Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du mardi 10 novembre 2020 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2020 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

Il est heureux que nous arrivions à la fin de l'année car les PLFR 2020 se suivent et se ressemblent, faisant de l'exceptionnel une énième routine parlementaire. En effet, il s'agit ici peu ou prou d'une actualisation des dispositifs déjà mis en place lors du précédent confinement : abonder le fonds interentreprises, financer le chômage partiel, exonérer davantage les entreprises et quelques menus soutiens sectoriels. J'entends déjà – et encore – la majorité se récrier : « Il s'agit d'un effort sans précédent, nous faisons mieux que nos voisins européens en soutenant le tissu économique ! » Et nous de lui faire remarquer que les aides et autres allégements de cotisations ne doivent pas se faire sans contrepartie, que s'entêter dans une politique de l'offre est un non-sens économique, qu'il faut soutenir directement le pouvoir d'achat de nos concitoyens, notamment les plus précaires, qu'il faut consentir un investissement public massif pour éviter la faillite de pans entiers de notre appareil productif, et que le fameux plan de relance qui ne planifie rien – ou si peu – ne relancera pas davantage une économie devenue atone, qu'il ne répondra à aucune des urgences, ni à celle des hôpitaux ni à celle des écoles, et encore moins à celle de la population précaire, que prendre le problème dès à présent à bras-le-corps par un plan de relance efficace aurait évité demain d'enchaîner à nouveau les PLFR.

Car la réalité. c'est aussi 2 millions de personnes qui rejoignent la cohorte des précaires ; la réalité, c'est à peine 1 milliard dédié aux plus précaires dans cette quatrième version du PLFR, une obole de 150 euros à 550 euros, pondérée en fonction du nombre d'enfants et dont les étudiants non boursiers ne devraient pas même bénéficier, une somme dérisoire face aux difficultés croissantes et à la paupérisation visible de notre société… 150 euros pour dix mois de crise, c'est à peine 50 centimes par jour ! Voilà de jolies étrennes pour Noël !

Et alors que la majorité ne cesse de chanter les louanges de l'esprit d'initiative, de l'esprit d'entreprise, comment ne pas voir dans quelle détresse inextricable se trouvent aujourd'hui plongées nos PME-TPE ? Certes, plus de 10 milliards sont consacrés à abonder de nouveau le fonds de solidarité interentreprises, mais cette aide, quand on l'examine dans le détail, apparaît insuffisante et mal ventilée. Beaucoup ne pourront y avoir accès : les entreprises dont le chiffre d'affaires sera tout juste supérieur à la moitié de ce qu'elles engrangeaient l'année dernière n'auront rien du tout. De même, un indépendant enregistrant une baisse de chiffre d'affaires de 40 % par rapport à son chiffre d'affaires habituel de 1 200 euros ne percevra que 720 euros de revenus d'activité, sans être aucunement indemnisé par le fonds de solidarité. 720 euros, soit bien moins que le seuil de pauvreté. Pourquoi ne pas avoir conçu un barème plus progressif, plus respectueux de la diversité de notre tissu économique, qui puisse lisser l'effort fourni par la collectivité nationale alors que l'initiative privée partout défaille ?

Et toujours rien pour les extras de l'hôtellerie !

Pourquoi non plus ne pas avoir ouvert un fonds de solidarité pour les associations, si utiles en temps de crise, plutôt que de proposer une aide au rabais ?

La défaillance que vous refusez de voir, c'est celle des grandes entreprises qui refusent d'investir, qui profitent de vos largesses pour engraisser les actionnaires et licencient à tour de bras ; citons Vivendi, dont les dividendes augmentent de 20 % pendant que ses filiales ont recours au chômage partiel. Comment ne pas penser aussi à Amazon, ce nouveau Père Noël qui représente aujourd'hui 20 % du commerce virtuel en France et auquel M. Le Maire a refusé de s'attaquer : plus 40 % de chiffre d'affaires à la faveur de la pandémie, et personne ne songe à lui demander des comptes ! Prendre l'argent là où il est, c'est la garantie de ne pas faire peser sur les générations futures une charge injuste. Après vos envolées sur le thème de la dette, je vous croyais, naïvement sans doute, sensibles à ce sujet ; mais avec ce quatrième PLFR, vous douchez une fois de plus tous nos espoirs et ceux de nos concitoyens.

Mais à quoi bon insister, chers collègues, à quoi bon s'épancher devant un hémicycle qui se transforme en scène de vaudeville, avec un ballet d'entrées et de sorties de députés de garde, juste là pour appuyer sur le bouton au bon moment ?

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