Intervention de Julien Aubert

Séance en hémicycle du vendredi 13 novembre 2020 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Après l'article 54

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Aubert, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Tout à l'heure, vous disiez également que mon amendement n'était pas très lisible. Or l'amendement du Gouvernement est imprécis sur certains points. Par exemple, le taux de rentabilité considéré comme représentant une rémunération raisonnable des capitaux peut prêter à discussion.

Je poserai quatre questions. Quel est l'objectif d'économies attaché à cette réforme ? S'agit-il de quelques dizaines de millions d'euros, de quelques centaines de millions d'euros ou de quelques milliards d'euros ? La réponse pourrait éclairer nos débats. Quel est le taux de rentabilité visé pour définir une rémunération raisonnable ? Cet amendement s'applique-t-il indifféremment aux centrales au sol et en toiture ? Enfin, de quelle façon la réforme s'appliquera-t-elle aux zones non interconnectées ?

Je suis donc favorable à cet amendement. J'en viens maintenant aux sous-amendements, que je vous propose de prendre par catégories d'argumentaires.

Une première catégorie porte sur les zones non interconnectées, avec bien sûr la question de savoir si l'on parle des territoires d'outre-mer ou des ZNI, si l'on inclut ou non la Corse. Comme je l'ai dit tout à l'heure, j'attendais de connaître les arguments des uns et des autres pour rendre un avis. Après avoir écouté mes collègues d'outre-mer, notamment Mme Bassire et M. Lorion, j'émettrai un avis favorable sur ces sous-amendements : en l'absence d'étude d'impact, ne pas prévoir de dérogation pour les ZNI risque d'aboutir à une catastrophe économique.

Les sous-amendements nos 3627 et 3568 , plus ou moins relatifs à la Commission de régulation de l'énergie, n'ont pas été examinés en commission. Le sous-amendement no 3627 propose de définir la date et le niveau de la révision des tarifs d'achat par un décret en Conseil d'État pris après avis de la CRE. Cette proposition ne semble pas utile, puisqu'elle retarderait de plusieurs mois l'engagement de la réforme. M. Orphelin en profite pour regretter que l'État envisage de construire six EPR, ce qui est assez éloigné, à mon avis, du coeur de l'argumentaire.

Le sous-amendement no 3568 , qui porte également sur la simplification du régime de traitement des demandes dérogatoires, présente un certain intérêt mais a un défaut rédhibitoire, puisqu'il exclut l'intervention de la CRE. J'y suis donc défavorable.

On pourrait rattacher les sous-amendements nos 3571 et 3578 à une forme de critique de la lisibilité du dispositif proposé. Le premier, qui n'a pas été examiné par la commission, fait état de « productible moyen observé depuis sa mise en service » et vise à compléter les conditions de traitement dérogatoire en définissant précisément la notion de viabilité économique. Je ne suis pas entièrement convaincu par ce sous-amendement, parce que la notion de conditions de fonctionnement est suffisamment large pour englober notamment le productible moyen depuis la mise en service. En revanche, je suis sensible à la notion de financements mutualisés, et c'est la raison pour laquelle j'ai proposé un sous-amendement visant à y répondre.

Le sous-amendement no 3578 propose de s'attaquer à la notion de financement en remplaçant la notion de capitaux immobilisés par la notion de capitaux investis. Cette notion est intéressante, puisqu'elle permet de traiter notamment la question des centrales solaires qui ont été cédées ou refinancées depuis la mise en service. Toutefois, je demande le retrait de ce sous-amendement parce que je considère que la formulation du dispositif n'est pas très claire et entraînerait de la confusion. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

Deux sous-amendements identiques, dont le mien – ce sont les sous-amendements nos 3573 et 3615 – visent à exempter les sociétés majoritairement détenues par des exploitants agricoles de la révision des tarifs de rachat prévue. Vous comprendrez bien qu'ayant déposé moi-même un sous-amendement sur ce sujet, j'y suis favorable.

Les sous-amendements nos 3536 et 3565 demandent que le Gouvernement remette une étude d'impact dans les douze mois suivant la promulgation de la présente loi. J'y suis défavorable, non parce que je suis défavorable à une étude d'impact, mais parce que l'étude d'impact ne doit pas être conduite après le vote de la loi. C'est pourquoi je préfère prévoir un processus dérogatoire pour les ZNI que voter une loi qui englobe les ZNI et m'apercevoir un an plus tard, au vu de l'étude d'impact, que la mesure n'était pas bonne.

Enfin, toute une série de sous-amendements que je qualifierai de « mécanos » visent à corriger la manière dont la machine doit fonctionner. Le sous-amendement no 3626 de M. Orphelin vise à protéger les petits producteurs de la révision du tarif de rachat en définissant un seuil minimal d'application à un niveau acceptable défini après avis de la CRE. Ce sous-amendement n'a pas été examiné par la commission. J'y suis défavorable, parce que la réforme a suffisamment tardé. Je rappelle que les contrats concernés coûtent 2 milliards d'euros de subventions publiques par an à l'État. Des échanges ont eu lieu avec la filière. Je rappelle à mes collègues que ce sujet n'arrive pas par hasard au Parlement. J'en avais parlé l'an dernier ; la Cour des comptes en a parlé et elle y est favorable ; la Commission de régulation de l'énergie en a parlé et elle y est favorable. Même si la manière dont cette question arrive au Parlement est un peu brutale, on ne peut pas considérer qu'il est urgent d'attendre. Si on attend 2035, effectivement le sujet aura disparu. C'est comme l'indemnisation des Harkis…

Le sous-amendement no 3625 est également un sujet de mécano avec le même argumentaire. Défavorable.

Le sous-amendement no 3577 vise à diversifier les options de réduction du tarif d'achat et à simplifier les demandes de dérogation. Ce sous-amendement est assez proche de ce que j'ai pu proposer, mais à la différence de mon sous-amendement, il ne prévoit pas d'autoriser le producteur à demander la résiliation du contrat moyennant indemnisation, ce qui me semble regrettable. Par ailleurs, il remplace la procédure de dérogation prévue par le deuxième alinéa par une procédure très simplifiée dans laquelle la CRE n'intervient plus, ce qui me semble regrettable. C'est pourquoi j'y suis défavorable. Cet avis vaut bien entendu pour les sous-amendements nos 3574 et 3567 , identiques au no 3577. Tous les sous-amendements qui visent à faire disparaître un rôle majeur de la CRE iraient à mon avis dans le sens d'une opacité dans la manière dont les décisions sont prises.

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