Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du lundi 16 novembre 2020 à 16h00
Conseil économique social et environnemental — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Nous nous en doutions, c'est aujourd'hui très clair. Derrière la réclame gouvernementale, la réalité se révèle bien décevante au milieu des ambitions affichées. En vérité, plus fondamentalement, c'est tout le logiciel de la macronie, cette monarchie jupitérienne engoncée dans les oripeaux d'une Ve République à bout de souffle, qui est hostile à toute respiration démocratique, comme l'illustre de manière assez frappante la crise actuelle, au milieu de laquelle nous débattons de ce texte qui apparaît totalement hors-sol.

Une nouvelle fois, ce projet de loi témoigne de l'hypocrisie présidentielle ; même en apparence, il n'est plus question d'écouter le peuple ou de respecter la démocratie. Alors que les citoyens et les citoyennes, alors que les salariés, mobilisés pour la justice fiscale, la défense des services publics, du climat, de la santé ou des retraites, l'alertent depuis trois ans sur l'urgence sociale, démocratique et écologique, et sur les mesures d'urgence à prendre, ce pouvoir n'a eu de cesse de répondre par un mépris dilatoire et par une escalade répressive et sécuritaire. Il a ainsi ignoré les demandes de la convention citoyenne sur le climat, comme celles concernant la renégociation du CETA – Comprehensive Economic and Trade Agreement, accord économique et commercial global – , la taxe de 4 % sur les dividendes pour financer la transition écologique, le moratoire sur la 5G, l'écotaxe sur l'aérien, la baisse de la TVA sur le train, l'interdiction de la publicité sur les produits polluants, ou l'obligation de rénover les logements privés d'ici à 2024 – tant et tant de sujets qui occupent pourtant beaucoup de place dans les débats, notamment ceux dudit CESE.

Sur le CESE également, aucune des demandes de la convention citoyenne n'a été véritablement satisfaite : ni consultation systématique au moment de la rédaction de projets et de propositions de loi, ni renforcement du caractère contraignant de ses avis, ni tirage au sort des membres permanents – même le nom n'a pu être révisé. Le mépris est en fait plus général, il atteint toutes les formes de démocratie, sanitaire, sociale et parlementaire ; c'est particulièrement frappant et choquant, lors même qu'il est urgent, en pleine crise – on l'a constaté – , de s'appuyer sur la mobilisation et l'intelligence collectives.

En matière de démocratie sanitaire, Emmanuel Rusch, président de la Conférence nationale de la santé, un parlement sanitaire consultatif qui réunit les différents acteurs du système de soins, souligne que depuis le début de la crise, « aucune des instances n'a été mobilisée par les pouvoirs publics, et quand elles se sont manifestées, leur parole n'a guère été prise en compte ». Gérard Raymond, président de France Assos Santé, qui regroupe quatre-vint-cinq associations d'usagers et usagères du système de soins, et représente à ce titre l'interlocuteur officiel des pouvoirs publics depuis 2016, indique que « la démocratie en santé a explosé dès le premier jour. Nous n'avons été associés ni au comité d'experts, ni à la décision de confiner. Nous n'avons pas été entendus sur le déconfinement et avons dû monter au créneau en urgence, fin août, alors que le projet de décret relatif au retour au travail des personnes vulnérables était déjà bouclé. »

Les exemples de ce type sont nombreux, qui illustrent en vérité toute la vacuité d'un texte avec lequel on prétend améliorer et réformer une instance de consultation, alors qu'au moment même où il faudrait justement se saisir de ces instances, en pleine crise, elles sont sans cesse méprisées, au profit du conseil de défense, dont ce n'est pas le rôle de délibérer sur les questions sanitaires ou écologiques, et qui pourtant donne un avis couvert par la loi du secret, et qui n'est responsable devant personne d'autre que le pouvoir lui-même. Au débat démocratique, ce pouvoir a préféré l'escalade répressive et sécuritaire, instrumentalisant même la crise pour refuser au Parlement de débattre. Ainsi en va-t-il des lois que nous discutons cette semaine même : le projet de loi relatif au code de la sécurité intérieure, il y a quelques instants ; demain, la proposition de loi sur la sécurité globale. Nous assistons à un verrouillage du continuum sécuritaire de la macronie, qui est l'antithèse absolue de ce que le Gouvernement et sa majorité prétendent faire aujourd'hui avec ce texte. En vérité, Gouvernement et majorité considèrent précisément le peuple et toutes les instances de décision démocratiques comme des instruments dangereux, qu'il s'agit de confiner.

Le groupe La France insoumise s'oppose à cette vision. Face aux enjeux de la bifurcation écologique et de la refonte démocratique, nous ne saurions cautionner un projet de loi organique qui s'apparente à un dérisoire ripolinage. Voilà pourquoi nous ne soutiendrons pas ce texte.

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