Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du mercredi 2 décembre 2020 à 15h00
Amélioration du système de santé par la confiance et la simplification — Article 10

Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé :

Prenons un cas pratique : du fait d'un arrêt dans son équipe un jeudi, un directeur d'hôpital se retrouve sans anesthésiste pour le bloc opératoire le samedi suivant. Il appelle alors une agence d'intérim ou un médecin anesthésiste qui fait partie de son réseau, celui-ci ayant déjà travaillé dans l'hôpital dans le cadre d'une mission d'intérim ou d'un contrat de gré à gré. L'agence lui répond qu'elle peut lui trouver un anesthésiste pour le samedi, mais que cela lui coûtera 3 000 euros pour vingt-quatre heures.

S'il n'a vraiment pas le choix, le directeur donnera son accord, bien que la loi le lui interdise, puisqu'elle plafonne la rémunération à environ 1 300 euros. Le directeur se mettra donc hors la loi, mais le service tournera. Au pire, il se fera taper sur les doigts par le comptable ou par la chambre régionale des comptes, mais il sera trop tard. Quant à l'agence d'intérim et au médecin intérimaire, ils seront tranquilles, car ils sauront que le directeur paiera.

Avec la disposition prévue à l'article 10, en revanche, l'agence d'intérim et le médecin intérimaire auront beau demander 3 000 euros, le paiement sera bloqué, même si le directeur a donné son accord. La loi s'appliquera sur tout le territoire national, la règle sera la même pour tous : personne ne pourra être payé 3 000 euros pour vingt-quatre heures. Le comptable rappellera les termes de la loi au directeur d'hôpital et l'autorisera à verser au maximum 1 300 euros au médecin intérimaire, conformément à la loi.

Votre amendement, monsieur Door, permettrait au médecin intérimaire de répondre au directeur d'hôpital : débrouillez-vous, appelez le directeur général de l'ARS et dites-lui que, si vous ne me payez pas 3 000 euros, je ne viens pas. Dans ce cas, autant ne pas voter l'article 10 ! Cela reviendrait en effet à transférer la responsabilité du directeur d'hôpital au directeur général de l'ARS, lequel devrait décider d'accorder ou non une dérogation pour une pratique scandaleuse. Et le directeur d'hôpital pourrait répondre au médecin intérimaire : je m'arrangerai plus tard avec le directeur général de l'ARS…

Tant qu'il y aura, sur le territoire national, des établissements de santé qui continueront à déroger à la loi – parce qu'ils n'ont pas le choix, qu'ils ont le couteau sous la gorge ou la corde au cou… – , les médecins intérimaires se feront payer. Tel était bien le message adressé en substance par les médecins intérimaires qui ont organisé un mouvement de boycott il y a un an et demi : nous nous en fichons, nous n'allons plus travailler dans les hôpitaux qui respectent la loi ; nous allons travailler dans les autres, qui ne la respectent pas.

Avec l'article 10, il ne sera plus possible de prendre une décision individuelle ; quelle que soit la situation, quoi que l'on fasse, on ne pourra pas déroger à la loi. Je trouve cela très sain, et c'est le seul moyen de mettre fin aux abus de l'intérim médical.

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