Intervention de Jennifer De Temmerman

Séance en hémicycle du mercredi 18 novembre 2020 à 15h00
Adaptation au droit de l'union européenne en matière économique et financière — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJennifer De Temmerman :

Le Conseil de l'Union européenne et le Parlement européen ont adopté plusieurs réformes essentielles dans le but de consolider le marché intérieur et le système financier européens ces dernières années. Le projet de loi que nous examinons en lecture définitive entend les transposer dans notre droit national.

Si nous n'avons pas d'objections majeures pour ce qui est de l'objet même du projet de loi, nous regrettons la méthode employée par le Gouvernement. Il a de nouveau fait le choix de recourir massivement aux ordonnances, non pas en raison de la technicité des sujets, comme j'ai pu l'entendre, mais bien à cause d'une mauvaise gestion du calendrier. Les retards accumulés au début du quinquennat pour assurer la transposition des directives européennes vous imposent d'agir dans la précipitation afin que la France soit à jour de ses obligations lorsqu'elle prendra la présidence du Conseil de l'Union européenne.

Ce faisant, vous dépossédez le Parlement de ses prérogatives de législateur – ce n'est pas la première ni la dernière fois – et vous nous privez de débats sur des enjeux clefs. Ajoutons que nous sommes contraints d'examiner ce texte à un moment où l'agenda législatif est déjà chargé, en raison de la crise sanitaire et de l'examen du projet de loi de finances pour 2021.

Quant à l'introduction en nouvelle lecture d'une habilitation à transposer par ordonnance la directive du 7 octobre 2020 concernant les marchés d'instruments financiers, elle ne respecte pas la règle de l'entonnoir et pourrait à ce titre être censurée par le Conseil constitutionnel.

Sur le fond, il serait illusoire d'aborder le projet de loi de manière exhaustive. Je m'en tiendrai donc à quelques points saillants.

Dans un premier temps, j'évoquerai les dispositions relatives à la protection des consommateurs, notamment dans le domaine numérique.

La traduction des directives européennes dans notre droit national permettra l'instauration d'une garantie de conformité pour les contenus et services numériques, l'interdiction du blocage géographique ou le renforcement de la lutte contre les faux avis en ligne. Ce sont autant d'avancées tangibles pour l'internaute français.

L'article 27, qui précise que tous les consommateurs devront désormais bénéficier d'un service d'accès adéquat à l'internet haut débit et à un service de communications vocales, fait lui aussi écho aux préoccupations de nos concitoyens. De trop nombreux Français attendent encore que le New Deal Mobile et le plan France très haut débit se concrétisent sur leurs territoires.

Dans le domaine du numérique toujours, l'article 4 bis, objet de discorde entre l'Assemblée et le Sénat, a provoqué l'échec de la commission mixte paritaire. Il prévoit entre autres des mesures d'encadrement des plateformes internet grâce à la neutralité des terminaux et l'interopérabilité des plateformes, ou encore à la lutte contre les acquisitions dites prédatrices. Ces préoccupations sont légitimes et les sénateurs s'honorent à proposer des solutions concrètes. Toutefois, il nous semble que le Digital Services Act, négocié à l'échelle européenne, sera un vecteur plus efficace pour traiter de ces sujets.

Le deuxième point que j'aimerais aborder est la transposition des directives relatives au secteur audiovisuel. Elles contiennent des mesures essentielles, qui touchent à la rémunération proportionnelle des auteurs, au partage de la valeur avec les plateformes ou encore à la contribution au financement d'oeuvres françaises des chaînes et plateformes étrangères ciblant la France. Nous veillerons tout particulièrement au contenu des ordonnances et des décrets pris en application de la directive SMA. Ceux-ci devront rechercher un équilibre entre toutes les parties prenantes afin de préserver et de favoriser la diversité culturelle.

Un mot maintenant des dispositions financières. Plusieurs harmonisations à l'échelle de l'Union européenne sont les bienvenues. Je pense, par exemple, à l'utilisation d'informations financières pour prévenir des infractions pénales, notamment en matière de terrorisme ou de blanchiment d'argent. D'autres correspondent à des projets européens essentiels, tels l'union bancaire ou l'union des marchés de capitaux.

Je finirai avec les mesures relatives aux vétérinaires. Nous espérons que l'harmonisation n'aura pas pour conséquence un nivellement par le bas des normes, a fortiori dans un pays comme le nôtre qui excelle en la matière. Quant aux dispositions visant à lutter contre la désertification vétérinaire, nous espérons qu'elles auront plus d'efficacité que celles visant à lutter contre la désertification médicale.

En dépit de quelques interrogations et, pour rester polie, du désagréable sentiment d'avoir été dessaisis de notre rôle de législateur par un recours excessif aux ordonnances, le groupe Libertés et territoires votera en faveur de ce projet de loi.

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