Intervention de Benoit Simian

Séance en hémicycle du mercredi 2 décembre 2020 à 15h00
Réforme de l'adoption — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBenoit Simian :

Donner une famille à un enfant plutôt que donner un enfant à une famille : voilà, résumée en quelques mots, la philosophie qui sous-tend la proposition de loi de Monique Limon, dans laquelle le groupe Libertés et territoires souhaite pleinement s'inscrire. Le régime de l'adoption a été en partie modifié par la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfance, en raison du constat suivant : trop de mineurs protégés restaient placés en établissement ou en famille d'accueil, sans qu'aucune alternative véritable puisse leur être proposée.

Madame la rapporteure, le premier bilan que vous faites dans le cadre de ce texte vous permet d'avancer qu'il faut faciliter l'adoption simple des enfants ayant toujours leur famille d'origine, mais placés en centre ou auprès d'une famille d'accueil parce que leur famille ne les élève pas. L'objectif de la proposition de loi est donc de renforcer et de sécuriser le recours à l'adoption comme un outil de protection de l'enfance, lorsqu'il correspond à l'intérêt de l'enfant concerné et uniquement dans son intérêt.

Nous partageons l'objectif de donner une famille à des enfants dont on sait malheureusement que plus ils restent dans des centres, moins ils sont adoptables. Les conditions de vie dans ces centres sont parfois très difficiles, comme l'a montré un reportage diffusé en janvier 2019 sur France 3 dans l'émission d'Élise Lucet, qui avait défrayé la chronique. Les images, tournées en Gironde, au centre départemental de l'enfance et de la famille d'Eysines, dans ma circonscription, nous avaient tous choqués ; je salue la visite effectuée par Adrien Taquet dans ce centre. À l'origine du reportage, une lettre ouverte de huit éducateurs, très éprouvés par leurs conditions de travail, dénonçant agressions physiques, coups et morsures entre enfants et sur le personnel, abus sexuels entre usagers, qui se seraient multipliés et intensifiés. Cet horrible reportage laissait aussi voir des violences perpétrées par les adultes contre des enfants désoeuvrés.

Le président du conseil départemental de la Gironde, Jean-Luc Gleyze, responsable à ce titre de l'Aide sociale à l'enfance, reconnaissait avec lucidité qu'il s'agit d'un système qui craque, qui est à bout. Ce qui pose problème dans ces centres, c'est le mélange d'enfants qui relèvent de l'aide sociale avec d'autres qui devraient aller dans des structures pédopsychiatriques sous la responsabilité des agences régionales de santé – ARS – , donc de l'État. Or ces structures n'étant pas assez nombreuses, la majorité des enfants sont renvoyés dans des structures départementales qui n'ont pas les compétences pédopsychiatriques pour les gérer.

Chaque année, 300 000 enfants sont placés ; un quart des sans domicile fixe et 30 % des mineurs délinquants sont d'anciens enfants placés. Aussi comprendrez-vous, mes chers collègues, que nous soutenions cette proposition de loi visant à rendre les enfants placés adoptables plus facilement et plus rapidement, grâce à un recours accru à l'adoption simple. Comme il y a finalement peu de pupilles de l'État, il y a moins d'adoptables que de demandes. Faciliter l'adoption simple nous semble donc une bonne piste à suivre, l'idée étant de privilégier le lien entre l'enfant et la famille d'origine.

Notre priorité, comme celle de l'Association des départements de France – ADF – , avec laquelle je me suis entretenu hier, est bien la protection de l'enfance, c'est-à-dire favoriser l'adoption quand l'enfant y a un intérêt. L'ADF me disait que, dans certains départements, le nombre d'enfants à adopter est plus élevé que dans d'autres. Cela peut aussi expliquer les différences de délais d'un département à l'autre : dans les Hautes-Pyrénées, chez ma collègue Jeanine Dubié, ils sont de neuf ans, quand dans d'autres départements ils sont de trois ou quatre ans. C'est pourquoi nous proposons l'instauration d'un échange de bonnes pratiques entre départements, afin de résorber les disparités de traitement. Rappelons que les départements ont une réelle expertise dans le domaine de l'accompagnement social et que la gestion de l'aide sociale à l'enfance est cohérente, notamment avec celle de la PMI – protection maternelle et infantile.

Nous pouvons néanmoins regretter, à l'unisson avec l'Association des départements de France, qu'il n'existe pas encore un centre unique, regroupant l'ensemble des structures qui entrent en jeu dans la procédure d'adoption. Les départements regrettent également que le suivi post-adoption ne soit pas davantage renforcé, notamment pour les familles qui adoptent des enfants handicapés ou des adolescents qui ont déjà connu des familles au titre de l'Aide sociale à l'enfance.

La proposition de loi entend aussi adapter le dispositif français de l'adoption aux réalités d'aujourd'hui, avec une refonte du dispositif d'agrément – c'est à saluer – , une modification de la composition des conseils de famille ou encore une remise en cohérence des textes législatifs. Il s'agit notamment de prendre en compte l'évolution de la société et de renforcer l'égalité entre adoptants, en ouvrant la possibilité aux couples non mariés d'adopter, ce que nous saluons. Nous défendrons ainsi un amendement visant à interdire les discriminations à l'adoption entre couples mariés ou non mariés – sujet largement débattu en commission – , qu'ils vivent en concubinage ou soient liés par un PACS. Néanmoins, plusieurs membres de notre groupe expriment un regret : l'absence de réécriture du chapitre sur la filiation dans le code civil, en lien avec l'adoption du projet de loi relatif à la bioéthique.

Enfin, nous défendrons également des amendements visant à maintenir l'activité des OAA, laissant ainsi le choix aux parents de la structure à laquelle confier leur enfant. Voilà, mes chers collègues, comment nous abordons l'examen de ce texte ; le groupe Libertés et territoires soutiendra la proposition de loi.

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