Intervention de Monique Limon

Séance en hémicycle du mercredi 2 décembre 2020 à 15h00
Réforme de l'adoption — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMonique Limon, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

La présente proposition de loi est le fruit d'un long travail que j'ai engagé il y a presque deux ans. La première étape s'est concrétisée par la remise au Premier ministre Édouard Philippe et au secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles, Adrien Taquet, d'un rapport intitulé « Vers une éthique de l'adoption - Donner une famille à un enfant », que j'ai rédigé conjointement avec la sénatrice Corinne Imbert, du groupe Les Républicains.

Le constat que nous avons dressé est clair : trop de mineurs protégés restent placés en établissement ou en famille d'accueil sans qu'aucune autre solution ne puisse vraiment leur être proposée. Dans ces conditions, deux principes fondamentaux doivent guider l'éthique de l'adoption : l'intérêt de l'enfant et le souci de lui donner une famille. D'autres préconisations sont cependant essentielles : mieux préparer et accompagner les familles à l'adoption ; harmoniser les pratiques de délivrance de l'agrément aux personnes qui souhaitent adopter ; mettre l'enfant au centre des décisions qui le concernent ; faciliter l'adoption des enfants qui peuvent l'être ; apporter une formation adéquate aux personnes chargées des décisions en matière d'adoption, en particulier les membres du conseil de famille.

Aussi la présente proposition de loi a-t-elle pour objet de refonder le modèle de l'adoption, afin de permettre à chaque enfant de trouver le projet de vie le plus adéquat à son profil et d'en faire un outil majeur de protection de l'enfance.

À cet effet, elle poursuit deux grands objectifs.

Le premier est de faciliter et de sécuriser l'adoption, conformément à l'intérêt de l'enfant. Dans cette perspective, elle valorise l'adoption simple, ouvre l'adoption aux couples non mariés, prévoit un écart d'âge maximum entre l'adoptant et l'adopté, favorise l'adoption plénière des enfants de plus de 15 ans, en particulier par les personnes qui les ont accueillis au titre de l'aide sociale à l'enfance – ASE. Par ailleurs, elle renforce la protection des enfants en sécurisant la période de placement en vue de l'adoption, en prévenant l'adoption entre ascendant et descendant – et donc une confusion des générations – , en replaçant au coeur du processus d'adoption les notions de consentement et d'agrément, et en consolidant les droits des pupilles de l'État.

Le deuxième objectif est de renforcer le statut de pupille de l'État et d'améliorer le fonctionnement du conseil de famille. La proposition de loi définit ainsi l'objet du statut de pupille de l'État, clarifie les conditions d'admission dans ce statut et crée un droit d'information du pupille par son tuteur pour toute décision le concernant. Elle améliore également l'organisation et le fonctionnement du conseil de famille en revoyant sa composition et en instituant une formation pour ses membres. Elle garantit un examen régulier du statut des enfants de moins de trois ans et, enfin, affirme le caractère supplétif de la tutelle départementale par rapport à la tutelle des pupilles de l'État.

En vue de l'examen de ce texte, j'ai mené de nombreuses auditions qui ont permis de constituer une base de travail fournie et constructive, fruit d'un travail tant personnel que collectif – je tiens à cet égard à remercier tout particulièrement les membres de la commission des lois pour leur implication. Ces auditions ont contribué à enrichir cette proposition de loi, avec toujours comme boussole l'intérêt de l'enfant.

Nous ouvrons l'accès à l'adoption en abaissant la condition d'âge de 28 à 26 ans et en réduisant de deux ans à un an la condition de durée de communauté de vie. Nous portons l'écart d'âge maximum entre l'adoptant et l'adopté de quarante-cinq à cinquante ans et prévoyons une possibilité de dérogation en cas d'accord du conseil de famille, sous réserve de justes motifs. Cette mesure devra servir de guide aux professionnels lors de la procédure d'agrément, raison pour laquelle elle apparaîtra dans le code de l'action sociale et des familles. Je reviendrai plus en détail sur ce sujet lors de l'examen des articles 3 et 10, sur lesquels j'ai déposé des amendements.

Pour les couples de femmes ayant eu recours à la procréation médicalement assistée – PMA – avant l'entrée en vigueur de la présente proposition de loi qui seraient séparés, au cas où la femme ayant accouché s'oppose à la reconnaissance de l'enfant par son ex-conjointe, nous prévoyons un dispositif transitoire permettant d'établir la filiation par l'adoption, grâce à un acte judiciaire. Nous fixons la durée de validité de l'agrément en vue d'adoption à cinq ans renouvelables, pour les personnes qui en font la demande, et précisons que tout refus ou retrait d'agrément doit être motivé. Nous rétablissons l'octroi d'une aide financière versée par le département aux personnes adoptant un enfant confié à leur garde par les services de l'aide sociale à l'enfance.

Nous rétablissons les dispositions relatives aux organismes autorisés pour l'adoption – OAA – , tout en les encadrant et en recentrant leurs missions sur l'intermédiation de l'adoption de mineurs étrangers. En conséquence, nous étendons à l'adoption internationale l'infraction d'exercice illégal de l'activité d'intermédiaire, dont le champ est aujourd'hui limité à l'adoption nationale. Pour simplifier et aider au mieux les OAA travaillant à l'international, leur autorisation d'exercer sera délivrée pour cinq ans renouvelables pour le territoire français par le ministère des affaires étrangères, après avis du ministère des solidarités et de la santé. Cette compétence s'élève ainsi de l'échelon départemental à l'échelon national, ce qui permet de sécuriser l'existence de ces organismes tout en les encadrant.

Pour les OAA travaillant en France, nous souhaitons désormais que le recueil d'enfants soit une compétence exclusive de l'aide sociale à l'enfance, afin que ceux-ci bénéficient du statut de pupille de l'État, statut le plus protecteur pour eux. En revanche, nous confortons les OAA dans leur rôle d'accompagnant des départements pour la recherche de familles s'agissant des enfants à besoins spécifiques. Nous ne pouvons tout simplement pas nous passer de leurs compétences. Nous avons prévu l'obligation pour les personnes souhaitant adopter un mineur étranger d'être accompagnées par un organisme autorisé pour l'adoption ou par l'Agence française de l'adoption – AFA.

Enfin, nous modifions la composition du conseil de famille, afin notamment d'y inclure une personnalité qualifiée en matière d'éthique et de lutte contre les discriminations et une personnalité qualifiée dans les disciplines en relation avec le développement de l'enfant. Nous encadrons l'exercice du mandat des membres du conseil de famille, nous exigeons une formation pour ceux-ci et nous insistons sur la motivation des décisions prises par le conseil de famille et nous précisons les conditions dans lesquelles le pupille peut exercer un recours contre ses délibérations.

Pour finir, j'aborderai trois sujets qui ne pourront être évoqués lors de l'examen des amendements.

Certains d'entre vous souhaitent une évolution du régime de l'accès aux origines dans le cadre de l'accouchement sous le secret. Comme vous, je considère que la connaissance de ses origines fait partie intégrante de la construction de l'enfant. Dans un souci d'équilibre, nous devons toutefois aussi prendre en compte le droit de la femme à sauvegarder le secret de son identité. Il semble donc nécessaire, avant toute modification législative sur ce point, de s'appuyer sur un premier bilan de la loi de 2002 qui a créé le Conseil national d'accès aux origines personnelles – CNAOP. Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous nous dire si un tel bilan pourra être réalisé ?

Par ailleurs, au moment où les parents sont sur le point de prendre la décision de confier leur enfant à l'ASE, il est nécessaire de les informer et de les accompagner du mieux possible. Cette information devrait prendre la forme d'un guide qui leur serait remis pour garantir leur pleine compréhension des enjeux du délaissement parental pendant la période de réflexion et avant le recueil de leur consentement définitif. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, me donner des garanties quant à la mise en place d'une réglementation sur ce sujet ?

Comme je l'ai indiqué, nous revoyons la composition du conseil de famille et rendons obligatoire la formation de ses membres. Pour compléter ces dispositions, il me semble important d'augmenter leur défraiement pour leur éviter de se retrouver dans une situation proche du bénévolat et pour les inciter à tenir ce rôle absolument essentiel. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, prendre un engagement en ce sens ?

En conclusion, vous l'aurez compris, cette proposition permettra d'ouvrir et de faciliter l'adoption de tous les enfants dont le projet de vie passe par une adoption, que celle-ci soit simple ou plénière. Il s'agit de donner la possibilité à l'enfant de vivre au sein d'une famille à laquelle il se sent appartenir, car c'est bien dans ce cadre-là qu'il peut être aimé, qu'il peut être éduqué et donc qu'il peut exister et se construire.

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