Intervention de Caroline Fiat

Séance en hémicycle du lundi 23 novembre 2020 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Fiat :

Interrogez-vous : cette logique n'a-t-elle pas assez duré ?

J'ai beaucoup parlé du monde de la santé, mais je n'oublie pas que les temps sont durs pour beaucoup. Nous apprenions il y a quelques jours qu'en seulement un mois, le nombre de dépressions avait doublé, tout particulièrement chez les personnes les plus précaires. Je tiens à témoigner notre solidarité à toutes ces personnes : aux intérimaires, aux sans-abri et aux étudiants, qui ne bénéficient ni des minima sociaux ni du chômage partiel ; aux chefs de petites entreprises, aux artisans, aux commerçants, aux artistes, qui voient leurs revenus fondre, et à tant d'autres. Je veux leur dire que les jours heureux reviendront. Et, devant l'augmentation des suicides chez les personnes touchées de plein fouet par la crise, je veux dire, ici, à ce Gouvernement qui ne fait rien pour redistribuer les richesses, ces quelques paroles de Victor Hugo : « [… ] je dis que ce sont là des choses qui ne doivent pas être ; je dis que la société doit dépenser toute sa force, toute sa sollicitude, toute son intelligence, toute sa volonté, pour que de telles choses ne soient pas ! Je dis que de tels faits, dans un pays civilisé, engagent la conscience de la société tout entière ».

Alors que nous traversons une crise sanitaire à laquelle personne n'était préparé, avec un hôpital en ruine et des soignants épuisés, vous proposez un PLFSS qui préfère l'esprit de responsabilité budgétaire à l'exigence de reconstruire notre système de soins. D'un texte creux, vous faites une success story en l'habillant d'adjectifs : exceptionnel, historique, jamais vu, inédit, protecteur, solidaire, tourné vers l'avenir…. Vous pensez avoir fait le boulot en ayant mis en place ces confinements successifs, ces restrictions de libertés, de culture, de société ! Nous sommes privés de tout parce que vous renoncez à tout. Comment pouvez-vous vous satisfaire de la formidable résistance de nos hôpitaux et de nos soignants à l'occasion de la première vague ? Ce rempart humain, humaniste et engagé tiendra encore pour la deuxième vague, mais jusqu'à quand ? Ce sont eux, le personnel hospitalier et les soignants, qui sont exceptionnels, protecteurs et solidaires, pas vous, avec votre Ségur raté et un PLFSS qui passe à côté du moment que nous vivons.

Pour preuve, tandis que le Premier ministre visitait l'hôpital de Brest vendredi dernier, les syndicats ont été retenus de force alors qu'ils voulaient lui remettre un courrier dans lequel ils lui faisaient part des difficultés rencontrées par le personnel, la dégradation des conditions de travail ou encore la situation des exclus de la santé. Tout va bien, circulez, puisqu'on vous dit que le Ségur est exceptionnel ! Ce n'est quand même pas le personnel hospitalier qui va nous dire qu'il y a des problèmes à l'hôpital ! Du mépris, encore du mépris, toujours du mépris : la guerre, vous ne la déclarez pas au virus, vous la déclarez aux Français. Que ferez-vous à l'arrivée d'une troisième vague ? Un audit comptable ?

Notre hôpital ne va pas bien ; nos EHPAD ne vont pas bien ; nos établissements sociaux et médico-sociaux ne vont pas bien ; nos soignantes et nos soignants ne vont pas bien ; nos étudiantes et nos étudiants ne vont pas bien ; les Françaises et les Français ne vont pas bien. En revanche, ah oui, Amazon va bien ; les assureurs vont bien ; l'industrie pharmaceutique va bien ; la grande distribution va bien. Voilà la conséquence de votre gestion, voilà l'injustice de La République en marche, voilà ce que l'histoire retiendra de votre passage aux manettes de ce grand pays qu'est la France. Vous et votre gouvernement êtes les garants de la sainte trinité des libéraux : le libre-échange généralisé, la concurrence libre et non faussée, l'austérité budgétaire. Mais jamais vous n'êtes à la hauteur des enjeux.

Contrairement à vous, qui prenez trop à la lettre les mots de Margaret Thatcher quand elle disait : « La société n'existe pas, seuls valent les individus », nous pensons que c'est ensemble que nous y arriverons, que la liberté a une telle valeur qu'elle ne peut être prise en otage par le défaut de moyens des hôpitaux, que la pauvreté et la misère sont les vrais maux qu'il faut combattre et que l'excellence de la recherche et de l'université sont les garanties qui permettent de trouver les solutions, quand un virus comme le covid-19 vient frapper à la porte de notre société. Nous pensons que l'esprit d'entraide et de collaboration scientifique prévaut sur la concurrence des firmes pharmaceutiques, engagées dans une course dont la ligne d'arrivée est tracée par une courbe de valorisation boursière.

Vous nous dites qu'il n'y a pas d'argent magique. Mais, pour la première fois dans l'histoire, le financement de la sécurité sociale proviendra davantage de l'impôt que des cotisations sociales. Vous réorganisez ce budget en répartissant l'argent du travail et des pauvres gens sans jamais imaginer de faire participer le capital et les grands possédants. Ce n'est pas une politique de la santé, c'est un dogme ; voilà ce qui nous différencie. Par responsabilité, nous avons proposé des amendements pour tenter de répondre à l'attente des Français ; par irresponsabilité, vous n'avez rien écouté, vous n'avez rien retenu, vous avez tout rejeté. Voilà pourquoi nous soumettons à la représentation nationale une motion de rejet préalable d'un texte qui exprime, par son esprit et dans sa lettre, tout son mépris aux soignants, sacrifiés sur l'autel de votre aveuglement.

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