Intervention de Agnès Firmin Le Bodo

Séance en hémicycle du mardi 21 novembre 2017 à 15h00
Renforcement du dialogue social — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Firmin Le Bodo :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, les mesures de réforme du code du travail présentées dans ce projet de loi de ratification des ordonnances sont le résultat d'un pari, celui de la confiance et de l'optimisme.

Il est tout d'abord celui de la confiance dans la capacité de nos entreprises, employeurs et salariés confondus, à parvenir par le dialogue à l'adoption de mesures qui à la fois sont favorables à la compétitivité de notre économie et renforcent les droits dont bénéficient les salariés.

Il est également celui de l'optimisme, car ces mesures sont le reflet d'une vision apaisée et sereine de l'entreprise. Celle-ci n'est plus, si elle l'a jamais été dans l'esprit de nos concitoyens, le lieu d'un rapport de force stérile et conflictuel entre patrons et salariés. Qui peut croire en effet que la première préoccupation d'un employeur au moment d'embaucher un salarié supplémentaire soit de planifier son licenciement ?

S'il existe des dérives, qu'il convient d'encadrer et de sanctionner, ce n'est pas la réalité que proposent les employeurs de notre pays. Ce n'est pas non plus la réalité que connaissent des millions de salariés au quotidien.

Ce projet de loi prend davantage en compte la complexité des parcours de vie et des aspirations individuelles. Il est en effet désormais moins fréquent de « faire carrière » au sein d'une même entreprise, comme pouvaient le faire nos parents ou nos grands-parents. L'assouplissement des possibilités de recours au télétravail constitue une reconnaissance bienvenue de ces évolutions.

Notre code du travail doit s'adapter en conséquence, pour mieux protéger et encadrer ces nouvelles relations de travail. La réforme du code du travail que nous examinons cette semaine répond d'autre part et surtout à une urgence, celle du chômage de masse, qui s'élève structurellement depuis des décennies et qui connaît aujourd'hui des niveaux historiquement élevés. La lutte contre le chômage doit être une des priorités absolues du Gouvernement.

Face aux innovations technologiques et à la révolution du numérique, face aux bouleversements provoqués par la mondialisation et par la compétition économique nouvelle qu'elle a engendrée entre les pays, une partie de nos concitoyens s'est trouvée en quelque sorte marginalisée. Nous devons agir pour leur redonner des marges de manoeuvre, tant nous sommes convaincus que la réalisation de soi par le travail est une composante essentielle de la vie d'une personne qui participe à son épanouissement en tant qu'individu et détermine son sentiment d'appartenance vis-à-vis de la société tout entière.

Une réforme globale de la formation professionnelle, de l'apprentissage et de l'assurance chômage est en cours et sera discutée devant la représentation nationale l'année prochaine. Elle devra répondre à ces deux interrogations : faciliter l'acquisition des savoirs, en particulier pour les personnes les plus éloignées du marché du travail, et les protéger davantage face aux aléas de la vie.

Lors de l'examen du projet de loi d'habilitation en juillet dernier, le groupe Les Constructifs avait salué la volonté de profiter de l'élan qu'offre traditionnellement le début d'un nouveau mandat pour transformer durablement notre code du travail. Nous avions, vous le savez, émis des doutes sur la méthode et regretté que le Parlement ne soit pas davantage associé à la rédaction des ordonnances.

Pour autant, la majorité des députés de notre groupe avait voté en faveur du projet de loi d'habilitation et reconnu la qualité de la méthode de concertation en association étroite avec les partenaires sociaux. Lors de leur audition devant la commission des affaires sociales, la quasi-totalité des représentants des employeurs et des salariés a ainsi salué l'écoute et la disponibilité du Gouvernement. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

Les mesures présentées par ordonnance contribueront de manière décisive à la simplification du dialogue social en plaçant celui-ci au coeur de l'entreprise. Dans le même temps, le renforcement du rôle de régulation de la branche permettra de prendre davantage en compte les besoins spécifiques des TPE-PME, qui étaient jusqu'alors les grandes oubliées du dialogue social. Nous nous en réjouissons, car c'était une de leurs grandes attentes.

Nous nous réjouissons également de la fusion des instances représentatives du personnel et de la création d'une instance unique, le comité social et économique. De même, l'instauration d'un barème obligatoire dans le cadre de l'indemnisation en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse est une mesure d'équité pour les salariés et permettra de sécuriser les employeurs.

La mise en place de l'accord de rupture conventionnelle collective et des accords de compétitivité emploi ainsi que le changement du périmètre d'appréciation des difficultés économiques sont également des signaux forts en direction des investisseurs étrangers et en faveur de la compétitivité de notre pays. Pour autant, nous regrettons que le Gouvernement n'aille pas plus loin dans la transformation de notre code du travail et n'ait pas souhaité procéder à une refonte des seuils sociaux, qui représentent un véritable frein psychologique à l'embauche et un coût organisationnel et financier pour les employeurs. Nous avons déposé plusieurs amendements en ce sens pour retenter notre chance.

De même, nous aurions souhaité la mise en place d'un contrat de travail unique à droits progressifs. Le projet de loi prévoit de laisser aux branches la compétence concernant les négociations au sujet des CDD, des contrats de mission ou de chantier. Face à la précarité du CDD, le contrat de travail unique permettrait d'apporter la souplesse dont les employeurs ont besoin tout en protégeant davantage les salariés. Nous souhaitons qu'un débat ait lieu dans cette assemblée sur ce sujet.

Concernant la prévention, nous saluons la suppression du compte de prévention de pénibilité, qui complexifiait inutilement la vie de nos entreprises sans apporter de réponse adaptée à la pénibilité réelle de certains emplois. Son remplacement par le compte professionnel de prévention est donc bienvenu.

Nous estimons néanmoins qu'il faut considérablement accroître les dispositifs existants en matière de prévention en santé au travail. Nous rejoignons d'ailleurs en cela les préoccupations de Mme la ministre de la santé, qui a fait de la prévention l'un des piliers de la stratégie nationale de santé. Afin d'améliorer la détection des maladies professionnelles, nous ferons plusieurs propositions visant à accroître l'efficacité des acteurs de la médecine du travail.

Sur l'initiative de mes collègues Francis Vercamer, Charles de Courson et moi-même, nous proposerons notamment la mise en place d'une visite obligatoire en fin de carrière pour les salariés ayant été durablement exposés durant leur carrière à des facteurs de risques professionnels.

Le groupe Les Constructifs aborde donc favorablement la discussion de ce projet de loi et examinera avec bienveillance les dispositions permettant d'améliorer le dialogue social et la compétitivité de nos entreprises.

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