Intervention de François Pupponi

Séance en hémicycle du jeudi 12 novembre 2020 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Relations avec les collectivités territoriales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi :

Comme chaque année, l'examen des crédits de la présente mission nous donne surtout l'occasion de débattre des relations financières entre l'État et les collectivités, sujet qui dépasse, nous le savons tous, très largement le cadre de cette mission, voire de ce budget. On se souvient ainsi des mesures à destination des collectivités décidées notamment dans les troisième et quatrième collectifs budgétaires pour faire face à l'urgence. Citons-en quelques-unes : avances de droits de mutation à titre onéreux pour les départements, déciles supplémentaires et clause de sauvegarde des recettes fiscales et domaniales du bloc communal. Il est vrai que certaines de ces initiatives budgétaires se sont un peu dégonflées : nous avons ainsi appris, fin octobre, que sur les 750 millions d'euros de clause de sauvegarde, seuls 250 à 300 millions seraient effectivement versés en 2020. Une baisse moins forte qu'attendu des recettes est mise en avant, mais ce différentiel interpelle, tout comme votre décision, madame la ministre, de n'ouvrir que 100 millions d'euros de crédits de paiement en 2021 au titre de la dotation exceptionnelle de soutien à l'investissement local alors que 1 milliard d'euros avait été ouvert dans la troisième loi de finances rectificative.

Je rappelle qu'au total, l'impact financier de la crise était estimé avant le second confinement, en particulier par le rapporteur spécial Cazeneuve, à au moins 6 milliards d'euros. Dans le PLF pour 2021, les compensations liées à l'impact de la crise du covid-19 étaient absentes. Elles ont été quelque peu renforcées en commission, via le fonds de soutien aux petites communes et la reconduction du fonds de solidarité des départements. Nous suivrons aussi avec attention la mise en oeuvre de l'accord trouvé le 28 septembre entre l'État et les régions sur la territorialisation du plan de relance. Car si le groupe Libertés et territoires salue bien entendu cet accord, il a la crainte que le copilotage promis de la politique d'investissement soit en fait surtout aux mains des préfets, ce que, bien sûr, nous contesterons si cela se produit.

Autre conséquence directe du plan de relance sur les finances des collectivités : la diminution des impôts de production. Cette réforme, qui vise à améliorer la compétitivité des entreprises, rogne encore un peu plus l'autonomie financière et fiscale des collectivités locales. Elle vient à la suite d'autres réformes – suppression de la taxe professionnelle en 2010, suppression progressive de la taxe d'habitation – et répond à la même logique. Parmi les différentes strates, c'est encore une fois les départements qui sont les plus mal lotis, leurs marges de manoeuvre s'amoindrissant alors qu'ils font face à l'explosion des dépenses de solidarité, au premier rang desquels le revenu de solidarité active. Le problème est ancien, mais il prend une tournure dramatique : en 2020, la hausse des bénéficiaires du RSA serait de 10 % au niveau national, de 12 % dans le Val-d'Oise, alors que les principales ressources fiscales des départements sont affectées par le contexte économique, dès 2020 pour les DMTO et en 2021 pour la CVAE, entraînant une diminution inédite de leur capacité d'autofinancement.

Dans ce contexte, les députés du groupe Libertés et territoires soutiendront des amendements créant un fonds d'urgence pour aider les départements. Nous avons pris connaissance du projet gouvernemental, que nous saluons, de recentralisation du RSA en Seine-Saint-Denis, mais pourriez-vous nous apporter quelques éléments d'information sur vos intentions, madame la ministre ? J'ai souvenir que lors du précédent quinquennat, une tentative de renationalisation du RSA avait échoué. Je voulais aussi vous signaler, madame la ministre, que s'il faut bien entendu aider le département de la Seine-Saint-Denis, les communes de l'est du Val-d'Oise sont maintenant confrontées à des situations sociales encore plus dramatiques. Or ce département ne bénéficie pas d'aides : comme il a aussi une partie rurale, ce fait est souvent oublié. Nous allons, nous les députés du Val-d'Oise, vous saisir collectivement de ce problème.

Je voulais également vous alerter, madame la ministre, sur la situation des intercommunalités situées à proximité des grands aéroports internationaux. Pour des raisons que l'on peut comprendre, l'activité de ces aéroports s'étant arrêtée, les recettes de ces intercommunalités vont chuter de manière drastique et jusqu'à présent, les fonds de compensation ne sont pas à la hauteur de ce qu'elles peuvent espérer.

J'ai aussi souvenir d'un autre chantier qui n'a pu être mené à terme dans la précédente législature : celui de la refonte des dotations. La dotation principale, la DGF, est à la fois illisible – ce n'est pas ma collègue Pires Beaune qui me contredira – complexe et injuste. Le Gouvernement s'en tient à son engagement de geler cette dotation, et c'est une bonne nouvelle dans la crise actuelle, mais il faudra bien entendu que l'on puisse enfin un jour engager cette réforme de la DGF, après la crise bien entendu, car elle est indispensable. Encore faudra-t-il que l'État soit en capacité d'accompagner les collectivités jusque-là.

Plus de trente-cinq ans après les grandes lois de décentralisation, les élus locaux ont confirmé leurs qualités de gestionnaires. La crise du coronavirus en a été la démonstration : qui a eu la capacité de réagir rapidement tout en adaptant les mesures aux spécificités du territoire ? Qui a eu la volonté de jouer pleinement son rôle, voire de pallier parfois les insuffisances de certains services de l'État ? Qui a fait remonter les demandes des entreprises et des indépendants face à la crise ? Qui travaille avec les associations pour aider nos compatriotes les plus touchés ? À chaque fois, les collectivités locales ont répondu présent.

C'est bien pourquoi nous estimons que donner aux élus locaux la possibilité d'actionner les leviers fiscaux est un impératif démocratique dans le cadre d'une république pleinement décentralisée. Cela suppose aussi une remise à plat des ressources fiscales des collectivités mais également des concours financiers de l'État.

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