Intervention de Jean-Yves le Drian

Séance en hémicycle du mardi 10 novembre 2020 à 15h00
Éloge funèbre de françois andré

Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères :

Au nom du Gouvernement et du Premier ministre, je voudrais m'associer à cet hommage ; cette tâche m'incombe car François André était l'un de mes amis.

François André était fier de servir la nation. Cette fierté se lisait sur un visage dont le rire franc et le regard malicieux ne nous reviennent jamais en mémoire sans que ne nous reviennent aussi la tristesse et la douleur que nous avons ressenties le jour de sa disparition, il y a neuf mois.

Parce qu'il avait su gravir un à un les degrés du mérite républicain, le parcours qui le mena jusqu'à cette assemblée mérite assurément le respect et l'admiration. C'est avec un baccalauréat professionnel en poche que ce petit-fils de paysan et fils de cheminot, après avoir grandi dans un quartier populaire de Rennes, Villejean, entra à l'université pour y étudier l'histoire avant de tenter et de réussir plusieurs concours de la fonction publique. Rien de tout cela, pour lui, n'était écrit d'avance. Il lui fallut y mettre de la volonté, de la persévérance et du courage.

Volonté, persévérance, courage : trois qualités que ses convictions et son caractère l'inclinaient à placer aussi au service des autres en se consacrant corps et âme à l'engagement sincère qui l'animait depuis toujours. Du reste, chez lui, conviction et caractère ne faisaient qu'un. C'était la clé de son immense intégrité, enracinée dans un sens profond de la justice sociale, enracinée dans un souci constant des plus fragiles, ceux qui, jour après jour, ont à composer avec les obstacles des inégalités, du handicap, des discriminations, enracinée dans des ressources d'attention et de bienveillance qui semblaient inépuisables. À cet homme simple et attachant, chacun sentait en effet qu'il pouvait confier ses difficultés, ses espoirs, ses doutes, avec la certitude d'être entendu.

Conviction et caractère, c'était le centre de sa vie ; sa vie de conseiller municipal et d'adjoint d'Edmond Hervé puis de Daniel Delaveau à la mairie de Rennes, sa vie de conseiller général du canton de Rennes nord-ouest et de vice-président du département d'Ille-et-Vilaine aux côtés de Jean-Louis Tourenne, sa vie d'élu de terrain d'un territoire dont il connaissait les atouts et les blessures à la première personne, parce qu'il s'y trouvait au milieu des siens. Et c'est pourquoi il ne croyait qu'aux solutions concrètes, aux réponses pragmatiques, aux politiques publiques vraiment en prise avec la réalité. Car, pour lui, la politique était l'art de rendre possible ce qui est souhaitable – belle définition qu'il aimait à rappeler souvent.

Voilà, à mes yeux, ce qui faisait sa force : l'expérience de la proximité et des responsabilités jusque dans cette enceinte, où les électeurs de la troisième circonscription d'Ille-et-Vilaine le désignèrent comme leur représentant en 2012 avant de lui redonner leur confiance en 2017. Il devint un élu de la nation sur ces bancs où il plaidait pour que les grandes mutations d'aujourd'hui ne fassent de laissés-pour-compte ni parmi les salariés les plus précaires, ni dans les zones rurales, où il voulait voir revenir les services publics, dont il se faisait régulièrement le défenseur, y compris à la commission de la défense et des forces armées, où j'ai pu mesurer son investissement dans mes fonctions antérieures, et bien sûr à la commission des finances, puisque les finances publiques, dont il avait eu la responsabilité à la mairie de Rennes, étaient pour lui l'indispensable pierre de touche du réel.

Quand la maladie contre laquelle il luttait si vaillamment depuis deux ans l'a fauché, nous avons été nombreux à perdre un ami ; plus nombreux encore à perdre un camarade ; tous, chez lui, à Villejean, ont perdu un solide point de repère. C'est que, durant trente ans, son engagement aura compté, pour eux comme pour nous tous. Il était de gauche, il l'a toujours revendiqué haut et fort, y compris dans ses derniers engagements et ses derniers combats aux côtés du Président de la République ; de cette gauche qui « ne se résigne ni à la régression sociale ni au repli identitaire », où il voyait les deux plus grandes menaces actuelles contre le pacte républicain ; de cette gauche ancrée dans les territoires, soucieuse de la nation et viscéralement attachée au projet européen.

Voilà la conception exigeante de la politique qu'il incarnait avec tant de droiture et de passion, une conception volontaire, lucide et profondément humaine. Voilà à quoi sa mémoire nous appelle ; voilà à quoi nous devons rester fidèles.

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