Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du mercredi 18 novembre 2020 à 21h00
Sécurité globale — Article 1er

Gérald Darmanin, ministre :

J'émets un avis défavorable, mais pas par principe. La question que vous posez est importante, mais elle n'est pas, me semble-t-il, dans l'esprit de la proposition de loi.

Nous avons fait collectivement le choix, en matière de sécurité, de la possibilité d'une intercommunalité générale de la police. Mais comme ce choix peut se discuter, j'en dirai quelques mots.

La proposition de loi, tout d'abord, en limite les effets, sauf pour les centres de supervision urbains puisque le contrôle des images de vidéosurveillance peut être délégué au niveau intercommunal. Vous partez de l'idée que le pouvoir de police pourrait, outre l'affectation même des agents, être délégué à l'intercommunalité. Une telle délégation est déjà possible en matière de transports dans quelques agglomérations, notamment à Orléans, où Serge Grouard – qui a d'ailleurs a été réélu maire – , a été le premier, avant même le vote de la loi Savary, à créer une police intercommunale des transports ; mais les lignes de transport, par nature, vont au-delà des limites communales. L'idée que le pouvoir de police, celui de constater des faits qui contreviennent à la tranquillité publique et au code général des collectivités locales, relève de l'intercommunalité – et c'est bien ce que propose votre amendement – signifie que l'on pourrait, par convention, déléguer à quelqu'un, à d'autres maires ou à une autre autorité, ce pouvoir de police. Ce serait alors autre chose que le pouvoir de police municipale.

Deux écueils juridiques, profonds, devraient être levés si nous allions vers cette possibilité, même par la voie de conventions. Le premier, c'est qu'on partirait du principe que le maire, seul agent délégué de l'État, seul représentant du préfet, si l'on adopte une terminologie antérieure à 1982 – même le président de l'intercommunalité n'agit pas au nom de l'État : il n'est que le président d'un organe délibératif, contrairement au maire qui exerce les deux fonctions – , le maire, donc, devrait être aussi le président de l'intercommunalité, ce à quoi l'Association des maires de France, en tout cas dans une large majorité, s'oppose résolument.

Deuxièmement, le maire, en tout cas dans le principe, est un OPJ, un officier de police judiciaire – même si l'on dit parfois qu'il est plutôt un « assistant » de police judiciaire. Or ce que vous proposez voudrait dire qu'il abandonne ce pouvoir d'OPJ, seule grande compétence qui lui reste, avec l'urbanisme – et encore cette compétence-ci est partagée – , lorsque sa commune est intégrée à une intercommunalité forte. Lui retirer ce pouvoir de police – même si j'ai bien compris qu'il ne l'abandonnerait, aux termes de vos propositions, que de manière volontaire et non contrainte – poserait le problème de l'existence même de la commune, donc, également, de la compétence de l'intercommunalité et de la force qu'on lui donne. Si je puis me permettre, madame Ménard, cela voudrait dire que vous acceptez l'idée que le suffrage universel direct s'exprime pour l'intercommunalité, car celle-ci aurait alors presque tous les pouvoirs : l'économie, les transports, l'assainissement, le logement, le développement durable et, désormais, la sécurité aussi, dernier grand pouvoir qui reste l'apanage du maire.

Mon opposition est vraiment de principe : elle porte sur la compétence du pouvoir de police délégué à l'agent qu'est le maire, dans un cadre seulement municipal. Je crois que l'Association des maires de France souhaite conserver ce schéma. Viendra peut-être un jour madame Ménard, où, compte tenu de la taille de certains bassins de délinquance, on acceptera l'idée que l'intercommunalité ait elle aussi des pouvoirs de police. Je vous invite à y réfléchir, et pour ma part je vous promets de le faire, comme j'invite à la réflexion sur sur la légitimité des élus intercommunaux, qui ne sont pas élus au suffrage universel direct.

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