Intervention de Dimitri Houbron

Séance en hémicycle du mardi 8 décembre 2020 à 15h00
Parquet européen et justice pénale spécialisée — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDimitri Houbron :

Nous examinons aujourd'hui un projet de loi qui, mis à part le curieux article 11 dit « anti-frotteurs », poursuit deux objectifs principaux. Le premier est celui d'adapter notre législation à la création du parquet européen. Le deuxième consiste à améliorer les dispositifs actuels relatifs à la justice pénale spécialisée nationale.

Comme cela a été rappelé par les précédents orateurs, le parquet européen sera chargé de rechercher, de poursuivre et de renvoyer devant la justice les auteurs d'infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union, à savoir la fraude, la corruption ou encore la fraude transfrontalière à la TVA d'un montant supérieur à 10 millions d'euros. Cette instance supranationale chargée de la lutte contre les atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne sera compétente pour diligenter des enquêtes, effectuer des actes de poursuite ou encore exercer l'action publique devant les juridictions compétentes des États membres.

Le groupe Agir ensemble est attaché au renforcement de la protection des intérêts de l'Union européenne. Notre groupe ne peut donc que saluer le fait que ce parquet soit doté d'outils performants pour lutter contre la criminalité financière. La Commission européenne pointe régulièrement les chiffres de la criminalité financière, que ce soit ceux de la fraude transnationale, qui fait perdre 50 milliards d'euros de recettes de TVA aux États membres, ou ceux des détournements de fonds européens, estimés à 700 millions d'euros.

Conscient que la concrétisation d'un tel projet, au regard des compétences accordées aux procureurs européens délégués, peut susciter certaines crispations, le groupe Agir ensemble estime qu'il est nécessaire de donner à cette instance les moyens de ses ambitions. Le cadre procédural est novateur, permettant une plus grande efficacité quant à la répression d'une délinquance astucieuse qui est largement internationale et dont les profits se chiffrent en millions d'euros.

Par ailleurs, le groupe Agir ensemble salue les apports de ce projet de loi à la justice environnementale. Tout d'abord, lorsque ce texte sera promulgué, la justice française se verra dotée, dans chaque cour d'appel, de tribunaux spécialisés dans les cas d'atteintes à l'environnement, où de gros enjeux financiers sont en jeu. Ces nouveaux pôles, compétents en matière civile et pénale, permettront de faciliter la réponse dans des affaires dirigées contre des personnes morales. En clair, il s'agit d'en finir avec la faible judiciarisation des dommages environnementaux.

De plus, l'élargissement de la convention judiciaire d'intérêt public aux infractions au droit de l'environnement est une véritable avancée. L'efficacité des conventions judiciaires d'intérêt public, mécanisme introduit dans notre droit par la loi dite Sapin 2 afin de lutter contre la corruption, n'est plus à prouver. En substance, le dispositif envisagé offrirait à une personne morale pénalement mise en cause, mais pas encore poursuivie, la possibilité de conclure avec le ministère public une convention aux termes de laquelle elle reconnaîtrait les faits d'atteinte au droit de l'environnement qui lui sont reprochés, verserait une amende au Trésor public et s'engagerait à suivre un programme de mise en conformité ou à réparer le dommage causé par les faits qui lui sont imputés. C'est un mécanisme efficace et dissuasif que nous nous satisfaisons de voir étendu aux infractions au code de l'environnement.

Le groupe Agir ensemble aurait aimé pouvoir défendre un amendement visant à permettre au ministère public, dans le cadre des mesures de classement sous condition, de proposer au délinquant la poursuite d'un stage au sein d'une structure environnementale. Un tel stage aurait pu constituer une mesure pédagogique particulièrement opportune afin de sensibiliser les personnes mises en cause à l'impérieuse nécessité de respecter notre environnement. J'avais d'ailleurs déjà, dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Agir ensemble, défendu l'idée d'élargir le champ des mesures alternatives aux poursuites susceptibles d'être mises en oeuvre sur le fondement de l'article 41-1 du code de procédure pénale. Cet amendement a hélas été jugé irrecevable.

Le groupe Agir ensemble votera cependant en faveur de ce projet de loi à la fois nécessaire et audacieux.

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