Intervention de Vincent Ledoux

Séance en hémicycle du jeudi 26 novembre 2020 à 15h00
Accès au vaccin contre le covid-19 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVincent Ledoux :

« Je me sens pénétré de deux impressions profondes : la première c'est que la science n'a pas de patrie, la seconde, qui paraît exclure la première, mais qui n'en est pourtant qu'une conséquence directe, c'est que la science doit être la plus haute personnification de la patrie. La science n'a pas de patrie, parce que le savoir est le patrimoine de l'humanité, le flambeau qui éclaire le monde. La science doit être la plus haute personnification de la patrie parce que de tous les peuples, celui-là sera toujours le premier qui marchera le premier par les travaux de la pensée et de l'intelligence. Luttons donc dans le champ pacifique de la science pour la prééminence de nos patries respectives. »

Ces paroles puissantes, mes chers collègues, sont celles de Louis Pasteur. « La science n'a pas de patrie parce que le savoir est le patrimoine de l'humanité, le flambeau qui éclaire le monde » : cette opinion terriblement puissante, le savant la formulait invariablement et catégoriquement en réponse à ceux qui lui demandaient si le double culte de la science et de l'humanité exige que l'on sacrifie au préalable l'amour de la patrie.

Mes chers collègues, la véritable question que pose la proposition de résolution que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui au nom du groupe Agir ensemble, est la suivante : saurons-nous, face à la pandémie, ne pas trahir le testament spirituel du grand savant, dont la part du coeur fut très large tout au long de son oeuvre ? Car pour faire à l'humanité tout le bien que lui a fait Pasteur, la condition essentielle est d'aimer passionnément l'humanité. Hélas, nous avons tous encore en mémoire les images glaçantes de la diplomatie des masques, à même le tarmac de nos aéroports internationaux, désespérée et désespérante. Mais comme l'a affirmé le chef de l'État dans son adresse de mardi soir, toute crise comporte une part de progrès et d'espérance.

C'est cette part d'espérance que nous allons porter haut et fort ce soir, par cette résolution. Le vaccin anti-covid est bien une lueur d'espoir qui doit briller pour tous, en tous points de la planète, que l'on soit riche ou pauvre ; il doit être universel. Or nous sommes encore bien loin. Il est fort à craindre que de nombreuses parties du globe seront privées d'accès aux vaccins, soit parce que ceux-ci seront trop chers, soit parce qu'ils ne seront pas produits en quantité suffisante pour fournir l'ensemble de la planète. Selon l'Organisation mondiale de la santé – OMS – , le stock initial de vaccins ne sera pas suffisant pour couvrir les 20 % de personnes les plus à risque au sein de la population mondiale, la majeure partie des doses étant captée par les pays les plus riches. Ayons à l'esprit le fait que 80 % des vaccins en cours de développement aujourd'hui ont déjà été vendus aux pays les plus riches, c'est-à-dire à 15 % de la population mondiale.

En effet, les laboratoires engagés dans la course aux vaccins n'ont pas, à ce jour, les capacités de production permettant de couvrir les besoins de l'ensemble de la population mondiale. Il est essentiel que les savoir-faire et la propriété intellectuelle soient partagés pour que d'autres producteurs puissent développer des génériques et donc produire davantage, à prix plus accessible, pour les pays les plus pauvres de la planète.

La pandémie, qui a déjà tué plus d'un million de personnes, se double par ailleurs d'une grave crise économique qui accroît encore la pauvreté. La France, grand pays des droits de l'homme, doit prendre aux côtés de l'Europe la tête d'un grand combat moral et éthique contre la pauvreté pharmaceutique, en favorisant l'accès aux nouveaux vaccins dans le monde. C'est l'un des objectifs de l'initiative ACT-A – Access to COVID-19 Tools Accelerator, dispositif pour accélérer l'accès aux outils de lutte contre la COVID-19 – , impulsée par la France et par l'OMS. Ailleurs, le combat contre la covid-19 s'ajoute aux luttes contre d'autres maladies mortelles comme la tuberculose, qui tue plus d'un million de personnes par an, ou le paludisme, qui en tue près de 400 000 dont 94 % en Afrique. Ce triste bilan pourrait hélas doubler selon certaines prévisions. Et ce sont les enfants qui payent le plus lourd tribut, car plus des deux tiers des décès concernent des enfants de moins de 5 ans.

Alors, mes chers collègues, invitons le Gouvernement à proposer par l'intermédiaire de l'OMS un dispositif adéquat en vue de racheter le brevet du futur vaccin, de manière à le rendre accessible à toute l'humanité et, le cas échéant, à indemniser raisonnablement les investissements privés consacrés à sa recherche, en prenant en compte les investissements publics déjà réalisés pour le développement des vaccins.

Invitons le Gouvernement à établir la transparence sur les aides et financements publics, compte tenu des sommes importantes investies par les États dans le développement des vaccins, mais également sur les coûts de production et de recherche et développement des laboratoires, ce qui permettra aussi d'accompagner le consentement à la vaccination à venir.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.