Intervention de Gisèle Biémouret

Séance en hémicycle du lundi 30 novembre 2020 à 21h00
Amélioration du système de santé par la confiance et la simplification — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGisèle Biémouret :

Quand on a l'ambition d'améliorer le système de santé, on ne peut pas se reposer uniquement sur de la confiance et de la simplification. Une telle ambition nécessite avant tout qu'on s'appuie sur une évaluation et une expertise sérieuses, permettant au législateur d'arbitrer des choix qui peuvent s'avérer lourds, notamment pour l'hôpital public.

Or, la nature même de votre texte nous empêche de bénéficier de l'avis du Conseil d'État ainsi que d'une étude d'impact, qui aurait pourtant pu nous renseigner sur les conséquences des modifications que vous souhaitez introduire, par exemple au niveau des GHT. Nous le regrettons fortement et vous l'avons rappelé dans notre motion de rejet préalable.

Alors qu'elle était annoncée comme la transposition des mesures non budgétaires du Ségur de la santé, nous constatons que seule la moitié des articles de la PPL y fait référence. Il est vrai que les conclusions de cette consultation, présentées le 10 juillet dernier aux organisations syndicales, ne contenaient que peu de grandes avancées concernant les pistes de réorganisation de notre système de santé.

Pour le reste, vous introduisez des mesures disparates et sans cohérence, qui forment un texte composite dont certaines dispositions sont dangereuses et suscitent une opposition importante de la part des ordres, des syndicats, des professionnels et même, à l'issue des travaux de la commission, des sapeurs-pompiers.

Je ne reviendrai pas sur la cacophonie de l'article 1er et la création, menée tambour battant, d'une profession intermédiaire, destinée vraisemblablement aux déserts médicaux. Face au tollé que vous avez provoqué en voulant enjamber la concertation promise à l'issue du Ségur, il vous a fallu le réécrire en urgence. Il n'en reste pas moins que cette profession, dont le rôle et les missions restent obscurs, risque d'aboutir à une médecine à deux vitesses et, partant, de créer une inégalité géographique et sociale devant la maladie.

Dans le but de résoudre les difficultés d'accès aux soins de nos concitoyens dans les territoires, vous introduisez dans ce texte des modifications aux conséquences graves pour l'autonomie des hôpitaux de territoires, notamment pour les hôpitaux ruraux. En donnant davantage de pouvoirs aux établissements supports des GHT et en éloignant encore plus les réponses aux besoins en santé des usagers, les articles de votre proposition de loi concernant les GHT vont, de manière très surprenante, à l'encontre de ce que prône votre stratégie « Ma santé 2022 ». Ils contreviennent même à l'esprit de la création des GHT, qui n'avait en aucun cas pour but de procéder à une centralisation totale des pouvoirs au sein des établissements supports. Certes, à l'issue de nos travaux en commission, le principe d'automaticité des directions communes a laissé place à un intérim d'un an, mais, au final, cela ne fera que retarder légèrement l'instauration de directions communes.

Chaque directeur d'hôpital doit conserver son autonomie. Car si rien ne peut nous garantir que cette complexification de l'administratif aboutira à ce que les patients soient mieux soignés, nous observons en revanche que ce dispositif est davantage dirigé vers un objectif d'économies budgétaires que vers celui d'une amélioration de la qualité des soins.

En vous fondant sur les études de l'IGAS – Inspection générale des affaires sociales – et de la Cour des comptes, qui se sont limitées aux seuls aspects financiers, vous êtes, en réalité, en train de changer insidieusement la loi de modernisation de notre système de santé de 2016. Le GHT est un outil de coopération dans lequel chaque établissement de santé occupe une place stratégique. Il n'existe d'ailleurs pas de GHT type : chacun a ses propres contraintes structurelles, géographiques, démographiques, historiques, raison pour laquelle chaque établissement a un rôle important à jouer dans le maillage territorial.

Comme je l'ai rappelé en commission, l'existence de certains hôpitaux tient à un combat permanent des soignants, médecins et personnels administratifs. Si l'échelon du directeur, leur porte-parole et défenseur de l'établissement, disparaît, l'établissement risque de péricliter et, partant, que les décisions soient prises, à son détriment, par le directeur de l'établissement support.

L'examen de ce texte aurait pu être l'occasion d'un débat et d'une réforme de la gouvernance hospitalière, mais le choix d'une procédure accélérée nous empêchera d'approfondir nos travaux. Notre groupe ne votera donc pas dans l'urgence ce texte, qui présente des dispositions trop graves et non évaluées pour les hôpitaux de proximité.

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