Intervention de Frédérique Vidal

Séance en hémicycle du mardi 17 novembre 2020 à 15h00
Programmation de la recherche — Présentation

Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation :

En présentant le projet de loi de programmation de la recherche au Parlement, au début de l'automne, j'étais venue, au nom du Gouvernement, proposer à la représentation nationale un projet d'avenir : celui de renouveler la confiance que notre pays a placée dans la science tout au long de son histoire pour se construire, pour accomplir ses promesses d'émancipation et de progrès, pour triompher des épreuves qui se présentaient à lui. C'est ce choix qu'a entériné la commission mixte paritaire réunie lundi dernier au Sénat. Grâce à l'accord auquel elle est parvenue, un nouveau pacte est sur le point d'être scellé entre la France et la science, à travers ce qui, j'en suis convaincue, est un grand texte – un texte majeur pour la recherche comme pour la société, car il rend à l'une un horizon et à l'autre un avenir.

Ce texte doit beaucoup à la concertation et au débat, en particulier aux débats qui se sont tenus à l'Assemblée nationale et au Sénat ces derniers mois. Je remercie tous ceux qui lui ont permis d'évoluer, de progresser et, désormais, d'aboutir : le président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, Bruno Studer, la rapporteure Danièle Hérin, les rapporteurs thématiques Pierre-Alain Raphan, Valérie Gomez-Bassac et Philippe Berta, et les rapporteurs pour avis, Francis Chouat et Richard Lioger. Votre travail rigoureux et exigeant, constructif et ouvert, a été d'une immense richesse.

Lorsque les discussions se sont ouvertes, en septembre, j'avais émis le souhait que l'esprit rationnel et libre de la recherche scientifique inspire nos échanges ; ce voeu a été exaucé et je tenais à vous en remercier tous. Nous pouvons collectivement en être fiers – fiers de la tenue des débats, dans une période où l'attention du monde entier se porte sur la recherche et les espoirs qu'elle suscite. Fiers aussi du texte qui vous est soumis aujourd'hui : grâce aux travaux de la commission mixte paritaire, nous disposons d'un projet de loi robuste, riche et équilibré qui harmonise les points de vue des deux chambres sans pour autant araser leurs apports respectifs.

La recherche ne se porte jamais aussi bien que lorsqu'elle est soutenue par une vision politique forte, et c'est cette vision que nous avons explicitée, partagée, affinée, consolidée durant près de deux ans de travail collectif, nourri par les rapports des trois groupes de travail constitués en février 2019, par les milliers de contributions de la communauté, par les dizaines de déplacements sur le terrain, les centaines d'heures de débat avec les instances consultatives concernées, enfin par des travaux parlementaires particulièrement constructifs.

Cette vision, j'ai déjà eu l'opportunité de la développer devant vous, aussi je ne m'y étendrai pas, sinon pour rappeler que la recherche est une force d'élucidation, d'invention, d'union dont il est inconcevable de se dispenser, aujourd'hui encore moins qu'hier. Comment avancer dans ce monde incertain sans faire la lumière sur sa complexité et sans démêler l'écheveau de ses énigmes ? Comment bâtir une société et une économie durables et résilientes sans aller chercher sur le front des connaissances des ruptures qui nous permettront de produire, de cultiver, de vivre autrement tout en favorisant la croissance de nos entreprises ? Comment retrouver le chemin d'une nation unie dans ses différences sans retrouver celui du débat éclairé, respectueux des faits établis et de la rationalité, porté par la démarche scientifique ?

Grâce au travail que nous avons accompli ensemble, cet idéal trop longtemps affiché sans avoir été concrétisé trouve enfin un point d'ancrage dans la réalité à travers une programmation ambitieuse et inédite, mais aussi soutenable et sincère. Cette programmation est, d'abord et avant tout, un texte de confiance entre l'État et les chercheurs, la science et la société. Le travail parlementaire a permis de l'approfondir encore davantage en apportant des garanties, des précisions, des enrichissements sur des points clés, au coeur des engagements pris sur le berceau de cette loi.

Nous avons promis à nos chercheurs de la visibilité : nous leur présentons une programmation claire, transparente, qui construit palier par palier, sur une décennie, une trajectoire à l'issue de laquelle la recherche disposera d'un budget minimal de 20 milliards d'euros par an, contre 15 aujourd'hui. Derrière cette vision macroscopique, il y a l'assurance, pour des milliers de chercheurs, que les travaux qu'ils lancent aujourd'hui pourront être soutenus jusqu'à leur terme – car dix ans, ce n'est certes pas l'unité de temps politique, comme cela a été suffisamment souligné, mais c'est bien l'unité de temps scientifique. En l'espèce, j'assume parfaitement d'avoir privilégié la seconde.

Nous devions aussi garantir que cette trajectoire reste en prise avec le réel, avec les évolutions de notre société, de notre économie. C'est pourquoi une disposition prévoit une actualisation de la programmation au plus tard tous les trois ans.

Enfin, ce qui fait la force et la crédibilité de cette trajectoire, c'est son articulation avec son environnement budgétaire national et européen, et sa synergie avec les autres ressources de la recherche française. Nous avons donc étendu la visibilité promise aux chercheurs aux autres moyens dont la recherche disposera durant la prochaine décennie, à commencer par le plan de relance. Comme nous avions promis aussi à nos chercheurs des moyens, grâce à l'accord trouvé lundi dernier en CMP, les moyens seront au rendez-vous dès 2021. Les crédits de base des laboratoires vont augmenter de 10 % à la rentrée prochaine et de 25 % à l'horizon 2023.

Parallèlement la montée en puissance du budget de l'ANR sera amorcée avec une hausse de 428 millions d'euros sur deux ans dans le cadre du plan de relance, de 186 millions supplémentaires en 2021 et 142 millions supplémentaires en 2022, pour atteindre un milliard d'euros par an en 2030. Je me réjouis que les travaux de la CMP aient permis d'intégrer cette nouvelle trajectoire au texte, consacrant ainsi l'effort réalisé en début de programmation. Cette évolution doit beaucoup à vos travaux.

Dans le même temps, le taux de succès aux appels à projet de l'ANR sera progressivement porté à 30 % pour rendre ces financements accessibles aux projets exploratoires, aux projets en prise directe avec les défis contemporains, et le préciput atteindra les 40 % pour pouvoir distribuer plus de 450 millions d'euros de crédits de base supplémentaires par an afin d'irriguer toutes les disciplines, bien au-delà des seules équipes lauréates. Ainsi, non seulement la programmation respecte la balance entre financements récurrents et financements sur projet, mais elle introduit de la solidarité dans la compétition et de la diversité dans l'excellence.

Redonner des moyens à notre recherche, ce n'était pas seulement mieux la financer, mais aussi faire émerger une nouvelle génération de scientifiques, prêts à la faire vivre et rayonner, car avant l'argent, le nerf de la recherche, ce sont les talents. La programmation donne aujourd'hui les moyens d'attirer les meilleurs. Le travail parlementaire consacre l'accord historique conclu entre le Gouvernement et les partenaires sociaux pour redonner aux rémunérations et aux carrières scientifiques l'attractivité qu'elles méritent.

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