Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du lundi 30 novembre 2020 à 16h00
Amélioration du système de santé par la confiance et la simplification — Présentation

Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé :

J'ignore si c'est une passerelle entre le monde d'avant et le monde d'après, mais j'ai la faiblesse de penser que nous construisons ensemble des fondations solides pour relever les immenses défis qui nous attendent.

Si le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 permet, par une mobilisation financière inédite notamment, de consolider les premiers engagements du Ségur de la santé, celui-ci franchit à nouveau les portes du Parlement parce que s'il était indispensable de donner la parole aux soignants, il ne l'est pas moins que les représentants de la nation s'emparent d'un sujet qui concerne tous nos concitoyens.

La proposition de loi de la députée Stéphanie Rist est l'occasion de cette rencontre entre le Parlement et le fruit de la délibération du Ségur de la santé. Ce texte doit permettre au Parlement d'affiner, de préciser et de renforcer les engagements pris cet été. Je remercie Stéphanie Rist de s'être emparée du sujet et chacune et chacun d'entre vous pour le travail d'enrichissement et de consolidation qui a été le vôtre en commission et qui le sera encore, je l'espère, dans cet hémicycle. L'occasion est en effet donnée à la représentation nationale de poser une pierre supplémentaire et essentielle à l'édifice du Ségur. C'est d'autant plus légitime qu'on sait ce qu'a été depuis le début la mobilisation des parlementaires dans la tempête que nous traversons. Affiner, préciser, renforcer : voilà le triptyque qui doit nous guider à l'heure où commence l'examen de cette proposition de loi. Son champ concerne les aspects organisationnels du quotidien des acteurs publics de la santé, qu'il s'agisse de simplifications, de libertés et de marges de manoeuvre laissées à ceux qui savent mieux que personne comment s'organiser. Ils nous l'ont d'ailleurs montré tout au long de la crise sanitaire.

Voir, c'est voir ; faire c'est savoir, dit un proverbe. Au cours de la crise sanitaire, le service hospitalier s'est révélé être l'échelon de proximité indispensable aux équipes soignantes, celui qui fait sens pour tous les acteurs de l'hôpital. J'ajoute que la médecine de ville n'a pas été en reste, et elle le montre encore tous les jours – le lien ville-hôpital, en particulier, a été considérablement renforcé à cette occasion.

Aussi le Ségur a-t-il préconisé la réhabilitation du rôle et de la place du fameux « service » au sein de l'hôpital, pour mettre fin aux excès de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite HPST, en reprenant notamment une préconisation du rapport du professeur Claris. Le « service hospitalier », auquel était attaché tout le secteur hospitalier, avait disparu en 2008 ; nombreux étaient ceux qui le regrettaient.

La proposition de loi répond également à une revendication ancienne formulée par les acteurs locaux, renforcée par la crise sanitaire : ils souhaitent disposer d'une plus grande liberté d'organisation interne des établissements de santé. La crise a montré que les collectifs de soins savent s'adapter, s'organiser et surmonter des situations très sensibles sans attendre un accord, une validation ou un feu vert venu d'en haut. Si, au sein d'un l'hôpital, les communautés sont d'accord pour adapter l'organisation, pour choisir une gouvernance différente de celles d'autres établissements, qu'est-ce qui justifierait de les en empêcher ?

Nous devons continuer à progresser en matière de démocratie hospitalière. Le texte propose de faire siéger au directoire des établissements publics un représentant des personnels non médicaux, un représentant des étudiants en santé et un représentant des usagers. On peut se demander pourquoi ils n'y siègent pas déjà, car cela semble aller de soi ; pourtant, aujourd'hui, ils en sont absents. Cette présence au sein du directoire, nous la devons aux personnels paramédicaux, aux étudiants et aux usagers, parce que, quand il s'agit de prendre des décisions, il faut que l'expérience vécue, quelle qu'elle soit, ait sa place.

J'en viens à la lutte contre le « mercenariat », dans laquelle s'est engagé le Gouvernement – ce sujet était déjà au coeur du plan « investir pour l'hôpital », lancé par ma prédécesseure. Les excès de l'intérim médical peuvent en effet désorganiser l'offre de soins dans les territoires et mettre à mal les finances des hôpitaux. La proposition de loi permet, une fois pour toutes, de rendre effectif le plafond réglementaire de l'intérim médical en obligeant le comptable public à rejeter tout paiement qui le dépasserait. En la matière, on rencontre des situations proprement scandaleuses, même si toutes ne le sont pas. Pour qui connaît la vie d'un service, c'est aussi et surtout une plaie qui mine la cohésion de toute une équipe. Je me bats sur ce sujet depuis de nombreuses années : en tant que jeune parlementaire, en 2013, mon premier rapport portait sur l'emploi médical temporaire à l'hôpital public et plusieurs propositions ont été faites par la suite sur ce sujet. Aujourd'hui, je suis très reconnaissant à Stéphanie Rist d'avoir identifié le bon levier, me semble-t-il, pour mettre un terme à certaines pratiques excessives.

La proposition de loi renforce un certain nombre de mouvements nés cet été avec le Ségur de la santé, comme l'extension du champ de compétence de certaines professions – je pense par exemple aux sages-femmes, mais aussi aux masseurs-kinésithérapeutes. Permettre aux membres de professions comme celles-là d'accomplir des actes qui leur étaient jusqu'alors impossibles, c'est faire le choix de la confiance et de l'efficacité ; c'est faire le pari que notre système de santé ne relèvera pas les défis qui l'attendent en s'effrayant des guerres de chapelle et en respectant les prés carrés.

Je me réjouis que le Ségur de la santé se poursuive dans l'hémicycle – c'est, en quelque sorte, un Bourbon de la santé que vous engagez aujourd'hui. Les enjeux sont clairs : il faut trouver ensemble les voies et moyens par lesquels les mesures décidées l'été dernier trouveront à s'appliquer concrètement sur le terrain, dans les territoires, dans chaque service hospitalier de France.

Parce que, depuis des mois, j'ai visité un très grand nombre de services hospitaliers en parcourant le territoire, je peux vous dire que les attentes sont très fortes de la part d'équipes qui nous ont dit ceci : vous nous avez fait confiance pour gérer la plus profonde crise sanitaire que le pays a connue depuis plus d'un siècle, alors faites-nous confiance pour gérer les soins du quotidien et laissez-nous nous organiser ! Ce message, vous l'avez entendu, madame la rapporteure : votre proposition de loi en témoigne.

Je salue de nouveau le travail de toutes celles et tous ceux qui ont enrichi le texte. Je viens devant vous avec l'envie réelle et sincère que les débats parlementaires puissent nous permettre d'enrichir ce qui doit l'être et de modifier ce qui pourrait l'être. Le débat est ouvert car je ne me présente pas devant la représentation nationale en étant fort de convictions définitives ou forgées par je ne sais quelle technostructure ; je souhaite que nous puissions avoir des échanges et des débats, que j'espère constructifs, au service des soignants et surtout des malades.

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