Intervention de François-Michel Lambert

Séance en hémicycle du jeudi 26 novembre 2020 à 15h00
Communauté méditerranéenne des énergies renouvelables — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert :

Nous déplorons que ce berceau de civilisations, d'empires puissants, ce théâtre de guerres dévastatrices mais surtout cette route millénaire pour les cultures, le commerce, les savoirs, la mer Méditerranée ait été depuis maintenant plusieurs décennie, au mépris de son histoire millénaire, érigée en frontière plutôt qu'en voie de rapprochement des peuples. Des initiatives récentes sont certes à noter – partenariat Euromed, Union pour la Méditerranée, coopérations décentralisées – mais elles demeurent beaucoup trop timides ou beaucoup trop politisées.

Dans le même temps, six ans après la fin de la deuxième guerre mondiale et de l'affrontement entre l'Allemagne et la France – et bien au-delà – , les États européens surmontaient leurs divisions et écrivaient une nouvelle page de leur histoire, créant en 1951 la Communauté européenne du charbon et de l'acier, la CECA. Leur motivation était double : économique, l'acier et le charbon étant la base de l'industrie de l'énergie en France, en Allemagne, en Europe ; politique car la CECA, en liant les États au sein d'un marché unique, empêchait l'éclatement d'un nouveau conflit. Soixante-dix ans plus tard, nous pouvons nous féliciter de la période de paix qui s'en est suivie et qui perdurera.

Aujourd'hui, le groupe Agir ensemble, à l'initiative de notre collègue M'jid El Guerrab – que je salue et remercie – , qui, par son action de député, s'attache à retisser le lien entre les deux rives de la Méditerranée, propose que nous renouvelions l'expérience en soutenant l'essor des énergies renouvelables. Les motivations sont, à peu de choses près, les mêmes : économiques, car la transition énergétique est l'un des piliers de la croissance verte ; politiques, car la création d'un projet commun permettrait de surmonter les tensions géopolitiques entre les pays du pourtour méditerranéen.

À cela vient s'ajouter une nouvelle dimension, la dimension écologique. La Méditerranée est particulièrement vulnérable face au dérèglement climatique. Elle se réchauffe 20 % plus vite que le reste du globe, et nous en voyons poindre les conséquences : sécheresse extrême, inondations dues à des pluies intenses, avancée du désert. Les deux rives sont menacées par ce que j'appellerai les dix plaies d'Égypte de notre temps : l'érosion des sols, la disparition des terres agricoles et de la biodiversité, la dégradation des forêts, la recrudescence des incendies, l'arrivée d'espèces invasives, la multiplication des pathogènes et des pollutions, notamment de la pollution plastique : la mer Méditerranée pourrait devenir une mère morte dans quelques dizaines d'années, tuée par le plastique.

Le réchauffement climatique ne connaît pas de frontières ; nous ne pouvons pas le limiter sans une action collective. C'était d'ailleurs et c'est toujours l'ambition de l'accord de Paris : un certain nombre d'États, dont ceux visés par cette proposition de résolution, se sont engagés à cette occasion à limiter la hausse des températures en dessous de 2 degrés, voire 1,5 degré, d'ici à la fin du siècle. Les intentions sont là, des deux côtés de la Méditerranée, mais il faut aller plus loin.

L'Union européenne s'est fixé comme objectif d'atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050. Le Maroc, pour ne citer que lui, ambitionne de porter la part des énergies renouvelables dans sa production énergétique à plus de 52 % dès 2030. La Tunisie, pour sa part, démarre sa transition : la production d'électricité de sa première centrale photovoltaïque, inaugurée à Tozeur en septembre 2019, pourra assurer 14 % de la consommation annuelle de la région.

Tous l'ont compris, le renforcement du rôle des énergies renouvelables, de l'efficacité énergétique, n'est plus un choix, c'est une nécessité. En revanche, force est de constater que les investissements ne sont pas à la hauteur, ni les volontés politiques, qui aujourd'hui ne s'affirment pas pleinement, alors que les opportunités existent et qu'elles ne sont pas saisies. La mise en oeuvre d'une communauté méditerranéenne des énergies renouvelables pourrait permettre de changer d'échelle et d'accélérer la transition énergétique des deux côtés de la Méditerranée. Cela serait un signe majeur pour l'ensemble de la planète que les peuples peuvent s'unir pour affronter ensemble les dangers à venir.

Je ne suis pas naïf pour autant : je sais que la réussite d'un tel projet suppose que certaines conditions préalables soient réunies. Du côté des pays du sud et de l'est de la Méditerranée, les interconnexions sont encore à mettre en place. Un réseau électrique transméditerranéen plus fluide est nécessaire pour supporter les échanges dans les deux sens et permettre de gérer un accroissement massif de la production d'électricité d'origine renouvelable, notamment photovoltaïque.

Il conviendrait en outre de trouver un compromis avec des pays clés en matière de transit nord-sud, notamment l'Espagne et l'Italie, dont les marchés souffrent aujourd'hui de problèmes de surcapacité et qui sont plutôt méfiants sur ces enjeux.

Reste enfin à définir les contours de cette structure de coopération régionale renforcée : se limitera-t-elle à mutualiser certains efforts de recherche ou son objectif sera-t-il de mettre en oeuvre un véritable consortium industriel ?

Parce que nous souhaitons faire preuve d'imagination et d'ambition et que nous voulons être à la hauteur des enjeux politiques, économiques, environnementaux du bassin méditerranéen, mon groupe votera en faveur de cette proposition de résolution, qui constitue pour nous un premier pas vers une communauté de destin. Ayons l'audace d'une ambition humaine partagée. Je renouvelle mes remerciements à notre collègue M'jid El Guerrab.

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