Intervention de Émilie Guerel

Séance en hémicycle du jeudi 12 novembre 2020 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Relations avec les collectivités territoriales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmilie Guerel, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Je suis heureuse de présenter, pour la deuxième année consécutive, les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Je ne les détaillerai pas, car le rapporteur spécial vient de le faire.

L'usage, à la commission des lois, est que le rapporteur pour avis mette l'accent sur une politique publique particulière que les crédits qui viennent d'être présentés permettent de financer. Cette année, je me suis intéressée aux enjeux de la différenciation des compétences des collectivités territoriales. En effet, afin de répondre au besoin d'une plus grande proximité et d'une meilleure lisibilité de l'action publique – besoin exprimé notamment par les élus locaux et nos concitoyens lors du grand débat national – et dans le cadre de la crise sanitaire qui nous rappelle chaque jour l'impossibilité d'apporter des réponses uniformes sur l'ensemble du territoire national, il est grand temps, me semble-t-il, de faire un pas vers une meilleure adaptation des compétences aux spécificités et aux besoins des territoires. Selon votre propre constat, que je partage entièrement, madame la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, le vieux rêve du jardin à la française – une place pour chaque chose et chaque chose à sa place – a vécu.

Le cadre constitutionnel, qui consacre le principe d'égalité, s'il nous contraint en tant que législateur, permet tout de même de prendre en considération des situations différentes en attribuant des compétences différenciées aux collectivités territoriales. L'usage que nous faisons de cette possibilité demeure toutefois largement marginal. Ainsi, alors qu'il est possible, sans méconnaître le principe d'égalité, d'attribuer par des transferts limités et précisément identifiés des compétences différenciées à une collectivité si cela est justifié par des motifs d'intérêt général ou pour des motifs tirés d'une différence de situation, nous n'avons pour l'heure exploité cette possibilité qu'une seule fois, à travers la loi du 2 août 2019 relative aux compétences de la collectivité européenne d'Alsace, qui transfère notamment la compétence en matière d'exploitation et de gestion des routes nationales et des autoroutes non concédées.

Les délégations de compétences entre collectivités territoriales, inscrites depuis 2010 à l'article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales, constituent un dispositif intéressant, mais très peu utilisé par les élus locaux, du fait d'un mécanisme assez complexe à appliquer. Les délégations de compétences de l'État en direction des collectivités territoriales, autorisées par l'article L. 1111-8-1 sont encore plus rares. Il n'y en a qu'un exemple : en 2015, l'État a délégué à la région Bretagne quelques compétences en matière culturelle, dans le domaine du soutien aux filières du livre, du cinéma et du patrimoine culturel immatériel. Là aussi, la procédure est lourde et complexe, du fait notamment des conférences territoriales de l'action publique – CTAP.

Par ailleurs, dès le début du quinquennat, le Président de la République avait fait part de sa volonté d'ouvrir aux collectivités territoriales un droit à la différenciation. Il s'agit à la fois de permettre à des collectivités de disposer de compétences dont ne disposent pas toutes les collectivités de leur catégorie et de les autoriser à déroger de façon durable à certaines normes. La Constitution n'ayant pu être modifiée en 2018 pour desserrer la contrainte qui s'impose au législateur, vous avez engagé en début d'année 2020, madame la ministre, une grande concertation nationale sur la répartition et l'exercice des compétences, dans la perspective de la future loi dite 3D – décentralisation, différenciation et déconcentration. Sans préjuger des résultats de cette concertation ni du contenu de la future loi, avez-vous identifié des compétences de l'État qui pourraient n'être transférées qu'à quelques collectivités, du fait de situations différentes, comme nous l'avons fait pour l'Alsace en 2019 ? Par ailleurs, même si elles sont désormais installées dans le paysage institutionnel local, les CTAP font l'objet de nombreuses critiques de la part des élus locaux. Comment redynamiser ces outils, qui pourraient se révéler très utiles à l'avenir ?

La commission des lois a donné, le 14 octobre dernier, un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Je vous invite à faire de même et à voter ces crédits ô combien essentiels pour les territoires.

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