Intervention de Bénédicte Taurine

Séance en hémicycle du jeudi 12 novembre 2020 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Relations avec les collectivités territoriales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBénédicte Taurine :

Nous constatons d'année en année un affaiblissement des collectivités territoriales du fait de la diminution de leur budget, qui atteint aujourd'hui des proportions critiques. Le manque à gagner occasionné par les baisses de dotations successives s'élève à 50 milliards depuis 2014. La situation s'est particulièrement dégradée depuis le début du quinquennat, notamment à cause des contrats de maîtrise des dépenses locales. Ces contrats ont en effet imposé aux collectivités, sous peine de pénalités financières extrêmement importantes, de maintenir la hausse de leurs dépenses de fonctionnement en dessous de 1,2 %. En 2022, le manque à gagner cumulé dû à cette réforme s'élèverait à environ 40 milliards d'euros depuis 2018, non à 13 milliards comme le prétend le Gouvernement, et c'est sans compter la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales, y compris pour les 20 % les plus fortunés. À ce propos, les projections du Sénat montrent que les recettes de la taxe d'habitation auraient encore augmenté de 4 milliards d'euros en 2020 si elle avait été maintenue. Par conséquent, le manque à gagner pour les communes en 2023, année de sa suppression complète, risque d'être bien plus important que les 17 milliards d'euros prévus en compensation par le Gouvernement.

À ces problématiques budgétaires s'ajoute la crise sanitaire liée au covid. La perte de recettes est estimée grosso modo à 7,5 milliards d'euros pour 2020, soit 3,2 milliards pour le bloc communal, 3,4 milliards pour les départements et 1 milliard pour les régions. Les prévisions sont au mieux identiques pour 2021. Ces pertes représenteraient plus de 20 % de l'épargne nette des collectivités selon notre collègue Jean-René Cazeneuve. L'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité – AMF – estime que le coût de la crise sanitaire s'élèvera pour les communes à 8 milliards d'euros sur trois ans, dont près de 6 milliards pour l'année 2020. Quant aux départements, ils vont probablement enregistrer à court terme une forte progression de leurs dépenses sociales, que ce soit pour le financement du RSA, pour la contribution aux tarifs des EHPAD ou encore pour le soutien aux associations et aux entreprises.

Actuellement, les départements assument 38 milliards d'euros de dépenses sociales, dont 11 milliards dédiés au RSA. Ces dépenses devraient connaître une hausse allant de 9 % à 14 %. Dès lors, la question de la prise en charge du RSA par le Gouvernement se pose. Le Premier ministre Jean Castex a d'ailleurs annoncé une expérimentation de sa prise en charge par l'État en Seine-Saint-Denis, un département qui va compter 90 000 bénéficiaires du RSA fin 2020, soit un budget de 500 millions d'euros pour ce seul poste de dépenses. C'est plutôt une bonne chose. Le groupe La France insoumise considère que cette renationalisation est positive et devrait être étendue à l'ensemble du territoire, en préservant cependant la capacité de gestion des départements.

Le gouvernement communique, dans le cadre du PLF, sur une hausse des concours financiers de l'État aux collectivités à hauteur de 1,2 milliard d'euros l'année prochaine, dont une augmentation de 1 milliard des crédits pour la rénovation thermique des bâtiments communaux et départementaux. Mais la dotation d'équipement des territoires ruraux, la dotation de soutien à l'investissement des départements et la dotation politique de la ville resteront globalement constantes par rapport à 2020.

Les tensions sont comme d'habitude importantes quand il s'agit de calculer les compensations promises par l'État. L'AMF estime que, sous couvert de plan de relance, le Gouvernement a réactivé son ancien projet de remplacement des recettes fiscales locales par des dotations de l'État, ce qui est considéré comme une forme de tutelle sur les collectivités puisque leurs ressources dépendront alors de plus en plus de sa seule décision.

Nous savons que les conséquences de la crise sociale, sanitaire et économique seront malheureusement durables, mais aussi que nos collectivités territoriales, qui sont en lien direct avec nos concitoyens, doivent disposer des fonds nécessaires pour y faire face. Or selon l'AMF, rien n'est prévu dans le PLF pour compenser au bloc communal les pertes tarifaires et les nouvelles dépenses induites par la crise que nous traversons.

En juin, Christophe Castaner, interrogé par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, reconnaissait que le binôme maire-préfet avait su montrer ses vertus et sortait renforcé de cette crise : « Les derniers mois ont montré au grand jour la complémentarité de nos actions et la pertinence du couple préfet maire pour répondre, au plus près du terrain, à la situation d'urgence » et pour faire face aux risques. Il sera désormais nécessaire de mettre en adéquation les paroles et les actes, notamment en matière budgétaire.

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