Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du mercredi 2 décembre 2020 à 15h00
Réforme de l'adoption — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Quelques années après l'entrée en vigueur de la loi du 14 mars 2016, le régime juridique relatif à l'adoption connaît encore des lacunes auxquelles la proposition de loi, dont nous discutons aujourd'hui, entend remédier. Je ferai trois observations sur ce texte.

La première est le constat d'une situation compliquée, qui reste anormale, à la fois pour de nombreux enfants et pour les candidats à l'adoption.

La deuxième porte sur les dispositions du texte qui améliorent la situation actuelle. Les principes fondamentaux avancés par les auteurs de la proposition de loi sont, d'une part l'intérêt de l'enfant, d'autre part la volonté de donner une famille à un enfant. Le titre Ier de la proposition de loi entend à la fois valoriser l'adoption simple et déconnecter l'adoption du statut matrimonial de l'adoptant pour autoriser l'adoption en cas de PACS ou de concubinage. L'article 1er met fin à une différence de traitement entre couples hétérosexuels et homosexuels mariés et entre couples hétérosexuels et homosexuels non mariés. Si cet article focalise l'attention et suscite de nombreux amendements, je note que d'autres dispositions sont tout aussi importantes. Je citerai rapidement, au regard du temps qui m'est imparti, les dispositions prévues aux articles 3, 4, 5 et 6, ainsi qu'aux titres II et III.

Enfin, il nous semble que certaines dispositions auraient mérité des approfondissements et des adaptations. Il s'agit tout d'abord de la place et du rôle des organismes autorisés pour l'adoption. Ces associations à but non lucratif, constituées de bénévoles et assurant une activité d'intermédiaire pour l'adoption ou le placement en vue de l'adoption des mineurs, étaient les grands oubliés de la version initiale du texte, qui privilégiait un monopole de l'État. Ces OAA ont été réintroduits, et nous nous en félicitons. Ils sont désormais limités dans leurs missions à l'international, alors que, jusqu'à présent, ils pouvaient agir sur le territoire français. J'ai reçu des courriers de familles me signalant que les OAA leur avaient permis d'adopter des enfants en situation de handicap et qu'ils répondaient bien à un projet d'adoption conforme au bien de l'enfant.

Parmi les dispositions importantes qui auraient pu faire l'objet de mesures nouvelles, je pourrais également citer plusieurs qui touchent plus particulièrement l'article L. 224-8 du code de l'action sociale et des familles, relatif aux recours contre l'arrêté d'admission en qualité de pupille de l'État. Cet article suscite aujourd'hui des interrogations, en ce qu'il se réfère à la famille comme personne pouvant former recours à la décision d'admission. Or, la notion de famille n'existe pas dans le code civil. Par ailleurs, cette possibilité de recours est aussi rendue difficile par le fait que l'arrêté d'admission ne semble faire l'objet d'aucune information auprès des intéressés.

Dans le même ordre d'idées, il eût été intéressant d'abroger l'alinéa 2 de l'article 370-3 du code civil, évolution qui eût permis de traiter la question des enfants recueillis sous le régime de la kafala : l'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si la loi dont il relève prohibe cette institution, « sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France ». La France semble donc être l'un des rares pays européens à avoir inscrit dans son droit cette restriction, laquelle pourrait être interprétée comme contraire à l'intérêt de l'enfant.

Il faut enfin citer l'article 13, qui supprime le consentement des parents lorsque le conseil de famille envisage l'adoption de leur enfant pupille de l'État. L'association ATD- Quart monde fait observer que les raisons pour lesquelles un enfant devient pupille de l'État sont multiples. De plus, le caractère automatique de la mesure pourrait poser problème quant à la conformité de la loi avec certaines dispositions de droit international.

Pour toutes ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés souscrit à l'évolution apportée par le texte, mais souhaite que soit annoncée la possibilité d'améliorer le texte en deuxième lecture en le complétant, comme je l'ai déjà dit, avec les éléments qui lui manquent.

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