Intervention de Adrien Taquet

Séance en hémicycle du vendredi 4 décembre 2020 à 15h00
Réforme de l'adoption — Article 3

Adrien Taquet, secrétaire d'état chargé de l'enfance et des familles :

Mesdames et messieurs les députés, plaçons-nous dans la vie réelle – ceci étant dit sans provocation aucune : nous ne parlons pas ici d'enfants tout à fait comme les autres, même si, j'en suis convaincu, ce qu'ils attendent et ce que nous leur devons, c'est précisément de leur permettre d'être des enfants comme les autres.

La question de l'écart d'âge maximum entre les parents adoptifs et l'enfant adopté n'a rien à voir, monsieur Eliaou, avec le fait qu'un nourrisson pleure la nuit et qu'à 55 ans on supporte moins bien de mal dormir. Elle n'a rien à voir non plus, monsieur Brindeau, avec les torts que pourrait porter à la relation un écart générationnel trop important. La question n'est pas là.

Les enfants dont nous parlons ont connu une rupture, une fracture même, au début de leur vie, qui a commencé, dans la plupart des cas, dans des conditions dramatiques. Ils ont donc besoin de stabilité et de sécurité. Nous devons veiller à ce qu'ils ne subissent pas d'autres ruptures au cours de leur vie. Il n'existe bien entendu aucune garantie en la matière et la loi n'a pas le pouvoir de prévenir les ruptures, ni dans la vie de ces enfants, ni dans la nôtre – c'est sans doute ce qui fait la beauté de la vie.

Veillons, toutefois, à protéger au mieux les enfants adoptés et entendons la mise en garde du Comité consultatif national d'éthique dans son avis no 134 du 7 mai dernier : « Un écart d'âge trop important expose l'adopté à une chance moindre d'avoir un parent adoptif à même de répondre à tous ses besoins lorsqu'il approche de la majorité. » Tel est précisément le risque que nous entendons prévenir.

Je ne veux évidemment stigmatiser ou discriminer personne, mais les adultes de 50 ans, 55 ans ou 60 ans qui adoptent un nourrisson sont relativement âgés à l'approche de la majorité de leur enfant. Ils peuvent bien sûr être encore en bonne santé – je le leur souhaite – , mais ils sont, c'est une évidence, plus susceptibles de voir leur vie s'arrêter, soit un risque supplémentaire de fracture pour un enfant en plein développement.

Je vous livre là une intime conviction, que j'ai forgée dans mes échanges avec les professionnels et les enfants adoptés. Ces enfants ne sont pas exactement comme les autres. Nous devons tout faire, avec ce texte, pour sécuriser et consolider leur parcours et leur apporter la plus grande stabilité possible.

Tel est précisément l'objectif de la disposition qu'il vous est proposé d'adopter. En dernier ressort, le conseil de famille aura le dernier mot et pourra donc passer outre, ce qui assurera la souplesse que vous appelez de vos voeux – vous préconisez cependant de laisser le dernier mot au juge quand je crois préférable de le laisser au conseil de famille.

Mme la rapporteure propose par ailleurs de renvoyer ces considérations à la phase de l'agrément, ce que je crois une bonne chose.

Au total, je crois que nous sommes parvenus au bon équilibre. Une préoccupation subsistait de mon côté, mais elle a été levée. Je craignais que l'introduction de cette disposition sur l'écart d'âge maximum empêche les assistantes familiales qui se sont occupées d'un enfant depuis son plus jeune âge de l'adopter quand elles le souhaitent. Nous avons veillé à ce que ce risque soit écarté.

Pour conclure, mon avis est favorable sur ces amendements de suppression, la disposition étant renvoyée à l'article 10.

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