Intervention de Frédérique Vidal

Séance en hémicycle du mardi 17 novembre 2020 à 15h00
Programmation de la recherche — Présentation

Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation :

En renforçant le nombre d'ingénieurs et de techniciens dans les laboratoires grâce à l'ouverture de postes supplémentaires de titulaires et à la création des CDI de mission scientifique, nous rendrons les chercheurs à la recherche, alors qu'aujourd'hui, ce sont parfois les doctorants qui pallient le manque de personnel technique. En augmentant les CRCT – congés pour recherches ou conversions thématiques – , les capacités d'accueil et les UF, ou unités de formation, en délégation au CNRS – Centre national de la recherche scientifique – , nous permettrons aux enseignants-chercheurs de retrouver un équilibre entre leurs deux missions.

Enfin, lorsque nous nous attachons à réduire la part des taches administratives dans le quotidien de la recherche, comme nous le faisons en rationalisant le paysage foisonnant des appels à projet, nous redonnons de l'air aux laboratoires et rendons aux chercheurs toutes les heures consacrées à remplir des formulaires administratifs.

Toutes ces promesses de temps, de visibilité et de moyens participent en réalité d'un engagement plus fort encore envers nos chercheurs : celui de leur rendre la place qui leur revient dans notre vie culturelle et économique. Là encore, le travail parlementaire a été déterminant en désignant deux polarités essentielles des rapports entre science et société : les libertés académiques et l'intégrité scientifique. La recherche, tout comme l'enseignement, est libre : libre de s'aventurer sur tous les territoires de la connaissance sans se soumettre à aucune autre autorité que celle de la science, de la raison et du doute critique. Ni la religion, ni la politique, ni même la société ne peuvent dicter à la recherche sa conduite. C'est la République qui est la garante des libertés académiques et, inversement, ce sont ces libertés qui font le lit de notre République. Il n'y a pas de démocratie robuste sans connaissances de pointe pour éclairer citoyens et décideurs. Le texte réaffirme ce lien indissoluble et nous donne les moyens de mieux le protéger.

L'article qui introduit le délit d'entrave n'est en rien une entaille dans la liberté de manifester des étudiants ou des personnels. Le dispositif introduit dans le texte n'apporte rien qui n'existe déjà dans notre arsenal juridique et pénal. Il ne concerne ni les étudiants ni les personnels des établissements. Puisque des doutes semblent persister quant à la portée de cet article, j'écrirai par voie de circulaire à l'ensemble des établissements pour rappeler que jamais la libre expression et la liberté de mobilisation, qui sont au coeur de la tradition universitaire, ne pourront être remis en cause.

Mais il nous faut collectivement condamner toutes les tentatives de censure ou de pression exercées de l'extérieur sur ce qui est à la fois le ciment et l'oxygène de la communauté scientifique : la liberté d'enseigner, de chercher, de débattre. Le paradoxe de la recherche est que cette liberté est tout autant un droit qu'un devoir. Non seulement la recherche peut, mais elle doit refuser d'être inféodée à tout autre intérêt que celui de la connaissance. Elle doit être constamment alignée avec les valeurs de la science, sans quoi elle se renie elle-même.

Cette intégrité est la base de la confiance que les citoyens accordent à la communauté scientifique. Il était donc essentiel de l'inscrire dans la loi, car tous les dispositifs que nous voulons construire pour favoriser le dialogue entre chercheurs et citoyens reposent sur ce socle. L'intégrité scientifique est aussi la condition de la coopération entre le monde académique et l'ensemble de la société. La dynamique de l'innovation est désormais bien connue : elle ne découle pas de la recherche de façon linéaire, comme un fleuve de sa source. Elle résulte du choc entre une culture académique vouée au progrès des connaissances et une culture entrepreneuriale vouée au développement d'un produit jusqu'au marché.

On se souvient de Jean Perrin rappelant que ce n'est pas en voulant guérir le cancer que Marie Curie a découvert le radium et l'on sait aussi que ce n'est pas en perfectionnant la bougie qu'on a inventé l'ampoule électrique. Ce n'est qu'en restant fidèle à elle-même, en repoussant le front de la connaissance que la recherche peut être une source d'innovation de rupture pour nos entreprises.

C'est pourquoi la programmation n'a pas vocation à soumettre nos laboratoires publics à des visées économiques, mais à favoriser les allers et retours entre les deux mondes en favorisant les mobilités des chercheurs et des doctorants, en renforçant les dispositifs de recherche partenariale qui ont fait leurs preuves, afin que puissent jaillir de ces rencontres, croisements et inspirations mutuelles les étincelles de l'innovation.

Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, le texte qui vous est soumis aujourd'hui n'exprime pas seulement un consensus politique. Il traduit la volonté renouvelée de notre pays d'investir massivement dans sa recherche, de confirmer les grands principes qui la guident tout en offrant des perspectives nouvelles à ceux qui la font. Je tiens à nouveau à remercier la représentation nationale, qui a permis à un tel texte d'aboutir. Cette loi de programmation vous doit énormément et je sais pouvoir compter sur chacun d'entre vous pour veiller à ce que tous les engagements pris soient respectés.

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