Intervention de François Pupponi

Séance en hémicycle du lundi 23 novembre 2020 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2020 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi :

En première lecture, le groupe Libertés et territoires s'était abstenu sur ce quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020. Si nous considérons que les dispositifs d'urgence sont utiles, voire nécessaires pour atténuer la violence du choc économique, les retours du terrain mettent en lumière des difficultés, des insuffisances et des manques dans plusieurs domaines.

D'une manière plus générale, les discussions à l'Assemblée nationale et au Sénat montrent la nécessité de certaines adaptations, notamment sur la mécanique des fonds de solidarité, qui doit être améliorée pour mieux aider les travailleurs indépendants et autres petites entreprises à couvrir leurs charges fixes : le ministre Bruno Le Maire a fait des déclarations en ce sens, dont nous attendons la concrétisation dans les prochains textes budgétaires.

Une approche fondée sur la perte de chiffre d'affaires plutôt que de nature sectorielle nous semblerait préférable. Elle aurait le mérite d'éviter les trous dans la raquette. Pour les petits commerces, la création, dans le PLF pour 2021, d'un crédit d'impôt incitant les bailleurs à annuler une partie des loyers ne nous paraît pas répondre aux difficultés. C'est une avancée, mais nous craignons une vague de défaillances plus forte avec le second confinement. Alors que les géants de la distribution et de la vente en ligne sont les grands gagnants de la crise, les petits commerces semblent bien seuls. Nous regrettons que notre amendement, déposé en première lecture, instaurant une contribution exceptionnelle des entreprises du e-commerce ait été repoussé, alors qu'il instaurait une mesure d'équité. Ce week-end, nos collègues sénateurs ont pris l'initiative de créer des contributions exceptionnelles pour les secteurs du e-commerce et de l'assurance dans le cadre du budget pour 2021.

Dès le printemps, nous avions dit que l'engagement des acteurs de l'assurance n'était pas à la hauteur. Nous avions proposé des améliorations pour prendre en charge les pertes d'exploitation subies par les entreprises, notamment dans les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration. À cet égard, madame la secrétaire d'État, nous avons appris que certains assureurs résiliaient unilatéralement et avant leur terme les contrats qui prévoyaient une prise en charge de la perte d'exploitation.

Se pose la question du financement des mesures des quatre budgets rectificatifs pour 2020 et du budget initial pour 2021. Nous devons avoir ce débat, car il n'existe pas d'argent magique, même en période de pandémie. À ce jour, les 186 milliards d'euros qu'a coûtés cette crise – 100 milliards de pertes de recettes et 86 milliards de mesures d'urgence – sont très majoritairement financés par l'emprunt. Nous ne pouvons pas occulter plus longtemps la question suivante : à la fin, qui paiera ? Je ne crois pas qu'un retour potentiel à de meilleurs cieux économiques rétablira, à lui seul, les finances publiques.

Nous devons également nous pencher à nouveau sur le soutien aux collectivités locales : je regrette que le texte final n'ait pas conservé certains apports du Sénat dans ce domaine : je pense notamment à la dotation au bloc communal pour compenser les dépenses supplémentaires liées à la crise. Tôt ou tard, nous devrons retravailler ensemble cette question, car le PLF pour 2021 n'y répond que partiellement. Un nouveau budget rectificatif pourrait être présenté au début de l'année 2021, notamment pour les collectivités locales : pouvez-vous, madame la secrétaire d'État, nous le confirmer ?

En attendant, nous nous satisfaisons de l'article 10 nouvellement créé concernant la vacance remboursable faite aux AOM pour compenser leurs pertes de recettes.

Nous avons, a contrario, souligné le peu de dispositions pour les ménages fragiles ou précaires, même si des mesures sont proposées, alors que la crise actuelle accroît dangereusement les inégalités sociales. Ainsi, sur les 20 milliards d'euros prévus, 1 milliard, soit 5 % des mesures d'urgence, sera destiné aux plus pauvres. Trop peu de crédits sont également alloués aux associations qui les accompagnent, alors que nous connaissons leur importance sur le terrain. Une étude du Secours catholique prévoit que le nombre de personnes pauvres dépassera la barre des 10 millions en France.

Je veux également évoquer le manque de mesures pour les villes et les quartiers dits populaires. Il y a une dizaine de jours, une centaine de maires ont interpellé le Président de la République à ce sujet : leurs propositions réservaient 1 % du plan de relance, soit 1 milliard d'euros, aux urgences constatées dans des quartiers en grande souffrance. Visiblement, d'après les maires qui ont rencontré le Premier ministre ce matin, celui-ci aurait accepté d'accorder ce milliard d'euros : si cet engagement était confirmé, quand et comment cette enveloppe serait-elle attribuée aux collectivités ?

Je souhaite que la navette du PLF pour 2021 permette des avancées : il y va de la cohésion des territoires et de notre pays.

Certains députés du groupe Libertés et territoires, estimant que les modifications apportées au Sénat ne sont pas suffisantes, persisteront dans l'abstention, quand d'autres, dont je fais partie, constatant certaines avancées au Sénat et à l'Assemblée, se prononceront en faveur de ce quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020.

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