et promouvoir le progrès social, non par des incantations mais par des réalisations concrètes et par des financements sûrs. C'est ce qu'il a fait au conseil municipal de Rennes, mais aussi au conseil général d'Ille-et-Vilaine, où il est élu en 2008. Vice-président chargé de la solidarité, c'est avec ces mêmes qualités de rigueur et d'humanité qu'il s'efforce d'améliorer le sort des plus fragiles : les personnes âgées, car il n'est pas de société juste sans lien entre les générations, et les personnes en situation de handicap, dont il voulait rendre tous les droits effectifs. Issu d'un milieu modeste, il était l'élu des classes populaires dont il avait conservé la simplicité, l'empathie, la drôlerie aussi. Son oeil rieur et attentif traduisait d'un seul regard toute l'authenticité et la profondeur de sa démarche militante.

En 2012, François André est élu député et siège au sein du groupe socialiste. Hostile au cumul des mandats et cohérent avec lui-même, il démissionne du conseil municipal et renonce à la vice-présidence du conseil général d'Ille-et-Vilaine. Comme il l'a promis à ses électeurs, François André veut pouvoir s'investir à plein dans ses nouvelles fonctions de législateur. Membre de la commission de la défense, ce travailleur infatigable découvre de nouveaux dossiers que, bientôt, il maîtrise à la perfection. Son nouvel engagement au service de nos armées fera de lui un colonel de la réserve citoyenne.

En 2017, il soutient le candidat Emmanuel Macron dès le premier tour de l'élection présidentielle et c'est dans cet esprit qu'il se présente aux élections législatives pour un second mandat. François André n'en reste pas moins le social-démocrate qu'il a toujours été ; aussi choisit-il de siéger comme apparenté et non comme membre du groupe majoritaire. Ce sens de la nuance exprime bien, je crois, le caractère sincère et scrupuleux de notre ancien collègue.

Il avait écrit dans sa profession de foi qu'il voulait rénover la vie démocratique et renouer la confiance entre les citoyens et les élus. De toutes ses forces, il l'a fait, donnant l'exemple d'un député au travail qui maintient un lien fort, quotidien, profond, avec sa circonscription et ses habitants. Ainsi, quand il a su que sa maladie allait miner sa vie, François André n'a pas seulement pensé à lui-même, il a eu le cran d'en parler publiquement, d'en informer celles et ceux qui lui avaient fait confiance et qui, comme nous aujourd'hui, le pleurent. Ce mandat que la fatalité allait amputer, il l'a pourtant rempli jusqu'au bout, avec ce sens du devoir et cette éthique de l'effort que tous, ici, nous saluons. Moins d'un mois avant sa disparition, malgré la fatigue des traitements, malgré ses souffrances, il s'exprimait encore en commission des finances au sujet des obligations vertes émises par les collectivités locales. Je parlais au début de mon intervention d'un député de l'exemplaire ; vous voyez que l'adjectif n'est pas usurpé.

Élu et réélu en même temps que lui, je l'ai bien connu. J'aimais sa manière de concevoir la politique non comme un métier, mais comme l'une des passions de la vie. Je sais que nous sommes ici nombreux à l'avoir côtoyé et estimé. Oui, l'Assemblée nationale gardera en mémoire son humilité, sa disponibilité, sa responsabilité, qui allaient de pair avec un amour profond de la République et du débat démocratique. Aujourd'hui, François André nous manque. Je pense à sa famille, à ses amis, à ses proches, à celles et ceux qui ont milité ou travaillé à ses côtés. Au nom de tous les députés de l'Assemblée nationale et en mon nom propre, je leur présente mes condoléances attristées.

La parole est à M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

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